En 2023, Joël-Denis Bellavance a souligné ses 20 ans dans le poste de chef du bureau d’Ottawa à La Presse. Depuis qu’il s’est joint à notre équipe, il a été témoin de plusieurs moments historiques qui ont marqué non seulement la politique fédérale, mais également tout le pays. Il nous parle d’événements politiques qu’il a couverts et de rencontres inspirantes qu’il a eu l’occasion de faire durant ces 20 dernières années.

J’aime le français et j’aime l’histoire. Le journalisme me permet d’écrire l’histoire au quotidien!

Joël-Denis Bellavance, chef du bureau d’Ottawa depuis 2003

1. Sa couverture des attentats terroristes du 11 septembre 2001 à Washington

Joël-Denis Bellavance a entamé sa carrière à La Presse le 10 septembre 2001 comme journaliste, soit la veille des attentats terroristes à New York qui ont marqué à jamais l’histoire des États-Unis. Le lendemain de son arrivée, il a donc été déployé à Washington pour couvrir la nouvelle.

Lisez son portrait pour en apprendre plus sur son parcours

« D’abord et avant tout, c’était un saut dans le vide, parce que des attentats sur le territoire américain, on en avait connu un, mais c’était loin du territoire des États-Unis, loin du Canada; c’était à Hawaï, à Pearl Harbor. Là, c’était au cœur des États-Unis, à New York, où il y a les institutions financières. L’Amérique était sur les dents, et je devais aller traverser les douanes. Ce qui m’a rassuré quand j’ai traversé les douanes, c’est que le douanier m’a dit « be safe ». On aurait pu s’attendre à ce qu’il soit un peu plus intransigeant envers les personnes qui souhaitaient rentrer sur le territoire, ce qui n’était pas le cas. Je me rappelle que tout le long du voyage – j’ai dû le faire en camionnette, c’est tout ce que j’ai pu trouver le jour où je suis parti – j’écoutais la radio. Je changeais de postes au fur et à mesure du trajet. J’étais branché sur les radios qui rapportaient instantanément ce qui se passait. Donc, j’étais conscient que j’arrivais dans un territoire où les Américains étaient sur les dents, avec une certaine incertitude, une certaine insécurité. L’une des premières choses que j’ai faites en arrivant, c’est de me promener dans les rues de Washington pour aller visiter des centres de recrutement des forces armées américaines. Quelques jours après les attaques, on avait constaté une hausse importante des gens qui voulaient s’enrôler pour aller au front.

Il s’agissait de ma première visite à Washington, puis il fallait que je conduise. J’étais seul, je n’avais personne à qui parler à part moi-même. Je m'y suis rendu après un long voyage qui m’a pris 15 heures. J’avoue que ce n’était pas le genre de début à La Presse que j’avais envisagé. Ça a commencé sur les chapeaux de roue, mais j’étais fier de travailler pour le plus grand quotidien francophone en Amérique et être dans la capitale américaine pendant qu’ils prenaient des décisions importantes sur la réponse à ces attentats. »

2. Ses enquêtes sur le scandale des commandites lié au Parti libéral

Au début des années 2000, le Parti libéral du Canada avait été plongé au milieu du scandale des commandites, alors que des enquêtes du Globe and Mail avaient dévoilé l’usage de fonds publics pour financer des stratégies de relations publiques contre le Parti québécois et la souveraineté. La Presse avait également participé à la mise en lumière de cette controverse, qui a donné lieu à une commission d’enquête publique.

Lisez l'article Il y a 20 ans, l'affaire qui a ébranlé la politique canadienne

« Des rapports avaient été produits par Groupaction sur le programme des commandites. Ils n’avaient pas été disponibles pendant longtemps. Le Globe and Mail avait fait une demande d’accès à l’information. Puis finalement, après quelques semaines, Groupaction avait retrouvé ses rapports dans leur filiale et les avait remis au gouvernement fédéral, qui les avait publiés et rendus disponibles, parce que le scandale des commandites commençait à prendre de l’ampleur à ce moment-là. Puis, je suis allé lire les rapports pour les analyser. J’ai passé une dizaine d’heures à lire ce qui était essentiellement une liste d’événements gouvernementaux qui avaient été financés par le programme des commandites. On avait les détails des événements pour les années 1998 et 1999. Je me suis mis à comparer les deux, et après près de huit heures de lecture, je me suis rendu compte que les rapports étaient les mêmes. Je l’ai trouvé en comparant les dates des événements qui avaient été commandités. Elles étaient les mêmes, alors que d’une année à l’autre, les dates changent. Par exemple, le 29 janvier, si ça tombe un lundi une année, l’année d’après ça va être le mardi. C’étaient les mêmes jours. Ça ne fonctionnait pas ; ils ont remis les mêmes rapports. C’était finalement une façon de prendre l’argent et de l’envoyer dans les poches du Parti libéral.

