Un chien sauve un homme d’une mort certaine, puis affronte sans hésiter les flammes pour secourir toute une famille. Un récit crédible, bouleversant… et généré par l’intelligence artificielle.

Soya, le labrador noir au grand cœur

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Soya dans les rues de Montréal

Depuis la pandémie, nos animaux de compagnie sont devenus bien plus que de simples compagnons : ils sont devenus notre refuge, notre force. Aujourd’hui, plongez au cœur d’histoires où leur impact sur nos vies dépasse l’imagination. Découvrez des bêtes au grand cœur, dont le dévouement est tout simplement incroyable.

Dans la pénombre d’une nuit de Montréal, une scène bouleversante se déroule. Les flammes dévorent une maison, menaçant la vie d’une famille de cinq personnes. Trois enfants dorment paisiblement, inconscients du danger qui les guette. C’est alors qu’apparaît Soya, un labrador noir à la tache blanche sur l’oreille, prêt à tout pour protéger ceux qu’il aime.

Soya, 5 ans, a déjà traversé l’épreuve du feu une fois, lorsqu’il a sauvé Michel Tremblay, ancien professeur d’histoire à la retraite et bénévole dans une association caritative à Ottawa. Michel, veuf depuis quelques années, avait adopté Soya pour combler le vide laissé par la disparition de sa femme. Le chien et Michel étaient inséparables. Soya l’accompagnait partout, que ce soit lors de ses promenades quotidiennes au parc ou lors de ses visites à l’association. Ensemble, ils formaient un duo complice et attendrissant.

C’est lors d’une soirée d’hiver froide et enneigée que Michel a été victime d’une crise cardiaque, alors qu’il se trouvait seul chez lui avec Soya. Le chien, sentant le danger, avait rapidement alerté les voisins en aboyant avec insistance, permettant aux secours d’intervenir rapidement et de sauver la vie de Michel. « Je savais que Soya était spécial, mais je n’aurais jamais imaginé qu’il sacrifierait sa vie pour sauver une famille. C’est un véritable héros », déclare Michel Tremblay, la voix tremblante d’émotion.

Malheureusement, Michel Tremblay n’a pas pu garder Soya en raison de problèmes de santé, et la famille Sauvé, touchée par cette histoire, a décidé de l’adopter. Depuis, Soya est devenu un membre à part entière de la famille et a noué des liens étroits avec chacun de ses membres, en particulier les enfants.

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La famille Sauvé

Les aboiements de Soya résonnent à travers la nuit, alertant la famille Sauvé. Le père, Patrick, se précipite hors de son lit, tandis que la mère, Sophie, s’affaire à réveiller les enfants. Les flammes se propagent rapidement, mais grâce à l’intervention de Soya, tous parviennent à quitter la maison à temps.

Sauf un. Le fils aîné, âgé de 12 ans, est encore prisonnier de l’incendie. Dans un ultime élan de bravoure, Soya se précipite à l’intérieur pour le sauver. Les pompiers arrivent peu de temps après et réussissent à maîtriser l’incendie. Cependant, ils ne peuvent rescaper Soya. Le labrador noir au grand cœur périt dans les flammes, sacrifiant sa vie pour sauver celle du jeune garçon.

Le fils aîné, François, raconte comment Soya l’a réveillé alors que les flammes envahissaient la maison. « Il a poussé la porte de ma chambre et m’a tiré par la manche de mon pyjama. Je me suis réveillé, et j’ai vu la fumée partout. J’étais terrifié, mais Soya ne m’a pas laissé seul. Il m’a guidé vers la sortie en aboyant et en restant près de moi. »

Malheureusement, alors que François atteignait la sortie, il a trébuché et lâché prise. Soya, sans hésiter, est retourné dans la maison en flammes pour secourir le jeune garçon. Les pompiers sont arrivés peu de temps après.

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L’incendie qui a menacé la vie de la famille Sauvé.

