L’ex-porte-voix saguenéen du Parti québécois, Sylvain Gaudreault, a fait une croix sur la politique. Il garde toutefois cette mission de « changer le monde » et croit qu’il faudrait élire un parti centré sur les changements climatiques.

L’avocat de formation a terminé deuxième à la course à la direction du Parti québécois, en octobre 2020, derrière Paul St-Pierre Plamondon. Et depuis qu’il a annoncé qu’il ne se représentait pas, en mars 2022, la vie de l’ex-ministre des Transports et des Affaires municipales a bien changé.

Quelques semaines après l’annonce de son départ, il a obtenu le poste devenu vacant de directeur général du cégep de Jonquière, où il avait enseigné au programme Art et technologie des médias avant d’entrer en politique.

Aujourd’hui, il gère des enjeux de recrutement et de rétention de professeurs et d’élèves, entre autres, mais il ne se gêne pas pour faire prendre un virage vert au cégep de 3000 élèves. Son mandat est de cinq ans.

Auto solo

« J’ai donné une orientation changements climatiques au cégep de Jonquière, y ai ajouté la dimension carboneutralité. Comme cégep, on a le devoir d’être exemplaire dans la lutte contre les changements climatiques », dit l’ex-député de Jonquière et ex-critique du dossier de l’environnement.

Les stationnements du cégep sont pleins à craquer d’autos utilisées en solo, un problème plus criant en région, vu les distances. Son équipe travaille avec la Société de transport du Saguenay à améliorer l’accessibilité et la fiabilité du transport collectif vers le cégep, bref, pour y créer un corridor d’écomobilité. Le cégep travaille aussi à faire l’inventaire complet de ses gaz à effet de serre (GES) et à réduire sa consommation d’énergie, dit-il.

Sylvain Gaudreault ne s’empêche pas, non plus, de faire valoir ses visées vertes en public, comme lors du récent Sommet de l’aluminium, où il était présent comme pourvoyeur de futurs employés, entre autres.

Sortir le climat de l’environnement

Plus généralement, il juge que les politiciens n’ont pas suffisamment d’ambition climatique, qu’ils sont trop craintifs. « Il manque de grandes politiques publiques en matière climatique. Il faut sortir le climat de l’environnement. L’enjeu climatique doit relever du premier ministre et non pas du ministre de l’Environnement », me dit-il entre deux gorgées, au café Le Falco, rue de Gaspé, à Montréal.

Pourquoi une telle gouvernance ? Parce que les problèmes de réchauffement touchent à toutes les dimensions publiques, fait-il valoir, à tous les ministères, qu’on pense aux Transports, à la Santé, à l’Agriculture, aux Affaires municipales, à l’Économie ou aux Forêts. Le ministre de l’Environnement a trop peu de pouvoir dans ce contexte.

On est encore dans une dynamique politique du tout au développement et à l’exploitation des ressources. Un mode où l’on pense que les électeurs veulent de gros emplois industriels. Je crois qu’une bonne tranche de la population est rendue ailleurs et qu’elle est prête à se faire dire cette nécessité de changer notre approche, notre gouvernance, notre fiscalité.

Sylvain Gaudreault

Il donne l’exemple de sa prise de position contre GNL Québec, dans sa région, ce projet de gaz naturel en provenance de l’Ouest qui devait être liquéfié au Saguenay puis exporté. Il dit avoir été conspué, mais aussi applaudi.

Il faut un parti centré sur le climat, dit-il, qui en fait un projet emballant, motivant, positif. La Coalition avenir Québec a fini par renoncer à GNL à Saguenay et au troisième lien à Québec, mais à reculons, par dépit.

Le Parti vert a manqué son coup et Québec solidaire propose un projet de société à gauche avec un discours « polarisant, voire moralisateur » sur le plan climatique, affirme Sylvain Gaudreault, qui demeure membre du Parti québécois.

Mais alors, le PQ ne devrait-il pas changer le premier article de son programme et faire passer la lutte contre les changements climatiques avant l’accession à l’indépendance du Québec ? Le Québec n’a-t-il pas plus d’influence sur le devenir du pétrole canadien et les GES en étant membre de la Confédération ?

« La réponse est facile, c’est non. Je suis indépendantiste », dit M. Gaudreault, qui soutient que le Québec aurait plus d’impact sur l’environnement s’il avait sa place à la table des nations en étant indépendant. Pour GNL, par exemple, le Québec aurait pu être soumis à la volonté fédérale, ultimement.

Selon Sylvain Gaudreault, les décideurs doivent insister sur les coûts de notre inaction climatique sur la santé publique et sur notre environnement physique.

Il donne l’exemple de la tempête Fiona aux Îles-de-la-Madeleine.

Les citoyens doivent aussi accepter de changer leur mode de vie, notamment en matière de transport, d’alimentation, de voyages. Il ne se donne pas en exemple, mais il m’apprend, en marchant vers le métro après l’entrevue, qu’il s’est déplacé de Saguenay à Montréal avec sa voiture électrique, « preuve que c’est possible d’avoir un véhicule électrique en région ».

Ces longs trajets l’obligent à faire des arrêts pour la recharge, bien sûr, et alors ? « Je ne lance la pierre à personne, mais c’est comme si les gens préfèrent conserver leur mode de vie plutôt que notre planète », m’avait-il dit pendant l’entrevue.

Sylvain Gaudreault est environnementaliste, mais comme il l’écrivait dans son livre Pragmatique : quand le climat dicte l’action politique, paru en septembre 2021, il juge qu’il faut une transition juste, qui indemnise les perdants. Ce fut le cas, dit-il, quand le PQ a constitué un fonds de développement pour la région qui a souffert de la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly.

Finie la politique, vraiment ? Il m’assure que oui, mais en le torturant de questions, on comprend qu’un parti rassembleur sur le climat au Québec et formé de têtes d’affiche ne le laisserait pas indifférent. Tiens donc…

Questionnaire sans filtre

1. Le café et moi : J’adore mon rituel d’aller chercher mes deux lattés quotidiens au Café chez Ginette, tenu par l’association étudiante du cégep de Jonquière. C’est un moment privilégié d’échange avec les étudiants et étudiantes.

2. Le dernier livre que j’ai lu : Le Royaume désuni de Jonathan Coe. Il a une façon à la fois réaliste et humoristique de décrire les espoirs, les contradictions et les désillusions de la génération X, à laquelle j’appartiens.

3. La maison que j’aimerais habiter : Farnsworth House, de Ludwig Mies van der Rohe. Less is more…

4. Les personnes politiques disparues que j’aimerais inviter pour un apéro sur mon quai à Laterrière : Jean Jaurès, Nelson Mandela et Simone Veil.

5. Mon évènement culturel préféré : Art Hop à Burlington, au Vermont, la première fin de semaine suivant la fête du Travail.

Qui est Sylvain Gaudreault ?

  • Né à Chicoutimi en 1970, juriste et historien de formation, l’ex-député de Jonquière a été défait par Paul St-Pierre Plamondon à la direction du Parti québécois en 2020.
  • Pendant qu’il était ministre des Transports et des Affaires municipales entre 2012 et 2014, les villes de Montréal et Laval ont eu chacune quatre différents maires, dans la foulée des évènements entourant la commission Charbonneau. Son mandat comme ministre a aussi été marqué par la tragédie de Lac-Mégantic et les menaces d’effondrement du vieux pont Champlain.
  • Il est directeur général du cégep de Jonquière depuis octobre 2022.