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Q. « Comment calcule-t-on le taux de productivité et quels sont les aspects qui influencent ce taux ? On entend souvent dire que le taux de productivité est bas au Québec et j’aimerais savoir pourquoi. »

Guillaume Deschênes

R. Au milieu des années 2000, l’ancien premier ministre Lucien Bouchard avait soulevé bien des vagues en dénonçant le manque de productivité des Québécois. Quoi ? Serions-nous des paresseux ? se sont braqués les travailleurs.

Là n’est pas la question !

La productivité ne mesure pas la quantité d’efforts que les travailleurs déploient, mais plutôt l’efficacité de ces travailleurs à transformer leurs efforts en production.

Pour répondre précisément à votre question, M. Deschênes, on mesure la productivité en divisant toute la richesse générée par une économie – on parle ici du produit intérieur brut (PIB) qui reflète la valeur de tous les produits et services produits dans une année – par le nombre d’heures travaillées.

En utilisant cette formule, on arrive à 64,67 $ au Québec. Or, la productivité est supérieure de 6 % en Ontario (68,73 $) et de 12 % en Colombie-Britannique (72,71 $), comme on peut le voir dans le Bilan 2020 de la productivité et de la prospérité au Québec, de HEC Montréal.⁠1.

Malheureusement, l’écart est encore plus grand avec les pays de l’OCDE qui sont, en moyenne, 30 % plus productifs que le Québec, tandis que les premiers de classe comme l’Allemagne, la Suède et la France sont environ 40 % plus productifs que nous.

Pour chaque heure travaillée dans ces pays, la main-d’œuvre dégage 25 $ de plus.

Qu’est-ce qui explique cet écart ? Les pays européens ont mis en place des règles pour rendre leurs marchés plus concurrentiels, notamment dans les services publics, alors qu’ici, les monopoles (ex. : SAQ) et les oligopoles (ex. : banques, télécommunications, transports) ont davantage le haut du pavé.

Mais d’autres facteurs jouent contre nous.

D’abord, la piètre organisation du travail. Pensez au réseau de la santé où les soignants passent trop de temps à remplir de la paperasse plutôt qu’à soigner des malades.

Ensuite, les investissements en technologie. Québec compte moins de grandes entreprises que l’Ontario. Par leur taille, ce sont elles qui peuvent fouetter la productivité en investissant dans la robotisation et l’automatisation.

Puis, l’innovation et l’entrepreneuriat. Or, le Québec est un cancre de la création d’entreprises à l’échelle canadienne et mondiale.

Et enfin, l’éducation, qui est le plus important déterminant à long terme de la productivité. S’attaquer au décrochage scolaire – particulièrement criant chez les garçons au Québec – est donc un impératif.

Plus de connaissances, plus de créativité, plus d’innovation… il nous en faut !

La productivité est le principal levier pour l’accroissement de la richesse au Québec, dans un contexte où la hausse du bassin de main-d’œuvre est limitée en raison de la démographie.

À cause de la pénurie de travailleurs, nous sommes condamnés à mieux travailler.

Dans sa mise à jour économique de l’automne, Québec a d’ailleurs débloqué 350 millions sur cinq ans pour accroître le financement des projets d’entreprise et soutenir la mise en place de zones d’innovation.

On n’a pas le choix. Si on veut améliorer notre niveau de vie au Québec, c’est par la productivité que ça passe.

1. Consultez le Bilan 2020 de la productivité et de la prospérité au Québec