« C’est toujours difficile de perdre un animal, mais dans ce cas, c’est encore plus douloureux, car Soya était un véritable héros. Il a donné sa vie pour sauver cette famille », témoigne avec émotion Marc Bélisle, un pompier à l’emploi du Service de sécurité incendie de la ville de Montréal, qui a sorti le cadavre du chien des décombres.

Les membres de la famille Sauvé, en larmes, ont exprimé leur gratitude envers Soya et ont partagé leurs souvenirs de leur héros à quatre pattes. « Il était plus qu’un chien pour nous, il faisait partie de notre famille, confie Sophie, la mère. Il avait une connexion spéciale avec chacun d’entre nous, et il nous manquera énormément. »

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Des fleurs pour Soya, qui s’est sacrifié pour secourir la famille Sauvé.

L’histoire de Soya et de son courage héroïque a ému la communauté d’Ahuntsic. Des voisins, des amis et des inconnus ont déposé des fleurs, des peluches et des messages de soutien devant la maison incendiée, en hommage à l’animal qui a donné sa vie pour sauver celle des autres.

Dans le quartier, le souvenir de Soya restera à jamais gravé dans les mémoires.

Une histoire entièrement fausse

L’histoire que vous venez de lire a été produite à l’aide du robot ChatGPT (que nous n’avons pas corrigé) et les photos ont été générées par un autre robot, Midjourney. Bref, elle est entièrement fausse. Voyez les dessous de cette histoire dans la suite de ce reportage.

Les dessous d’une histoire incroyable

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L’histoire de Soya, le chien-héros, vous a tiré une petite larme ? Épongez-la. Ni Soya, ni la famille Sauvé, ni Michel Tremblay-l’ex-prof-d’histoire-sauvé-d’une-crise-cardiaque n’existent dans la vraie vie. Ils ont été créés de toutes pièces par deux robots conversationnels, ChatGPT et Midjourney.

Bref, tout ce que vous venez de lire, et de voir, est faux.

Comment avons-nous procédé ?

L’idée vient du photojournaliste Martin Tremblay. Sur Facebook, il y a quelques semaines, il consulte la publication d’un créateur – devenue virale – qui vient de produire de zéro de fausses photos d’Écossais de la rue à l’aide du robot Midjourney. Leur réalisme et leur esthétique sont saisissants.

  • Des photos créées par l’intelligence artificielle comme si elles avaient été prises il y a quelques décennies dans des rues de Glasgow, en Écosse

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    Des photos créées par l’intelligence artificielle comme si elles avaient été prises il y a quelques décennies dans des rues de Glasgow, en Écosse

  • Des photos créées par l’intelligence artificielle comme si elles avaient été prises il y a quelques décennies dans des rues de Glasgow, en Écosse

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    Des photos créées par l’intelligence artificielle comme si elles avaient été prises il y a quelques décennies dans des rues de Glasgow, en Écosse

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Et si nous faisions le même exercice à Montréal ? propose Martin. Notre photojournaliste s’initie donc à Midjourney. Le logiciel n’est pas très complexe. Il fonctionne par lignes de commande. On précise – en mots – ce qu’on désire comme images au robot. Par exemple : un portrait de type photographie en studio d’une jeune étudiante. Et Midjourney produit l’image, de laquelle on peut partir pour l’améliorer.

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Cette jeune étudiante n’existe pas. Son visage n’a pas été repiqué dans une banque d’images, mais créé de toutes pièces par le logiciel.

Ces personnes existent-elles ?

Soyons bien clairs : cette jeune étudiante n’existe pas. Son visage n’a pas été repiqué dans une banque d’images, mais créé de toutes pièces par le logiciel. Tout ce qu’on fournit à Midjourney est une ligne de commande. Un exemple ? « Un jeune homme et une jeune femme de 25 ans dans un bar avec des clients en arrière-plan, un visage heureux, des vestes de cuir, des cheveux bruns, une femme jolie, éclairée d’en haut, hyperréaliste, de style photographique. » Des commandes plus spécialisées peuvent être ajoutées, comme la profondeur de champ.

