En plus de 30 ans de carrière comme journaliste spécialisé en cinéma, Marc-André Lussier a été témoin de plusieurs évènements importants de l’industrie du septième art. Il nous parle de cinq moments qui l’ont particulièrement marqué durant sa carrière.

Marc-André Lussier est à La Presse depuis 45 ans. Avant d’y œuvrer comme journaliste, il a travaillé quelques années au Service de la publicité. Passionné de cinéma, il a toujours rêvé de faire carrière dans le domaine, et c’est à La Presse qu’il a eu cette opportunité. Il a couvert plusieurs évènements d’envergure, a réalisé beaucoup d’entrevues avec des artisans du milieu et a rédigé d’innombrables critiques sur des œuvres cinématographiques de tout genre. Nous lui avons demandé de nous faire le palmarès de cinq moments mémorables de son impressionnante carrière à ce jour.

* Cet article a été publié avant le décès de Marc-André Lussier survenu le 30 juin 2023.

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1988 – Création de Projection spéciale

Ayant eu l’idée d’une émission radiophonique consacrée au cinéma, j’ai soumis un projet à la direction de CIBL-FM, la radio communautaire de Montréal. Alors fraîchement diplômé de l’École de radio et de télévision Promédia, j’ai eu la chance d’être pris à l’essai. J’y suis resté huit ans! Bien que le rayonnement de l’antenne de CIBL se limite à quelques pâtés de maisons à l’époque, j’ai progressivement pu établir une petite réputation dans le milieu du cinéma et des médias. Les émissions consacrées au cinéma étant trop rares, Projection spéciale est devenu un peu incontournable et plusieurs artisans sont venus jaser avec moi en studio. Un certain Denis Villeneuve est régulièrement venu parler de sa passion sur nos ondes. Patrick Masbourian et Bruno Boulianne, aussi des participants de La course Europe-Asie, ont fait partie de mon équipe de chroniqueurs. Ce furent des années d’apprentissage aussi exaltantes que formatrices. Je peux même affirmer sans ambages que cette expérience a changé ma vie.

1995 – Première collaboration à La Presse

Bien que gagnant alors ma vie au Service de la publicité de La Presse, j’ai pu commencer à signer des critiques de cinéma dans le journal grâce à l’émission que j’animais à CIBL-FM. Un collaborateur régulier ayant été embauché au Devoir, la direction cherchait en effet quelqu’un pour le remplacer. On m’a demandé si je savais écrire. Euh…, je vais dire oui, même si l’idée de côtoyer les trois vétérans de l’équipe cinéma, Luc Perreault, Serge Dussault et Huguette Roberge, était un peu intimidante. Encore une fois, on m’a pris à l’essai. Si ma mémoire est fidèle, il s’agissait de la critique d’un bon film : The Usual Suspects (Suspects de convenance). Il semble que l’exercice ait été concluant, car le directeur de la section des Arts, Alain de Repentigny, et les chefs de division, Paul-Émile Lévesque et Daniel Lemay, m’ont ensuite confié la rédaction d’articles dans un (très beau) cahier spécial que nous avions publié à l’occasion du 100e anniversaire du cinématographe. J’ai été collaborateur spécial à la rédaction pendant cinq ans. Parallèlement, la radio de Radio-Canada a aussi fait appel à mes services, notamment dans les émissions matinales qu’a animées René Homier-Roy.

1999 – Rencontre avec Catherine Deneuve

À l’époque de Projection spéciale, c’était devenu un running gag. Je disais souvent aux auditeurs que le jour où j’aurais l’honneur de recevoir Catherine Deneuve en entrevue, je pourrais accrocher mon micro. Le miracle s’est produit plus tard, en 1999, quand j’ai pu décrocher, grâce à La Presse, la seule entrevue individuelle que l’actrice a accordée lors de son passage au festival de Toronto. Trente minutes en tête à tête avec une icône absolue. Avec elle, pas de fausse complicité ni de faux semblants. Elle m’aurait envoyé paître que je ne lui en aurais même pas tenu rigueur de toute façon. C’est justement ce que j’admire chez elle : cette façon de jouer de son statut, de mener sa barque comme elle l’entend, en faisant fi des qu’en-dira-t-on, en toute liberté. Depuis cet épisode, j’ai souvent eu l’occasion de recroiser Catherine Deneuve lors de conférences de presse dans les festivals (elle était à la Mostra de Venise l’an dernier pour recevoir un Lion d’or d’honneur) ou de rencontres de presse. Visiblement, elle intrigue et fascine à la fois. On me pose probablement plus de questions à propos d’elle que n’importe qui d’autre. En fait, le seul à s’en approcher sur le plan de l’intérêt et de la curiosité est… Xavier Dolan. Dans les festivals, dès que des collègues internationaux apprennent que je suis un compatriote du réalisateur de Mommy, les questions affluent!

