La langue française évolue à une vitesse folle. Chaque semaine, notre conseillère linguistique décortique les mots et les expressions qui font les manchettes ou qui nous donnent du fil à retordre.

On nous demande — souvent — notre avis sur l’expression bon matin. Nous ne le donnons pas (nous employons ici le nous de modestie, qui ne désigne que l’auteure de ce billet).

Nous constatons simplement que le Grand Robert et Collins traduit good morning par bonjour et non par bon matin. Que l’Office québécois de la langue française écrit : « Cette expression, d’un emploi récent, est calquée sur l’expression anglaise good morning. En français, lorsqu’on désire saluer une personne, on utilise le mot bonjour, et le soir, le mot bonsoir. » Que la linguiste et lexicographe Marie-Éva de Villers, auteure du Multidictionnaire de la langue française, interrogée à ce sujet par le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé, a répondu que le problème de bon matin était double, parce que c’est un « calque de l’anglais qui entre inutilement en concurrence » avec bonjour et parce qu’il s’agirait plutôt, à la limite, d’une formule de départ, comme le sont bonne soirée ou bon après-midi.

Cela ne convainc pas ceux qui ont adopté bon matin d’y renoncer. Ils voient les choses autrement. Et ce n’est pas notre rôle de leur interdire d’employer cette expression.

On nous demande aussi souvent de nous prononcer sur les fausses liaisons comme « ça l’a l’air » ou « ça va-t-être ».

Les mauvaises liaisons portent différents noms — cuir, pataquès, velours — selon la consonne introduite erronément entre deux mots. Ces erreurs sont fréquentes : il n’est pas si facile de s’y retrouver entre liaisons obligatoires, facultatives et interdites.

C’est notamment en voulant éviter un hiatus, soit la rencontre de deux voyelles, que l’on commet ces erreurs de liaison. Après tout, on doit parfois insérer des lettres dites euphoniques, qui servent à faciliter la prononciation, entre deux voyelles, comme le t de pourra-t-on.

Le fait de lier les mots de façon incorrecte est considéré comme une faute de langage. Dans un contexte professionnel, par égard pour ceux qui nous écoutent, on devrait tâcher d’éviter les fautes de liaison à l’oral comme on doit s’efforcer d’éviter les fautes d’orthographe à l’écrit par égard pour ceux qui nous lisent.

Cependant, reprendre les gens lorsqu’ils se trompent n’est sûrement pas toujours indiqué — croit-on s’exprimer soi-même de façon irréprochable en tout temps ?

Courrier

Décarboner ou décarboniser ?

Quel verbe doit-on utiliser, décarboner ou décarboniser ?

Réponse

La question n’est pas tranchée. Mais le verbe décarboner, qui signifie « réduire l’émission de carbone relative à (une activité) » est celui que l’on privilégie au journal. Il se trouve dans les dictionnaires Robert et Larousse.

Dans une fiche de 2021 du Grand dictionnaire terminologique (GDT), l’Office québécois de la langue française précise, au sujet du verbe décarboniser, que « même s’il est correctement formé, [il] ne s’est pas implanté dans l’usage ». Décarboner la production énergétique. Solutions durables et décarbonées.

Les deux adjectifs, décarboné et décarbonisé, figuraient dans une fiche de 2015 (qui se trouve toujours sur le site du GDT). Ils sont employés pour « caractériser tout ce qui résulte de l’activité humaine et dont les émissions de gaz à effet de serre ont été éliminées, en tout ou en partie, que ce soit en ce qui a trait à la production (p. ex. hydrogène décarboné et électricité décarbonée) ou, dans le cas d’un produit, au fonctionnement (p. ex. véhicule décarboné) ».

En France, la Commission d’enrichissement de la langue française a recommandé officiellement le terme décarbonation. La décarbonation de l’industrie. On trouve cependant à la fois décarbonation et décarbonisation dans le Larousse et dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française.

Vous avez donc le choix.

Vous avez des questions sur la langue française ? Posez-les à notre conseillère linguistique. Elle répondra à une question chaque dimanche.