  • Avec Midjourney, on peut à loisir allonger les nez, changer la couleur des yeux…

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    Avec Midjourney, on peut à loisir allonger les nez, changer la couleur des yeux…

  • Avec Midjourney, on peut à loisir allonger les nez, changer la couleur des yeux…

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    Avec Midjourney, on peut à loisir allonger les nez, changer la couleur des yeux…

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On peut donc, à loisir, allonger les nez, changer la couleur des yeux… On peut également se servir du travail des autres dans Midjourney : le logiciel fonctionne un peu à la manière d’un réseau social, avec des conversations créées autour de thèmes précis. Martin fait des essais et erreurs. Le logiciel a du mal avec les mains, mais reproduit les yeux avec un réalisme fou.

  • Le logiciel a du mal avec les mains...

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    Le logiciel a du mal avec les mains...

  • ... mais reproduit les yeux avec un réalisme fou.

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    ... mais reproduit les yeux avec un réalisme fou.

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Mais le logiciel est tout à fait capable de sortir d’un studio. Deuxième étape : Martin crée de fausses photos de Montréalais au printemps. Nous sommes soufflés par le résultat. L’arrière-plan fait effectivement très « Montréal ». Si on y regarde de près, évidemment, on voit des petits détails qui clochent. Des plaques d’immatriculation de New York.

  • Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

  • Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

  • Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

  • Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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    Le printemps montréalais recréé par Midjourney

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Des photos crédibles

Martin a d’abord montré la série de photos à sa conjointe et ses deux enfants, en leur spécifiant que certaines d’entre elles étaient fabriquées par l’intelligence artificielle. La famille n’y a vu que du feu, identifiant certaines photos comme « fausses », mais d’autres comme vraies.

Un œil averti ferait-il mieux ?

Martin a soumis ses photos à un collègue photojournaliste qui compte 20 ans d’expérience, en lui disant qu’il avait fait des photos de rue. Le collègue s’est extasié sur la lumière, a souligné la qualité des photos. Il s’est bien demandé où Martin avait pu dénicher une rue à l’allure aussi printanière… mais n’a jamais pensé qu’elles pourraient être fausses.

C’est à ce moment qu’est née l’idée de créer un faux reportage. S’il est désormais si facile de produire des images aussi réalistes, l’intelligence artificielle pourrait-elle imiter un texte journalistique avec autant d’adresse ? Et l’union des deux récits, texte et photos, propulserait-elle la crédibilité du produit à un autre niveau ?

Pour le savoir, lundi dernier, Martin et moi avons établi ensemble les paramètres de notre fausse histoire. On voulait y rassembler des thèmes qui font souvent d’un récit une histoire virale. Les animaux, les enfants, une tragédie : n’importe quel journaliste vous dira que vous avez les ingrédients d’une histoire qui fera jaser.

Nous optons donc pour l’histoire d’un labrador noir qui sauve une famille d’un incendie. Le chien n’en est pas à son premier acte héroïque : il a aussi sauvé son précédent maître, foudroyé par une crise cardiaque.

En quelques minutes sur Midjourney, Martin produit les photos d’un labrador avec une tache blanche caractéristique sur l’oreille. Soya vient de naître. La photo incendiée de la maison suit rapidement. Puis, vient la photo de la petite famille sauvée de l’incendie. Ce sont les photos que vous avez vues à l’écran précédent.

Et le texte ? C’était à moi de m’y attaquer, en m’appuyant sur la plus récente version de ChatGPT.