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La première page de l'entrevue du journaliste Marc-André Lussier avec l'actrice Catherine Deneuve au Festival international du film de Toronto, édition du 25 septembre 1999 de La Presse

2001 – Premier Festival de Cannes

Quelque mois après mon embauche à titre de chroniqueur régulier à la section Cinéma, on m’annonce que j’aurai l’honneur de couvrir le Festival de Cannes. Même dans mes rêves les plus fous, jamais je n’aurais cru possible une chose pareille. À l’époque de Projection spéciale, j’enviais toujours les intervenants à qui je parlais au téléphone – Éric Fourlanty du Voir notamment – sans penser que j’aurais un jour moi-même la chance de voir de quoi il en retourne. Pour un cinéphile, le Festival de Cannes est l’évènement le plus important de l’année, encore plus que les Oscars. Alors me voici sur place, ayant la chance de faire mes premiers pas sur la Croisette en compagnie de… Pascale Bussières. L’actrice québécoise était en effet la vedette, avec Emmanuelle Béart, de La répétition, un film français (de Catherine Corsini) sélectionné en compétition officielle. Je me souviens que nous avions pris nos dispositions avec elle pour réaliser un reportage spécial dès son arrivée. La photographe, embauchée par La Presse spécialement pour l’occasion, n’en revenait d’ailleurs pas de la photogénie naturelle de Pascale. J’ai eu le privilège de retourner à Cannes 16 autres fois, mais, comme dans bien d’autres domaines de l’existence, on n’oublie jamais sa première fois.

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Un article de Marc-André Lussier dans La Presse lors de sa première présence au Festival de Cannes, édition du 12 mai 2001

2013 – Le meilleur de mon cinéma

Il y a déjà 10 ans, les Éditions La Presse ont accepté un projet de bouquin dont l’idée m’est venue en faisant un peu de ménage dans mes archives. Depuis 1983, soit cinq ans avant que je commence à parler de cinéma publiquement, j’établis à chaque fin d’année la liste de mes 10 films favoris. J’ai pensé que, 30 ans plus tard, il pouvait être amusant de les regrouper et de commenter ces listes avec du recul. Et de bonifier l’exercice avec des rencontres marquantes d’artisans, qu’ils soient interprètes ou cinéastes. C’est ainsi que Le meilleur de mon cinéma a gagné les rayons des librairies. L’exercice fut intéressant au point où, cinq ans plus tard, une nouvelle édition, enrichie des 50 films figurant sur les plus récentes listes, a été mise sur le marché, sous le titre Mon Cinéma, 350 films à voir ou à revoir. À ma grande surprise, cette nouvelle édition, dont l’excellent caricaturiste Éric Godin signe les illustrations, s’est trouvée un chemin jusqu’à un nombre encore plus grand de lecteurs, dont certains, me dit-on, s’en servent un peu comme un livre de chevet! Côté livres, j’ai aussi eu l’honneur de rédiger Moi, la biographie de René Homier-Roy (Éditions Leméac), ainsi que Cannes au XXIe, un bouquin publié il y a deux ans (aux Éditions Somme toute), que j’ai eu le plaisir de coécrire avec mon comparse Marc Cassivi. Non, la passion du cinéma ne s’éteint pas.

Marc-André Lussier, journaliste spécialisé en cinéma

Lisez la chronique de Marc Cassivi sur le livre « Le meilleur de mon cinéma » Lisez l'entrevue de Chantal Guy avec Marc-André Lussier pour son livre « Mon cinéma - 350 films, à voir ou à revoir » Lisez l'entrevue d'André Duchesne avec Marc-André Lussier et Marc Cassivi pour leur livre « Cannes au XXIe » Pour lire les articles de Marc-André Lussier, cliquez ici