ARCHIVES LA PRESSE

Caricature Serge Chapleau 2002

Donc, ce jour-là, j’ai appelé le directeur des communications du ministre des Travaux publics pour lui dire que les rapports, ce sont les mêmes, ce sont des copies l’un de l’autre. Il n’y croyait pas. Il m’a fait rencontrer un fonctionnaire public pour me démontrer que ce n’était pas le cas. Quand je lui ai montré mes preuves, la face lui est tombée. Le ministre a dû prendre acte de ça et par la suite, a décidé de déclencher une enquête. Il a demandé à la vérificatrice générale d’enquêter sur ces rapports-là. Elle a produit un rapport qui critiquait sévèrement le gouvernement. Ce rapport a pris des proportions telles que le gouvernement fédéral de Paul Martin, qui lui voulait se distancier de l’ère de Jean Chrétien, a décidé de lancer une enquête publique menée par le juge Gomery. Donc, c’est parti de ces heures d’analyse de ces rapports-là qui a mené à une enquête de la vérificatrice générale. Un rapport accablant, puis une enquête publique. Ça a provoqué 10 ans de purgatoire pour les libéraux auprès de l’opposition. Le Globe and Mail avait déjà fait une grosse partie du travail qui a mené à ce scandale, mais La Presse a quand même fait sa contribution. »

3. Ses rencontres avec des gens inspirants

Tout au long de sa carrière, Joël-Denis a eu l’occasion de faire des rencontres avec plusieurs personnalités politiques connues. Il mentionne notamment ses entrevues avec différents premiers ministres du Canada, dont Jean Chrétien, Paul Martin, Stephen Harper et Justin Trudeau.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Rencontre entre le premier ministe Justin Trudeau et le chef de bureau à Ottawa Joël-Denis Bellavance lors d’un déplacement du premier ministre à l’UQTR en janvier 2023.

En 2019, alors qu’il a parcouru le pays à bord d’un VR, il a également été à la rencontre de politiciens et politiciennes, mais aussi de citoyens.

« Des personnes inspirantes, j’en ai rencontré plusieurs. La tournée en VR, c’est une initiative que j’avais proposée à La Presse, qui a été acceptée. En allant à la rencontre des gens de l’Ouest, ils n’en revenaient pas qu’un média francophone prenne le temps d’aller les voir, les écouter, alors qu’ils étaient ignorés par la presse anglophone de Toronto. Encore aujourd’hui, j’ai gardé des liens avec ces gens-là. Dans un congrès conservateur, j’ai vu une personne que j’avais rencontrée qui a pris le temps de me saluer et m’a demandé de revenir les voir.

Quand j’ai fait ma tournée, je suis allé aussi dans plusieurs circonscriptions qui sont encore majoritairement occupées par des députés conservateurs. Il y en avait une dans le nord de l’Alberta où il y avait une communauté ukrainienne importante. Ils avaient organisé un party pour moi, parce que j’étais là. Et ça, ça m’a démontré une chose : on est dans un grand pays. Parfois les régions ne prennent pas le temps de se parler. Si on prend le temps de se voir, de se parler, de se rencontrer, on peut mieux se comprendre et se respecter.

J’ai fait 7 000 km en sept semaines. Je suis revenu un mois avant le déclenchement de la campagne électorale, et après je suis reparti pour couvrir les élections. Ça a été un moment fort. Quand on couvre de la politique, il faut aussi faire du terrain, prendre le pouls de la population. J’ai rencontré des agriculteurs, des travailleurs de l’industrie pétrolière, j’ai pu entendre leurs préoccupations, mais aussi mieux comprendre ce qu’ils vivent au quotidien. Ils ont éprouvé un grand respect pour un média francophone qui prend le temps d’aller les voir. »