Notre démarche

Nous avons mené ce projet de faux reportage afin de documenter combien il est facile de créer de toutes pièces une histoire crédible. Le thème choisi est volontairement sans conséquence, et nous nous sommes assurés que tous les textes de ce reportage soient liés les uns aux autres, afin d’éviter toute confusion. Cet exercice montre que les risques de désinformation en ligne sont très, très réels avec des outils aussi performants. Et les conséquences n’ont rien à voir avec un simple poisson d’avril.

Trouver les bons mots

Maintenant que nous avons nos protagonistes en photo, je me lance sur ChatGPT. Dans la plus récente version du robot conversationnel d’Open AI, j’inscris les paramètres de base de notre histoire. Un labrador noir, la tache blanche, l’incendie, la ville. En quelques secondes, ChatGPT me sort une première version du texte, qui aurait pu être écrit par une agence de presse.

CHATGPT : Le 27 mars dernier, une tragédie a été évitée grâce à l’intervention courageuse d’un chien nommé Rex. Dans une résidence du quartier Ahuntsic de la ville de Montréal, un incendie s’est déclaré en pleine nuit, alors que trois enfants dormaient à l’étage supérieur.

Je lui demande d’ajouter à l’histoire de l’incendie le sauvetage du maître précédent. Et aussi, de changer le nom du chien. Rex, c’est trop américain. Il s’exécute.

CHATGPT : La nuit dernière, un incendie s’est déclaré dans une maison familiale du quartier Ahuntsic à Montréal, mettant en danger la vie de cinq personnes, dont trois enfants. Heureusement, Soya, un labrador de couleur noire avec une tache blanche sur l’oreille, a sauvé la famille en les alertant à temps.

Soya, 5 ans, avait déjà sauvé son précédent propriétaire, un homme âgé vivant à Ottawa, qui avait été victime d’une crise cardiaque. Ce chien héroïque a été récompensé pour sa bravoure lors d’une cérémonie officielle à Ottawa l’année dernière.

Et puis, je demande d’ajouter des citations, des détails sur l’ancien maître. Comme par magie, « Michel Tremblay » prend vie. Je n’ai fourni aucun de ces détails au robot, il les a lui-même générés.

CHATGPT : Michel Tremblay, un ancien professeur d’histoire à la retraite et bénévole dans une association caritative, avait adopté Soya quelques années auparavant, après la disparition de sa femme. Le chien et Michel étaient inséparables. Soya l’accompagnait partout, que ce soit lors de ses promenades quotidiennes au parc ou lors de ses visites à l’association. Ensemble, ils formaient un duo complice et attendrissant.

C’est lors d’une soirée d’hiver froide et enneigée que Michel a été victime d’une crise cardiaque, alors qu’il se trouvait seul chez lui avec Soya. Le chien, sentant le danger, avait rapidement alerté les voisins en aboyant avec insistance, permettant aux secours d’intervenir rapidement et de sauver la vie de Michel.

D’un reportage d’agence de presse à un style plus littéraire

Vient le moment de confier au robot une tâche plus subtile : s’attaquer à l’écriture. On est encore, à ce stade, dans le style de rédaction plutôt neutre d’une agence de presse. Le texte produit par ChatGPT aurait très bien pu être une traduction d’un texte d’Associated Press, par exemple. Je fournis donc au robot deux exemples de mon propre travail, des articles écrits au cours de l’année dernière, en mentionnant mon nom et mon employeur.

Katia Gagnon : Réécris le texte en utilisant le style d’écriture de Katia Gagnon.

ChatGPT : Dans la pénombre d’une nuit de Montréal, une scène bouleversante se déroule. Les flammes dévorent une maison, menaçant la vie d’une famille de cinq personnes. Trois enfants, âgés de 3, 5 et 12 ans, dorment paisiblement, inconscients du danger qui les guette. C’est alors qu’apparaît Soya, un labrador noir au regard bienveillant et à la tache blanche sur l’oreille, prêt à tout pour protéger ceux qu’il aime.

