En un peu plus d’un an, François Legault et le gouvernement de la Coalition avenir Québec sont passés d’une réélection triomphale au dernier rang des premiers ministres provinciaux et au deuxième rang des intentions de vote au Québec. Que s’est-il passé ?

Pour dire cela le plus simplement, disons que la Coalition avenir Québec avait beaucoup promis, mais qu’elle a peu livré. Il y a eu beaucoup de communication, de « spin » comme on le dit dans les milieux politiques, mais beaucoup moins de résultats concrets.

Et à la fin, inévitablement, les citoyens oublient les grands discours et constatent l’absence de résultats. Ce qui explique qu’ils se tournent – ou reviennent – vers d’autres formations politiques.

Nulle part n’est-ce plus clair qu’à propos du nationalisme que la CAQ aurait voulu incarner, en particulier sur la question linguistique. Le gouvernement s’est beaucoup bombé le torse avec la loi 96, qui était présentée comme la plus importante avancée pour la langue française depuis la loi 101, adoptée en 1977.

Mais si on compare l’effet de la loi 96 à celui de la loi 101, on se rend compte qu’il s’est agi d’un règlement aux impacts superficiels. Le gouvernement a resserré d’un quart de tour tous les boulons de la loi 101, mais sans se demander sérieusement si cela allait avoir un effet réel.

La loi est déjà contestée devant les tribunaux, ce qui était prévisible, mais on note surtout que le gouvernement a fait une utilisation très parcimonieuse de ses nouveaux pouvoirs en matière de francisation.

Bref, le message, c’était d’adopter une loi, peu importe si cela allait améliorer la situation du français. Pas étonnant que cela se soit soldé par une grande insatisfaction.

Mais le vote nationaliste étant essentiel pour la CAQ, on continue de maintenir les apparences. Comme cette récente politique sur les droits universitaires pour les Canadiens des autres provinces et les étrangers qui a été présentée comme un moyen d’entendre moins d’anglais au centre-ville de Montréal.

Encore aujourd’hui, le gouvernement paie pour des messages publicitaires à la télé pour dire que le français recule au Québec, comme un aveu qu’après cinq ans au pouvoir, ses politiques linguistiques n’ont pas eu l’effet escompté.

On voit le résultat dans les intentions de vote. La CAQ et le Parti québécois étant des vases communicants, les péquistes insatisfaits d’hier sont ceux qui rejoignent aujourd’hui le parti de Paul St-Pierre Plamondon. Son pari sera de transformer cet appui ponctuel en appui à l’option souverainiste, mais cela est un autre débat.

Mais le nationalisme et la situation du français ne sont qu’un exemple. Ainsi, la CAQ a beaucoup promis en matière de santé. Or, on apprenait cette semaine que le gouvernement repoussait à 2026-2027 sa promesse de 2018, soit que les patients puissent être pris en charge à la salle d’urgence en 90 minutes maximum.

On se donne maintenant l’objectif de 165 minutes d’attente pour 2023-2024, alors que rien n’indique qu’il pourra être atteint. Évidemment, il y a toutes sortes de circonstances atténuantes qui vont de la pandémie à la pénurie de main-d’œuvre. Mais il reste que le temps d’attente aux urgences n’est pas en train de diminuer, contrairement à ce qui avait été promis.

Le gouvernement a donc changé de stratégie et proposé une vaste réforme administrative de tout le secteur de la santé – une loi qui a été adoptée sous le bâillon avant même que tous ses articles aient été étudiés en commission parlementaire.

Mais y a-t-il beaucoup de gens pour croire qu’une réforme administrative, aussi bien intentionnée qu’elle soit, va régler les problèmes ? Surtout quand le résultat est de créer une gigantesque agence, Santé Québec, qui deviendra, dès le premier jour, le plus important employeur au Canada.

Ce sera d’autant plus difficile de convaincre les électeurs qui ont trop souvent joué dans ce film pour croire que les réformes administratives vont donner des résultats concrets à l’échelle locale.

Mais ce qui est le plus difficile pour le gouvernement de la CAQ, c’est que son premier ministre, et celui qui a toujours été son principal atout, semble avoir perdu sa touche magique.

De ses atermoiements et revirements sur le troisième lien à une rigidité excessive dans ses positions quant à la négociation avec les employés du gouvernement, surtout dans le contexte d’augmentations salariales inconsidérées aux députés, le moins que l’on puisse dire, c’est que François Legault a eu un automne très difficile.

On a rarement vu un gouvernement n’avoir pas même l’appui du quart des Québécois lors d’une négociation avec le secteur public. C’est le signe le plus évident de la déconnexion entre le gouvernement et les citoyens.

Ce qui fait que si le gouvernement reste aussi rigide dans les négociations et n’obtient pas une entente avant la fin de l’année, il pourrait trouver que les trois dernières années de son mandat seront beaucoup plus difficiles que celle qui se termine.