Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Mariana Mazza.

Salut les filles, ici Mariana, votre marraine. Vos parents m’ont donné cette chance, après que j’eus insisté légèrement, d’être celle que vous appellerez quand vous aurez des questions. Quand vous allez filer un mauvais coton. Quand vous allez vouloir fumer votre premier joint ou virer votre première brosse sans vous faire pogner par vos parents. Cela dit, je vais leur dire, mais je vais attendre que vous l’ayez d’abord fait.

Je vous écris cette lettre parce que je veux vous préparer à ce qui vous attend dans les prochaines années. Même si on ne fait pas partie de la même génération, sachez que les humains commettent souvent les mêmes erreurs.

Pour l’instant, vous êtes des filles. Je ne sais pas si vous voudrez changer de sexe ou de genre. Sachez que si c’est votre souhait, je vais vous soutenir. Soyez tout de même conscientes que ça risque de brusquer des gens.

Être différente, s’assumer dans ses choix plus atypiques, ça choque encore, malheureusement. Vous risquez de vous faire insulter, intimider, brasser, mais ne vous inquiétez pas, vous aurez de bons outils pour vous défendre. En commençant par moi, vos familles, vos amis et vos semblables.

Vous voudrez peut-être parler fort, faire exister vos émotions partout où vous irez et extérioriser votre joie. Ça aussi, les gens vont trouver ça gossant. Parce que généralement, les gens se font plus discrets. Déranger les autres, prendre de la place, ça brusque. Si vous êtes ce genre de personne, il est possible que des gens vous fassent sentir mal d’être vous. Mais à la place de vous fâcher contre eux, essayez de les intégrer dans votre délire. Faites-leur comprendre que plus on est de fous et plus on avance, ensemble. Il y a de la place pour tout le monde.

Je suis tellement triste de vous annoncer aussi que plusieurs filles de votre entourage vont vous jalouser, au moins une fois. Vous allez les envier, vous aussi. C’est sain de vouloir quelque chose que vous n’avez pas. Mais avec le temps, vous allez comprendre que ce n’est pas toutes les filles qui ont eu la chance de pouvoir être elles-mêmes. Les filles qui vous entoureront seront à la fois vos pires ennemies et vos meilleures alliées.

Ne commettez pas la même erreur que votre marraine : ne perdez pas d’énergie à répondre aux insultes sur l’internet quand vous allez « poster » de quoi. À la place, ayez de l’empathie et essayez de les comprendre : celles qui vous écrivent veulent probablement être comme vous. Ou du moins, elles ont déjà voulu se sentir affranchies, mais leur mère ou leur mari ou leur époque leur a dit qu’elles ne pouvaient pas. C’est triste, hein ! Mais je vais m’assurer que ce ne sera pas le cas pour vous et que vous pourrez assumer qui vous êtes, toujours.

Respectez les gens plus vieux que vous. Ils ne veulent pas vous faire chier. Ils veulent éviter que vous commettiez les mêmes erreurs qu’eux. C’est égoïste dit de même, mais c’est bienveillant. Même si vous avez envie de rouler des yeux au point d’en perdre votre rétine, sachez que ce n’est jamais mal intentionné.

Si jamais un soir, pendant que vous jouez à la bouteille dans mon sous-sol et que vous ne voulez pas me déranger parce que je parle trop fort au téléphone avec vos mères pour les rassurer, un garçon fait quelque chose qui vous déplaît, dites-lui.

Commencez par le dire doucement : « Je n’aime pas ça. » S’il n’écoute pas, levez le ton. S’il persiste, un petit coup de pied dans les testicules. Avec le cri que je vais entendre, je vais lâcher le téléphone. Les garçons sont gentils, n’ayez pas peur. C’est juste que parfois, certains vont essayer de suivre leur pulsion et il n’est jamais trop tard pour leur dire que ça ne marche pas comme eux le veulent.

Finalement, les filles, je veux vous dire que la vie est vraiment belle. Surtout si vous suivez vos instincts, que vous levez la voix quand vous sentez que ce n’est pas juste. Que quelque chose ne fonctionne pas.

N’ayez pas peur. Défendez-vous. Défendez celles qui n’ont pas pu le faire. Et ne gardez pas de rancune envers celles qui vous jalouseront, prenez-les dans vos bras et donnez-leur de l’amour. Ensemble, on est plus fortes.

Célébrez-vous le plus possible.

Dansez en bobettes.

Mettez des vêtements fluo.

Slidez sur les genoux sur la piste de danse.

N’ayez pas peur.

Je vous aime.

— Marraine Mazza

P.-S. Vous n’avez pas l’âge de lire. Vous avez 4 ans (Clémence) et 19 mois (Flora). Simon, Cindy, Sophie et Seb, SVP, imprimez ce texte, librement inspiré de la « Lettre à mon fils (avec un punch à la fin) » de Stéphane Dompierre, pour la leur faire lire quand elles le pourront.