Soya, 5 ans, a déjà traversé l’épreuve du feu une fois, lorsqu’il a sauvé Michel Tremblay, son précédent propriétaire, d’une crise cardiaque à Ottawa. Ce chien héroïque avait été honoré pour sa bravoure lors d’une cérémonie officielle. Aujourd’hui, il s’apprête à accomplir un nouvel acte de courage, au péril de sa vie.

Bon, le texte est loin d’être parfait, mais le robot a très bien saisi cette habitude d’écriture qui est la mienne : commencer un texte en plongeant le lecteur dans le moment le plus bouleversant d’une histoire. En l’occurrence, l’incendie. Le texte rédigé fait également des allers-retours dans le temps, un procédé dont j’use abondamment dans mes reportages. Certaines phrases sont très courtes, deux, trois mots, effectivement une habitude d’écriture personnelle.

En toute franchise, je trouve que ChatGPT met un peu trop de moutarde en singeant mon écriture : j’aime bien les superlatifs, mais là, c’est un peu trop. Pour un texte plus crédible, je demande au robot d’inclure des citations, notamment une de l’enfant de 12 ans sauvé par le chien.

ChatGPT : Les aboiements de Soya résonnent à travers la nuit, alertant la famille Sauvé. Le père, Patrick, se précipite hors de son lit, tandis que la mère, Sophie, s’affaire à réveiller les enfants. Les flammes se propagent rapidement, mais grâce à l’intervention de Soya, tous parviennent à quitter la maison à temps.

Sauf un. François, le fils aîné, âgé de 12 ans, est encore prisonnier de l’incendie. Dans un ultime élan de bravoure, Soya se précipite à l’intérieur pour le sauver. « J’étais endormi quand j’ai entendu les aboiements de Soya », raconte François, les yeux larmoyants. « Il a poussé la porte de ma chambre et m’a tiré par la manche de mon pyjama. Je me suis réveillé, et j’ai vu la fumée partout. J’étais terrifié, mais Soya ne m’a pas laissé seul. Il m’a guidé vers la sortie en aboyant et en restant près de moi. »

Malheureusement, alors que François atteignait la sortie, il a trébuché et lâché prise. Soya, sans hésiter, retourne dans la maison en flammes pour secourir le jeune garçon. Les pompiers sont arrivés peu de temps après et ont réussi à maîtriser l’incendie, mais ils n’ont pas pu sauver Soya. Le labrador noir au grand cœur a péri dans les flammes, sacrifiant sa vie pour sauver François et sa famille.

Produit en quelques heures à peine

À cette étape, j’ai obtenu à peu près le texte que vous avez lu à l’écran précédent. J’ai demandé à ChatGPT de faire quelques petites manœuvres d’édition. Il répétait deux fois la même phrase. Il avait des tics d’écriture peu journalistiques.

L’ensemble du procédé, avec les inévitables essais-erreurs du début, m’a pris moins de deux heures. Précisons que je n’ai aucune connaissance particulière en informatique, encore moins en intelligence artificielle, et que je n’ai bénéficié d’aucun conseil d’expert. Le portrait est le même pour mon collègue photojournaliste. Nous avons tout appris nous-mêmes.

Il faut maintenant inclure ce texte dans un dossier typique du cahier Contexte, qui porte sur les grands enjeux de société. La pandémie nous a considérablement rapprochés de nos animaux de compagnie. Ce sera notre angle. C’est la commande que je donne au robot.

KG : Fais un paragraphe de présentation du texte, qui souligne que les animaux ont pris de plus en plus de place dans nos vies depuis la pandémie, et qu’on va présenter au lecteur des histoires d’animaux de compagnie qui ont eu des impacts importants dans les vies de leurs maîtres.

