On dirait qu’il faut souvent des crises ou des tragédies pour nous révéler combien les maires et mairesses font un travail qui dépasse largement les règlements de zonage et le budget municipal. Encore la semaine dernière, on a pu voir le maire de Baie-Saint-Paul, Michaël Pilote, être la voix de sa communauté, capable à la fois de rassembler ses concitoyens et de les représenter auprès du premier ministre et des autorités.

C’était aussi le cas pour la mairesse Colette Roy lors de la tragédie de Lac-Mégantic. Ou pour Régis Labeaume – même s’il n’avait pas besoin de plus de notoriété – lors de l’attentat de la grande mosquée. Ou pour la mairesse de Gatineau, France Bélisle, comme son prédécesseur Maxime Pednaud-Jobin, lors des inondations quasi annuelles dans cette municipalité.

Beaucoup de gens ont noté que la nouvelle génération de dirigeants municipaux est d’une qualité exceptionnelle. Les Plante, Marchand, Fournier, Boyer, Beaudin, Caron, Côté, Damphousse – et cette liste est loin d’être exhaustive ! – sont devenus des interlocuteurs incontournables sur tous les dossiers, et pas seulement ceux qui relèvent du ministère des Affaires municipales.

Et cette nouvelle génération ne fait pas que relayer les demandes de ses citoyens, elle parle d’enjeux plus globaux comme l’environnement, le développement durable, l’habitation, l’itinérance ou les transports en commun.

C’est pour cela qu’il était dommage de voir le premier ministre François Legault s’adresser à l’Union des municipalités du Québec, ces derniers jours, en n’employant que des arguments comptables pour refuser les demandes de financement récurrent pour l’adaptation aux changements climatiques.

Surtout avec les évènements météo récents – et qui sont de moins en moins exceptionnels –, c’était un bien mauvais moment pour ne pas montrer un peu d’ouverture.

Parce que les gouvernements du Québec – tous partis confondus – auront eu beau dire que les municipalités sont des partenaires, ils les ont souvent traitées comme des vaches à lait. Bref, quand ça allait mal dans les finances publiques, on transférait des responsabilités aux municipalités avec peu ou pas de compensation financière.

Le problème, en fait, vient du régime fiscal imposé aux municipalités depuis 1979-1980, quand on a réservé aux municipalités l’essentiel des impôts fonciers, mais en les privant de presque toutes les autres sources de revenus.

L’impôt foncier est excellent pour financer les services à la propriété : l’eau, la voirie, la police et les pompiers, le déneigement, l’entretien des parcs et les autres infrastructures publiques.

Mais les villes, aujourd’hui, font beaucoup plus que cela. Elles doivent s’occuper d’environnement – de la qualité de l’air à la gestion des déchets –, de culture, de sports et loisirs, de transports en commun, de logement social, etc.

À cela s’ajoutent des enjeux plus récents. L’itinérance, il y a encore quelques années, c’était un problème pour le Grand Montréal. Maintenant, c’est un enjeu un peu partout. Et il est difficile de trouver les ressources pour s’occuper de ces problèmes avec les seuls impôts fonciers.

En plus, la dépendance aux impôts fonciers a des effets pervers. Le seul moyen d’augmenter sensiblement les revenus des municipalités, c’est de développer, de construire et d’avoir de nouveaux immeubles à taxer. Ce qui mène à l’étalement urbain, à plus de routes et d’autoroutes et à moins d’espaces verts.

Depuis des décennies, les gouvernements ont constamment rétréci la marge de manœuvre des villes. Comme la « réforme Ryan » de 1992, du nom du ministre des Affaires municipales de l’époque. Incapable de comprimer ses dépenses, Québec a imposé aux municipalités coupes et nouvelles responsabilités qui ont encore des effets aujourd’hui : retrait du financement du transport collectif, faire payer les villes pour les services de la Sûreté du Québec et une partie de l’entretien de la voirie secondaire. Réduire les compensations de taxes sur les écoles.

Tout cela fait qu’aujourd’hui, il est devenu urgent de commencer à revoir la fiscalité municipale pour reconsidérer des choix politiques faits il y a maintenant plus de 40 ans et qui ne tiennent évidemment pas compte de réalités qu’on ne pouvait imaginer à l’époque.

Il y a une fenêtre favorable qui s’ouvre. Les prochaines élections provinciales seront en 2026, les municipales en 2025. Il y a donc du temps pour avoir une discussion franche et ouverte sur la place des villes dans tous ces nouveaux enjeux et sur le financement de leurs nouvelles obligations.

La nouvelle génération de maires qui considèrent que leur rôle dépasse celui de ramasser la neige et les déchets et de colmater les nids-de-poule sera certainement au rendez-vous.

Il faudrait aussi, bien entendu, la volonté politique du gouvernement Legault. Mais après le fiasco du troisième lien, ce gouvernement doit trouver une façon de se relancer politiquement.

Dans ce contexte, redonner aux villes du Québec les moyens financiers de bien faire leur travail, entre autres concernant l’adaptation aux changements climatiques, pourrait bien être une initiative gagnante pour tout le monde.

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