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Combien y aurait-il d’infirmières de plus dans le réseau de la santé si l’examen de l’Ordre des infirmières n’existait pas et que les diplômes collégial et universitaire étaient le seul critère pour exercer après une période de probation encadrée par un employeur ?

Jean-Paul Rioux

Vous faites visiblement référence au dernier examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, qui a suscité beaucoup de réactions en raison du taux d’échec très élevé.

Le taux d’échec a été de 48 % en septembre 2022 pour les finissantes en soins infirmiers au cégep, comparativement à 18 % en moyenne au cours des quatre années précédentes. En comptant les finissantes du cégep et de l’université, le taux d’échec a été de 43 % à l’examen de septembre 2022 (pour les candidates au premier essai).

L’Ordre des infirmières met cet énorme écart sur le dos du contexte des études en temps de pandémie, alors que des étudiantes estiment que l’examen était trop difficile. L’Ordre est convaincu que ce n’était pas le cas. « C’est le même type d’examen depuis 2018 », dit son président, Luc Mathieu.

Qui a raison ? Le Commissaire à l’admission aux professions mène une enquête pour savoir ce qui s’est passé. Il doit rendre ses conclusions au cours des prochains mois, mais c’est l’Ordre qui a le dernier mot. Entretemps, la plupart des étudiantes ayant échoué en septembre ont pu tenter leur chance à nouveau la semaine dernière.

Indice intéressant : le taux de réussite a aussi diminué l’an dernier à l’examen du Barreau pour les futurs avocats (de 86 % en 2020-2021 à 76 % en 2021-2022), mais pas de façon aussi marquée que chez les infirmières.

Mais bon, tout ça ne répond pas à votre question…

Voici votre réponse : sans examen de l’Ordre, il y aurait eu 1468 nouvelles infirmières supplémentaires de disponibles en 2022.

En 2022, 43 % des 3442 infirmières finissantes (cégep et université) ayant passé l’examen pour la première fois y ont échoué (il y a deux examens par an, en mars et en septembre). C’est donc dire que 1468 infirmières ont dû retarder leur entrée officielle à temps plein sur le marché du travail parce qu’elles ont échoué à l’examen.

Cela dit, les candidates ont trois chances pour le réussir. Bon nombre d’entre elles finiront par obtenir la note de passage et pratiqueront comme infirmières.

Ces 1468 infirmières supplémentaires auraient-elles pu combler toute la pénurie de main-d’œuvre dans le réseau de la santé ? Non. Selon Québec, il manque 4513 infirmières à temps plein dans le réseau public (58 723 postes sont pourvus). Environ 8 % des postes d’infirmières dans le réseau public ne sont pas pourvus.

Au prorata de sa population, le Québec (ratio de 7,7 infirmières par 1000 habitants) compte davantage d’infirmières que les autres provinces canadiennes (ratio de 7,02).

Devrait-on abolir l’examen de l’ordre professionnel et exiger seulement un DEC ou un bac en soins infirmiers, comme le suggère votre question ? À notre avis, ce serait pousser le bouchon trop loin. Même en période de pénurie de main-d’œuvre. Même s’il s’avérait que l’examen de septembre dernier était trop difficile.

« Notre mandat est de s’assurer que nos membres aient les connaissances requises pour pratiquer de façon sécuritaire dans le réseau de la santé », dit Luc Mathieu, président de l’Ordre.

Si vous pensez que l’examen de septembre 2022 était trop difficile pour les finissantes du cégep, vous n’avez peut-être encore rien vu : l’Ordre envisage de le rendre plus difficile au cours des prochaines années.

C’est que l’examen actuel évalue uniquement les connaissances acquises au cégep. Les connaissances enseignées uniquement à l’université (par exemple les soins critiques comme l’urgence, les soins intensifs, les traumas) en sont exclues. L’Ordre veut changer ça. « Comme ordre professionnel, c’est gênant et préoccupant. [L’examen ne devrait pas être élaboré] en fonction d’un programme d’études, mais des connaissances attendues dans le réseau de la santé, comme c’est le cas ailleurs au Canada et aux États-Unis », dit M. Mathieu.

Notre petit doigt nous dit que ce n’est pas la dernière fois qu’on entend parler du degré de difficulté de l’examen de l’Ordre des infirmières.

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  • 60 %
    Pourcentage des finissantes du cégep en soins infirmiers qui poursuivent leurs études à l’université en soins infirmiers