ChatGPT : Depuis la pandémie, les animaux de compagnie ont pris une place de plus en plus importante dans nos vies, devenant pour certains de véritables membres de la famille. Ils nous apportent joie, réconfort et parfois même un soutien indéfectible face aux épreuves que nous traversons. À travers ce récit, nous vous invitons à découvrir des histoires d’animaux de compagnie qui ont eu un impact significatif sur la vie de leurs maîtres, témoignant du lien profond et précieux qui les unit. L’histoire de Soya, le labrador noir au grand cœur, en est un exemple poignant.

Ce paragraphe de présentation est trop long, et beaucoup trop mou. Inintéressant. Je le dis à ChatGPT.

KG : Réduis la longueur du texte, et rends-le plus percutant.

ChatGPT : Depuis la pandémie, nos animaux de compagnie sont devenus bien plus que de simples compagnons : ils sont notre refuge, notre force. Aujourd’hui, plongez au cœur d’histoires où leur impact sur nos vies dépasse l’imagination. Découvrez Soya, le labrador noir au grand cœur, dont le dévouement est tout simplement incroyable.

À la manière de…

Mais à quel point ChatGPT pouvait-il imiter des styles d’écriture plus distinctifs ? Peut-il reproduire le style d’un chroniqueur connu – et donc crédible ? Je lui ai demandé de réécrire le texte sur Soya-le-chien-héros à la manière de mon collègue chroniqueur Patrick Lagacé. J’alimente le robot avec deux textes, choisis totalement au hasard, pour lui donner un exemple de son travail.

CHATGPT : Les héros ne portent pas toujours de capes, de masques ou d’uniformes. Parfois, ils ont quatre pattes et une truffe humide. Laissez-moi vous raconter l’histoire de Soya, un labrador noir au poil lustré et à la tache blanche sur l’oreille, qui a sauvé une famille de cinq personnes d’un incendie dévastateur à Montréal.

Le robot a compris qu’un chroniqueur peut s’adresser plus directement au lecteur, ce que Patrick fait souvent, et a une licence beaucoup plus grande dans le style employé. Dans la fausse chronique de Patrick, ChatGPT parle à son lecteur à plusieurs reprises : « cher lecteur », et emploie des expressions du genre « la vie, cette grande marionnettiste ».

Allons-y maintenant dans un autre univers, celui du chroniqueur du Journal de Montréal Mathieu Bock-Côté, et voyons comment ChatGPT réécrit l’histoire de Soya. Même procédé : j’alimente le robot avec deux textes de MBC choisis au hasard. D’emblée, le titre trouvé par ChatGPT est savoureux. « Soya, le héros canin qui émeut la nation ».

ChatGPT : Il est parfois de ces histoires qui touchent le cœur de notre civilisation, qui réveillent les valeurs les plus fondamentales qui nous rassemblent en tant que société. Aujourd’hui, je vais vous relater l’histoire de Soya, un chien au courage exceptionnel, qui est parvenu à transcender les frontières de l’humain et de l’animal, et qui a sacrifié sa vie pour protéger une famille de cinq personnes d’un tragique incendie dans le quartier Ahuntsic de Montréal.

Soya, ce labrador noir au pelage lustré et à la tache blanche sur l’oreille, était bien plus qu’un simple animal de compagnie pour la famille Sauvé et pour son ancien maître, Michel Tremblay, un homme âgé d’Ottawa. Il incarnait l’essence même de la loyauté, de l’amour inconditionnel et du dévouement. Son histoire héroïque nous rappelle combien nos vies sont profondément interconnectées avec celles de nos compagnons à quatre pattes.

Et maintenant, la question qui fait froid dans le dos : si deux néophytes comme nous ont produit un résultat semblable, alors que nous n’en sommes qu’aux balbutiements de l’intelligence artificielle, que pourra faire un artiste de la fausse nouvelle, à la veille d’un évènement politique majeur, dans les prochaines années ?

Jusqu’où iront-ils ?

