Après un détour de deux albums du côté du hip-hop, Laurence Nerbonne fait dans Le ciel est beau regarde les nuages un retour assumé à une pop légère, lumineuse et accrocheuse. Mais l’autrice-compositrice-interprète-réalisatrice-beatmakeuse n’en est pas moins revendicatrice, et surtout totalement en contrôle de son bateau.

« Je voulais faire un album de tounes. Comme Beyoncé, Taylor Swift ou Sia », laisse tomber Laurence Nerbonne. Lire le mot toune en italique, c’est-à-dire que chaque chanson devait être en soi une bombe, sinon elle se retrouvait à la poubelle.

« J’avais vraiment le goût de me payer un voyage d’été, d’avoir du plaisir, de juste triper. Avec ce qu’on vient de vivre avec la COVID, moi-même, j’avais envie d’écouter plus de musique joyeuse. » Il y a du reggae et des chansons d’amour et de vacances, mais comme son idole Stromae, Laurence Nerbonne a aussi voulu contrebalancer des textes plus profonds avec des rythmes qui font danser et donner à ses chansons divers niveaux de lecture.

Extrait de Rainbow

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« Mais si ça ne te tente pas d’écouter les paroles, tu peux juste l’écouter dans ton auto et avoir du fun », explique Laurence Nerbonne, qui a décidé d’« embrasser la pop », tout en étant moins dans l’affrontement.

« Mes frustrations, je m’en sers pour créer, dit celle qui fait à peu près tout sur l’album. Je sais où je m’en vais et j’essaie d’en profiter. » Si son « flow » reste rappé et qu’il y a encore des éléments de hip-hop dans sa musique, elle s’est donc tournée « sans gêne » vers les refrains, les hooks et les mélodies fortes, préférant l’écriture de chansons à l’exercice de style plus pur.

Il a fallu que je m’enlève de mon propre chemin un peu. Ç’a été beaucoup de dilemmes.

Laurence Nerbonne

Racines

C’est un genre de retour aux racines que fait Laurence Nerbonne dans Le ciel est beau regarde les nuages. Non seulement elle revient à la pop de son premier album, mais elle a aussi voulu y retrouver l’état d’esprit d’émerveillement de la jeunesse. C’est d’ailleurs le sens du titre de l’album.

Extrait de Hometown

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« Quand j’étais petite, je me couchais souvent dans le gazon pour regarder les formes des nuages. Dans l’enfance, tu n’as pas de responsabilité, tu as toute la vie devant toi… On cherche toute notre vie à revenir à ces premiers instants. »

Laurence Nerbonne n’a jamais hésité à dire ce qu’elle pensait sur la place des femmes dans l’industrie de la musique en général, et dans le monde du rap en particulier. Fatiguée d’en parler ? Non. Surtout fatiguée de voir… que ça ne bouge pas beaucoup. « J’aimerais bien te dire que ça a changé énormément, mais non. Tu as juste à regarder la playlist sur Spotify du rap québécois… il y a 1 fille sur 200 ! » Elle s’étonne de ce retard dans une société aussi progressiste que le Québec.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Laurence Nerbonne vient de lancer son quatrième album solo.

À l’international, ce qui joue, c’est Cardi B, Nicky Minaj, Doja Cat… On fait dur un peu [au Québec]. Et c’est triste pour les jeunes filles parce qu’elles n’ont pas de modèles, et qu’elles bénéficient moins des structures.

Laurence Nerbonne

Tout est lié, rappelle-t-elle : les maisons de disques, les programmations des radios et des festivals. « C’est toujours l’œuf ou la poule. On dit oui, mais les femmes ne remplissent pas de salles… mais si tu ne mets pas de femmes sur tes shows, elles ne développent pas de public ! »

S’adapter

C’est le quatrième album de Laurence Nerbonne en moins de huit ans.

Je n’ai pas chômé. Mais quand je regarde Taylor Swift, qui fait album après tournée après album, je me dis que j’ai de la job en maudit ! Mais c’est ça aujourd’hui, la musique va vite.

Laurence Nerbonne

La consommation a changé autant que les méthodes de production, et elle estime qu’il faut maintenant être capable de bouger vite pour être en phase avec l’ère du single. Mais pourquoi faire un album alors ?

« Au Québec, c’est la façon la plus payante. Le système de subventions est fait comme ça. C’est aussi une manière de faire et expliquer une œuvre, et artistiquement, je trouve que ça me pousse à faire de meilleures chansons. Mais je pense que les deux modèles peuvent cohabiter. »

Son fil rouge a donc été de « créer des vers d’oreille », aussi de les écrire de manière claire et bien ficelée. « Pour que rien ne soit trop flou. »

Le défi restait de faire « sonner et résonner » la langue, ce qui n’est pas toujours facile en français. « C’est un beau casse-tête. » Mais chanter dans la langue de Tremblay est depuis toujours important pour elle. Elle joue autant avec le langage urbain que celui de son enfance à Gatineau, et a beaucoup travaillé pour qu’il n’y ait pas de distance entre elle et ses textes.

« On danse encore, par exemple, je l’ai réécrite jusqu’à ce que je sois sûre à 100 % que c’était complètement moi. Il y a eu beaucoup d’essais-erreurs. »

Extrait d'On danse encore

À 39 ans, Laurence Nerbonne continue d’aimer son métier. L’anxiété fait toujours partie de sa vie, mais elle a compris que ce serait son lot, quel que soit le métier qu’elle pourrait pratiquer. Et qu’au bout du compte, elle ne pouvait faire autrement que d’être une artiste, que ce soit en chanson ou en art visuel.

« Ça va vite dans ma tête ! C’est une façon de me centrer, de me calmer. Et c’est plus facile de parler de moi à travers des œuvres que face à face. »

La sortie d’un nouvel album vient évidemment avec sa dose d’anxiété, mais aussi avec un mélange de plaisir. Alors qu’elle s’apprête à repartir en tournée, Laurence Nerbonne espère en tout cas qu’il fera partie de la trame sonore de notre été. « J’aimerais que les gens se reconnaissent dans les chansons. Qu’ils se sentent comme moi quand je les écoute, et qu’ils aient envie de vivre le moment présent. »

Le ciel est beau regarde les nuages

Pop

Le ciel est beau regarde les nuages

Laurence Nerbonne

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