Artiste multifacette au hip-hop queer et frondeur, Soraï vient de lancer son premier album solo, Synesthésies, après des années au sein du duo MoKa et en tant que musicienne accompagnatrice. Entrevue avec une rappeuse en pleine éclosion.

Ses débuts

« Je me rappelle mes 8 ans, quand je gossais mon père parce que je voulais avoir une guitare électrique. Je voulais pouvoir faire des solos, comme dans la musique que j’écoutais ! Finalement, j’en ai eu une acoustique, j’ai commencé à apprendre par moi-même. Mais j’ai fini par me décourager et je me suis plutôt mise à faire des mix sur [le logiciel d’enregistrement et de création musicale] Garageband. Je prenais des chansons qui existaient déjà et je tentais de les reproduire. Ça ne marchait pas du tout [rires]. Je n’avais aucune formation, mais j’ai fini par apprendre mes accords et mieux comprendre comment fonctionne la musique. [...] Depuis que je suis très jeune, je veux faire ça, mais je ne pensais pas être assez calée, à l’époque. En même temps, c’est tout ce qui m’intéressait et je n’ai jamais vraiment eu de plan B. »

Extrait de Wasabi, de Soraï
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Son arrivée dans le milieu

« Je suis têtue et j’ai toujours eu l’appui de mes parents. Alors j’ai pu me rendre où je voulais. J’ai fini par lâcher le programme de musique au cégep parce que je voulais faire de la musique, pas l’étudier. On a commencé le groupe [électro-pop MoKa, avec Marie-Anne Tessier] et ça a commencé à marcher. Depuis ce temps-là, je continue, même si ça fait seulement deux ans que je peux vraiment vivre de ma musique. [...] À l’époque, j’accompagnais des groupes à la basse. Et plus tard, alors que je travaillais sur un premier projet solo [qui n’existe plus], j’ai commencé à travailler avec Robert Robert. Il m’a écrit sur Instagram pour me dire qu’il avait vu que je faisais des beats et que je jouais de la guitare. On ne se connaissait pas beaucoup, mais il voulait que je joue avec lui. C’est à ce moment-là que je considère que j’ai débuté dans le milieu pour de vrai. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Soraï

Le rap

« J’ai toujours écouté du rap et de la pop. Il y a des vidéos de moi sur l’ordi de mon père qui chante du Drake et du Nicki Minaj à 12 ans ! [Mon choix de rapper] s’est forgé avec le temps. Ça m’a pris beaucoup de temps pour faire cet album parce que je me cherchais un peu quand je me suis relancée en solo. Je me demandais aussi si j’avais ma place dans le rap. Même si pour moi, c’était une façon de m’exprimer qui était naturelle, que j’aimais. Musicalement, j’ai aussi fait beaucoup de recherche et d’exploration. J’ai fait pas mal tous les beats sur l’album. J’ai fait beaucoup de chansons et, finalement, il y en a 10 qui sont restées [sur l’album Synesthésies]. J’ai un besoin d’être vraiment assumée et le rap m’aide là-dedans. Je n’ai jamais été très extravertie plus jeune, j’ai toujours été plus timide, mais plus je vieillis, moins je le suis. J’ai besoin de m’assumer dans ce milieu où il y a un manque de gens comme moi qui font ça. J’avais besoin d’être loud, de rentrer dedans. »

Faire ses chansons de A à Z

« Pour cet album, au début, je n’étais pas fermée à avoir quelqu’un pour m’aider, mais plus j’avançais, plus les gens me disaient que ce que j’avais fait était suffisant, que mes beats étaient finis. Je me sentais imposteur au début. Mais ça m’a permis d’avoir mon propre son, sans l’influence de quelqu’un d’autre. Ça m’a donné de la liberté, de l’indépendance. Par contre, ça a fait que le processus a été très long et que les doutes ont été plus forts parce que, créativement, j’étais seule avec moi-même pour prendre mes décisions. [...] J’ai voulu parler d’affirmation de soi et de féminisme. Je pense que l’anxiété fait aussi pas mal partie de mes sujets [de prédilection]. Mais tout ça, toujours, avec une touche ludique, parce que je ne veux jamais me prendre au sérieux. Je veux utiliser des jeux de mots, c’est ce qui me rend joyeuse. »

Extrait de Gâchis, de Soraï
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La suite

« Notre premier show de lancement [le 7 mars dernier], c’était notre premier show avec tout le band, au Ministère. Sur scène, j’aime sauter d’un bord et de l’autre, me donner le plus possible. J’aime être sur scène : on a annoncé un show au FEQ [Festival d’été de Québec] et on va en annoncer d’autres bientôt. Je vais aussi continuer de sortir de nouvelles chansons, continuer de bâtir sur ce qui se passe. J’accompagne encore Robert Robert l’été prochain. J’espère que ça va se développer encore, que je vais continuer de faire ça longtemps. »