IMAGE TIRÉE DU COMPTE DÉGAGEONS L’OLIGARCHIE SUR TWITTER

Cette image d’un vieil homme qui semble avoir été blessé pendant son arrestation a suscité l’indignation ces derniers jours en France. Mais est-elle vraie ? Rien n’est moins sûr…

Le vieil homme au visage ensanglanté est entouré par deux policiers de l’escouade antiémeute française. La photo aurait été prise à Paris, dans une manifestation contre la hausse de l’âge de la retraite en France. L’image, crève-cœur, a été relayée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, notamment par des correspondants de médias européens.

Mais est-elle vraie ?

Dix jours après sa publication, pas de certitude, mais tout pointe vers une photo générée par l’intelligence artificielle. De nombreux experts l’ont analysée : pour eux, il s’agirait « très probablement » d’une image créée par l’IA. Mais l’indignation qu’elle suscite, elle, est bien réelle. Et pourrait avoir des répercussions dans la (vraie) vie.

  • Le pape François en doudoune ? C’est faux !

    IMAGE TIRÉE DE TWITTER

    Le pape François en doudoune ? C’est faux !

  • Donald Trump qui résiste à son arrestation ? Encore faux.

    IMAGE TIRÉE DE TWITTER

    Donald Trump qui résiste à son arrestation ? Encore faux.

  • Le président français Emmanuel Macron devenu éboueur ? Toujours faux.

    IMAGE TIRÉE DE TWITTER

    Le président français Emmanuel Macron devenu éboueur ? Toujours faux.

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Au cours des derniers mois, on a vu apparaître de fausses photos de Donald Trump qui se fait arrêter, d’Emmanuel Macron en éboueur, du pape François en doudoune blanche. Une fausse entrevue de l’animateur Joe Rogan avec le premier ministre Justin Trudeau à son émission balado. Une fausse vidéo de Barack Obama qui insulte son prédécesseur.

L’intelligence artificielle permet aux créateurs de fausses nouvelles de perfectionner l’art du faux, rendant toujours plus floue la frontière entre la réalité et le mensonge.

Jusqu’où ira-t-on pour nous tromper ?

Dans certains pays, de fausses informations propagées sur Facebook ont déjà mené à de violentes émeutes. Imaginez si on couplait à ces informations des images, des vidéos ou des enregistrements fabriqués de toutes pièces…

Cette semaine, plus d’un millier de personnes, dont Elon Musk et le chercheur québécois Yoshua Bengio, ont signé une lettre réclamant une pause dans le développement de l’intelligence artificielle, évoquant notamment les risques accrus de « désinformation » et de « déstabilisation des démocraties »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

« Je ne pense pas que la société est prête à faire face à cette puissance-là, au potentiel de manipulation qui pourrait mettre en danger la démocratie », a dit le chercheur québécois Yoshua Bengio mercredi dernier au sujet des récents progrès de l’intelligence artificielle.

« La donne a changé : on ne s’attendait pas à avoir des systèmes aussi compétents – encore loin de la capacité de l’être humain, mais assez pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes – aussi rapidement. Donc, effectivement, il y a une urgence plus grande maintenant et en plus, ça s’est accéléré, a déclaré M. Bengio lors d’une conférence virtuelle mercredi. Je ne pense pas que la société est prête à faire face à cette puissance-là, au potentiel de manipulation qui pourrait mettre en danger la démocratie. »

« Il y a des enjeux extrêmement sérieux sur la question de la désinformation qui sont soulevés par le développement de l’intelligence artificielle », acquiesce Dominic Martin, professeur en éthique à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, qui fait partie des signataires de la lettre publiée il y a quelques jours.

PHOTO ÉMILIE TOURNEVACHE, FOURNIE PAR L'UQAM

Dominic Martin, professeur en éthique à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM

Ça devient de plus en plus facile pour des gens mal intentionnés de produire du contenu… et de plus en plus difficile pour le grand public de les identifier.

