Cette semaine, j’ai déposé mon micro dans son boîtier, mon crayon sur la table et mon orgueil dans ma petite poche. C’est la fin de tous les projets qui m’ont accompagnée pendant plusieurs mois, voire des années. Après plus de deux ans de tournée partout au Québec avec mon deuxième one woman show, je remercie le public et je lui dis : « À la prochaine. »

Puis, au moment où vous lisez ces lignes, mon deuxième livre est en train de se faire imprimer et je ne peux plus rien changer à ce que j’ai déposé sur ses pages.

Pour beaucoup d’artistes, la fin d’un projet important représente un grand deuil qui est suivi par un vide qui les fait se questionner sur la suite de leur carrière. Mais pour moi, la fin de quelque chose est un nouveau souffle. Le confort ne m’attire pas. Je suis même prête à dire que c’est mon pire ennemi. Mon bonheur réside principalement dans la création des choses. J’aime jongler avec les embûches, les questionnements et tout ce qui peut me créer de l’inconfort. Au moment où je trouve la solution, le processus artistique s’entame. Donc je souhaite souvent d’être déstabilisée, surprise.

Faire une tournée, c’est du confort. J’ai un horaire, telle une fonctionnaire qui sait exactement quand « puncher in » et « puncher out ». J’ai ma petite routine dans la journée : mon petit café en matinée, mon petit gym et ma petite lecture en avant-midi, ma petite sieste en après-midi et l’ouverture des lumières pour faire délirer des centaines de personnes qui contribuent à flatter mon ego en soirée. Je rentre chez moi, je fais mon rattrapage télé, flatte mes chiens et vais me coucher.

C’est ça, pendant deux ans. Dit de même, ma vie semble être un long poème plate, mais c’est rassurant de toujours savoir ce qui va arriver dans les prochains jours. Je suis privilégiée de savoir que, chaque soir, je vais payer ma maison grâce à un métier que je maîtrise et que je chéris. Je suis chanceuse.

Mais ce confort qui s’installe avec le temps, il m’emmerde.

Moi, j’aime danser avec la peur et valser avec le stress. Je ne suis pourtant pas cette artiste qui aime être en danger constamment. Mais j’aime qu’on ébranle mes certitudes qui se font trop fortes par moments.

La semaine dernière, j’ai conclu ma tournée au Nouveau-Brunswick. J’ai fait 1 heure 30 d’avion pour me rendre à Fredericton et, entre chacune des villes dans lesquelles je suis montée sur scène, j’avais 3 heures 30 de route à faire pour 1 heure 30 de spectacle. J’ai passé mes journées dans la voiture de location avec des pneus quatre saisons qui peinaient à rester stables sur la route qui a accueilli une tempête de neige, une tempête de pluie verglaçante et de la pluie abondante. Ça, c’est la tournée. C’est normal.

Là où tout s’est corsé, c’est quand j’ai réalisé 20 minutes avant le premier spectacle à Edmundston que j’avais la gastro. Je l’ai réalisé assez vite. C’était pas mal flagrant. À 20 minutes de mon premier spectacle de la petite tournée acadienne, je me suis demandé si je ne devais pas tout annuler et reporter.

J’étais malade chaque minute, déshydratée et vulnérable comme jamais. J’ai demandé à ma première partie, King Melrose, chanteur de pomme incroyable, de rester stand-by. Je lui ai expliqué que si jamais je devais quitter la scène pour une urgence, il devait y monter et combler le temps.

C’est, dans mes 15 années de métier, le moment le plus vulnérable que j’ai vécu. Avoir la gastro, pendant que je suis sur scène, à des kilomètres de mon confort, de ma maison, de ma mère, de mes repères, devant un public qui m’attend depuis des mois, à la fin d’une tournée qui se veut festive. Être malade entre deux chansons improvisées de mon ami, avec un public qui est sur le bout de son siège en se demandant si je vais pouvoir finir le spectacle.

Et pourtant, je dois l’avouer, ç’a été le meilleur spectacle de toute ma carrière. Être déstabilisée, vulnérable, en contrôle de tout sans l’être vraiment, devant 800 personnes. Quel moment d’émotions pures ! Tout ça n’était évidemment pas prévu. Et tout ça m’a confirmé que parfois, il faut faire attention à ce qu’on souhaite.

Merci à tous ceux qui se sont déplacés.

On se revoit dans un an.

Qui est Mariana Mazza ?

Née à Montréal-Nord en 1990, Mariana Mazza est humoriste, actrice et auteure. En humour, elle a notamment remporté l’Olivier de l’année en 2017 et 2022. Régulièrement invitée à la télévision (La tour, Bonsoir bonsoir, LOL : qui rira le dernier ?) en plus de jouer de façon régulière dans des séries (L’aréna), on l’a aussi vue au grand écran notamment dans Ligne de fuite. Elle a publié en 2022 le roman Montréal-Nord, qui s’inspire de l’enfance de celle qui est née d’une mère libanaise et d’un père uruguayen. Elle vient de terminer sa tournée de son deuxième spectacle solo, Impolie – Pardonne-moi si je t’aime.

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