Un peu de positivisme pour ce début de mars. Si beaucoup appréhendent un ralentissement économique au cours des prochains mois en raison des hausses successives des taux d’intérêt qui vont freiner l’activité économique, plusieurs signaux laissent présager que les risques de récession s’estompent pour 2023. On aurait donc un peu de répit avant l’avènement de l’apocalypse.

La publication récente de certaines statistiques économiques semble effectivement démontrer que les risques qu’une récession survienne en cours d’année sont moins élevés que ne le prévoyaient plusieurs analystes.

Mardi, Statistique Canada nous a appris que la croissance économique avait été nulle durant le quatrième trimestre de 2022, alors que les analystes tablaient sur une croissance de 1,6 % et la Banque du Canada de 1,3 %.

L’activité économique a même reculé de 0,1 % durant le mois de décembre en raison de la forte baisse des investissements des entreprises dans leurs stocks.

Ce mauvais quatrième trimestre laissait donc présager une dégradation des conditions économiques pour le début de 2023 et, qui sait, peut-être ouvrir la voie à une récession.

Mais, selon les données préliminaires de Statistique Canada, l’augmentation de la demande intérieure, alimentée par les dépenses des consommateurs, notamment la hausse des ventes d’automobiles, a permis de remettre le PIB canadien en progression positive de 0,3 % en janvier.

Dans ses dernières perspectives économiques provinciales, publiées elles aussi mardi, le Conference Board du Canada entrevoit pour sa part un ralentissement de l’activité économique au pays, mais écarte le scénario d’une récession pour 2023.

Incidemment, c’est au Québec que la croissance économique sera parmi les plus faibles au pays, avec une progression anticipée du PIB québécois de 0,2 % en 2023 et de 2,0 % en 2024, alors qu’on prévoit une croissance de 0,5 % pour l’Ontario en 2023 et de 2,5 % pour 2024.

On s’entend bien qu’il ne s’agit pas ici de perspectives économiques réjouissantes. L’économie canadienne et l’économie québécoise vont fortement ralentir au cours de l’année, mais au moins, elles semblent en mesure d’éviter de tomber en mode négatif et de nous épargner ainsi les affres d’une récession, pour 2023 à tout le moins.

Suivi des indicateurs de récession

C’est la publication la semaine dernière du plus récent tableau de suivi des indicateurs de récession, que publie régulièrement l’équipe d’Économie et de Stratégie de la Banque Nationale, qui m’a fait réaliser qu’il était fort plausible d’écarter le scénario d’une récession pour 2023.

Chaque semaine, la Banque Nationale fait la recension de 17 indicateurs économiques et financiers américains pour mesurer les risques de récession en comparant leur valeur par rapport à celles observées trois mois avant les huit dernières récessions (de la récession de 1970 à celle de 2020).

On parle de données financières et de commodités, telles que le prix du cuivre ou celui du pétrole, de données subjectives comme la confiance des consommateurs, des PME, des PDG et enfin de données dures comme les inscriptions au chômage, les heures travaillées ou les permis de bâtir.

Dans le dernier relevé de la Banque Nationale, deux des cinq indicateurs économiques qui étaient en mode annonciateur d’une récession se retrouvent maintenant en mode acceptable. On parle ici de la consommation réelle et de l’indice de production non manufacturier.

Par ailleurs, des indicateurs qui étaient en situation plus critique, comme les heures travaillées et les emplois dans les services d’aide temporaires, présentent eux aussi de meilleures lectures.

Ce que me confirme Alexandra Ducharme, économiste à la Banque Nationale, coresponsable de la publication de ces tableaux de suivi des indicateurs de récession.

« Oui, le dernier tableau nous révèle des surprises positives avec des indicateurs plus forts que prévu, et cela ne fait que confirmer notre prévision alors que nous n’anticipons pas de récession pour 2023, mais un ralentissement certain. Notamment parce que les consommateurs américains sont plus résilients que certains l’avaient estimé », explique l’économiste.

Mme Ducharme précise toutefois que cette prévision se limite à l’année 2023, parce que la situation pourrait très bien basculer en 2024 si les banques centrales américaine et canadienne n’arrivent pas à freiner l’inflation comme elles le souhaitent.

La grosse inconnue reste l’inflation et l’impact sur l’activité économique qu’auront les récentes hausses de taux d’intérêt décrétées dans les derniers mois et les prochaines hausses qui pourraient survenir si la situation ne se rétablit pas rapidement.

François Trahan, stratège boursier réputé de Wall Street, a récemment fait plusieurs sorties médiatiques pour annoncer que l’économie américaine allait bientôt se transformer en véritable apocalypse en raison de la trop forte et trop subite hausse des taux d’intérêt aux États-Unis.

Selon Trahan, les autorités monétaires américaines ont mis trop de temps à répondre à la flambée de l’inflation et elles ont haussé les taux de façon inconsidérée, ce qui entraînera inévitablement l’économie américaine en récession.

Pour avoir souvent discuté avec François Trahan, je sais qu’il a tendance à privilégier les scénarios pessimistes, mais c’est quand même lui qui avait, en mai 2000, été le premier à mettre en garde les investisseurs et les marchés contre l’imminence de l’éclatement de la bulle des titres technologiques. Il a eu raison, son pessimisme n’était pas gratuit et ne pas l’écouter a coûté cher à plusieurs.