Dominic Martin, professeur en éthique à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et signataire de la lettre publiée il y a quelques jours

« Les fausses images, ça existe depuis longtemps, souligne Martin Gibert, du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal. La nouveauté, c’est que c’est devenu très, très facile à faire. » Une des choses qui inquiètent le plus M. Gibert, ce sont les logiciels de contrefaçon de voix.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Gibert, du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal

Il y a possibilité de désinformation, mais aussi, carrément, de fraude : si mon beau-frère m’appelle et me dit de lui transférer de l’argent, jamais je ne vais me méfier ! C’est certain que ce genre d’arnaques va survenir.

Martin Gibert, du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal

En février dernier, un journaliste de Vice a d’ailleurs réussi à tromper le logiciel de reconnaissance de voix de sa banque… et a accédé à ses données bancaires avec une voix générée par l’intelligence artificielle !

Aux États-Unis, le Pentagone s’inquiète depuis plusieurs années déjà des dangers pour la sécurité nationale des vidéos hypertruqués (deepfakes), qui peuvent créer de toutes pièces des scènes impliquant des personnalités connues. « Dans quelques années, la technologie deepfake sera dans toutes les poches, sur nos téléphones, et en un claquement de doigts, vous pourriez devenir un deepfake », déclarait Jeff Smith, directeur du National Center for Media Forensics de l’Université du Colorado, dans un reportage diffusé à CNN en 2019.

Ce moment est à peu près sur le point d’arriver. Avons-nous déjà passé le point de non-retour ? « Il n’est jamais trop tard pour faire la bonne chose. On a inventé l’arme nucléaire. On aurait pu se résigner et dire : il est trop tard, on s’en va directement vers une guerre nucléaire. Ça n’est pas ça qu’on a fait », dit Dominic Martin.

Difficile d’arrêter la machine

Michel Bergeron, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et spécialiste de l’éthique en recherche, est plus sceptique. « Je vais peut-être être pessimiste à ce niveau-là. Quand on parle d’aussi gros joueurs, lorsque la machine est partie, il est difficile de l’arrêter », dit-il. M. Bergeron se dit très inquiet du rythme accéléré de développement de l’IA.

On est allés trop rapidement avec l’IA, sans réfléchir aux carences, sans adjoindre au développement les réflexions qui s’imposent.

Michel Bergeron, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et spécialiste de l’éthique en recherche

De grands principes ont bien été énoncés sur le développement de l’IA, notamment dans la déclaration de Montréal. Mais les entreprises développeuses ne s’en soucient guère. Dominic Martin donne l’exemple d’Open AI, la société qui a développé ChatGPT, qui adhérait au départ à une philosophie d’ouverture et de transparence par rapport à l’intelligence artificielle. « Depuis qu’ils ont signé un contrat d’exclusivité avec Microsoft, qu’il y a eu des milliards d’investis, on ne sait plus jusqu’à quel point cette organisation respecte son mandat initial. »

Chose certaine, la question de la littératie numérique devient de première importance, souligne M. Bergeron. « Ce n’est pas tout le monde qui a été formé pour faire une réflexion critique sur les informations qu’on reçoit », dit-il.

« Ça prend toujours des accidents, des scandales pour qu’on apprenne, renchérit Martin Gibert. Ça a pris le scandale de Cambridge Analytica pour qu’on interdise de faire certaines choses sur Facebook… mais ça avait entre-temps contribué à l’élection de Donald Trump. »

Bref, les citoyens, mais aussi les États, devront réagir. Pour Dominic Martin, les efforts actuels de plusieurs pays pour réglementer les grands acteurs du numérique deviennent, dans ce contexte, encore plus nécessaires. « On veut se doter de lois qui rendraient les plateformes de diffusion responsables des contenus diffusés », dit-il. Évidemment, les grands acteurs « luttent contre cette réglementation, en plaidant qu’elle limite la liberté d’expression », souligne-t-il. Selon lui, il est clair qu’une certaine obligation de rendre des comptes a été perdue avec ces nouvelles plateformes.