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Comment faire une apostasie ? J’ai été baptisé sans mon consentement et je ne pratique plus depuis très longtemps. Il serait temps que je renonce par apostasie à cette organisation qui ne veut plus rien dire à ma pensée.

Jean-Paul Bourgeois

Vous n’êtes visiblement pas seul à vous poser cette question, Monsieur Bourgeois. Dans la foulée des nombreux scandales qui ont secoué l’Église catholique au cours des dernières années, plusieurs diocèses nous l’ont confirmé : les demandes d’apostasie sont en hausse.

L’apostasie est l’acte par lequel une personne baptisée renie sa foi et rompt avec l’Église. On demande essentiellement à l’Église de retirer son nom de sa liste de fidèles.

Pour le faire, il suffit en principe d’envoyer une lettre écrite au diocèse dans lequel vous avez été baptisé en expliquant que vous souhaitez quitter l’Église catholique. En 2021, la chroniqueuse du Devoir Émilie Nicolas a toutefois montré à partir de témoignages que les démarches peuvent varier d’un diocèse à l’autre1. Certains diocèses exigent de fournir le baptistaire et la signature de deux témoins. D’autres demandent une confirmation des intentions après la réception de la lettre ou vont jusqu’à donner un coup de fil ou envoyer la visite d’un prêtre.

Si on tape « apostasie Québec » dans Google, on tombe rapidement sur le site web de l’Association humaniste du Québec, un regroupement de personnes athées et agnostiques qui s’est un peu donné la mission de faciliter les démarches de ceux qui veulent sortir de l’Église.

Le site affiche un lien vers un formulaire d’apostasie à imprimer, qui inclut notamment la signature de deux témoins2.

« Ce n’est pas obligatoire, mais ça permet de ne rien oublier », nous dit Michel Virard, porte-parole du mouvement.

Il n’existe pas de statistiques officielles sur l’apostasie pour l’ensemble du Québec, mais quelques reportages dans les médias québécois ont rapporté une hausse récente des demandes dans certains diocèses.

Il faut dire que l’Église catholique n’a pas bonne presse depuis quelques années. Encore récemment, l’émission Enquête de Radio-Canada est revenue sur des viols, des morts suspectes et des disparitions survenues dans des pensionnats au Québec et aux États-Unis.

À l’été 2021, les Canadiens ont également découvert avec horreur le drame des pensionnats autochtones.

À Sherbrooke, par exemple, Radio-Canada rapportait l’été dernier que le diocèse recevait environ cinq demandes par mois depuis deux ans, contre une dizaine par année auparavant3.

Nos appels logés dans quelques diocèses confirment le phénomène.

« Nous remarquons une hausse des demandes d’apostasie ces dernières années. Nous accueillons quelques dizaines de demandes par année dans notre diocèse qui compte une population de plusieurs centaines de milliers de personnes baptisées », dit par exemple Valérie Roberge-Dion, directrice des communications de l’Église catholique de Québec.

« Il y a une hausse, c’est sûr. Depuis un an ou deux, on en voit beaucoup », nous dit-on également au diocèse de Saint-Jean–Longueuil, sur la Rive-Sud. À Montréal, on évoque même une « mode ».

À Québec, Mme Roberge-Dion affirme que les raisons qui justifient les apostasies ne sont pas toujours spécifiées. Lorsque c’est le cas, elle note que plusieurs souhaitent se joindre à d’autres groupes religieux qui font de l’apostasie une condition d’admission, comme les Témoins de Jéhovah.

« On lit parfois dans les demandes que des gens ne sont pas d’accord avec le choix du baptême fait par leurs parents et souhaitent en faire un autre maintenant. D’autres mentionnent qu’ils ne se reconnaissent pas dans ce que propose ou représente l’Église [valeurs, positions, enseignements, etc.]. Les cas d’abus sexuels sont mentionnés à l’occasion. Les implications de membres de l’Église dans le système des pensionnats ont été soulevées dans certaines autres demandes », nous écrit-elle.

Elle tient toutefois à souligner que bien des adultes font le mouvement inverse en demandant une confirmation ou un baptême d’adulte pour entrer dans l’Église.

1. Lisez l’article du Devoir 2. Consultez le site de l’Association humaniste du Québec 3. Lisez le reportage de Radio-Canada