Dans une scène, au début du film Robin Hood, le shérif de Nottingham (Ben Mendelsohn) harangue la population à la veille de partir en croisade. Il la met en garde contre les habitants de l'Arabie. « Des fanatiques dogmatiques. S'ils viennent ici, ils vont brûler vos maisons », lance-t-il, la voix chargée de haine.

Dans le ton, comme dans le choix des mots ou l'attitude hautaine qu'il prend envers ces gens qu'il appelle ses sujets, le shérif rappelle quelques leaders de notre époque. Un peu plus, et il en appelait à ériger un mur aux limites de la ville.

« Nous souhaitions avoir un shérif autoritaire qui maîtrise des habiletés politiques contemporaines. Il aurait pu être un acteur politique d'aujourd'hui, confirme Ben Mendelsohn sans nommer qui que ce soit. Ici, le shérif ne répond plus du roi Jean (comme dans la légende). Il est pratiquement un roi lui-même et Nottingham est pratiquement un État, un centre militaire et financier. »

Sans cet aspect, M. Mendelsohn, qui a souvent joué les vilains dans sa carrière, aurait sans doute refusé le rôle. Car après des versions cinématographiques en 2010, 1993, 1991 et plusieurs autres dans les décennies antérieures, pourquoi faire un autre Robin Hood ?

Otto Bathurst, qui signe ici son premier long métrage, en est pleinement conscient. Pour réponse, il soutient qu'on a encore besoin, au XXIe siècle, de héros et de gens qui se lèvent pour la justice.

« Si cette légende persiste depuis aussi longtemps, c'est parce qu'il y a eu de tout temps des gouvernements corrompus, des systèmes qui oppressent les gens, des politiciens abuseurs qui utilisent la peur pour arriver à leurs fins, de l'injustice sociale, etc. »

- Otto Bathurst, réalisateur de Robin Hood

« Encore aujourd'hui, bien des gens sont tyrannisés et intimidés, que ce soit par des gouvernements, l'Église ou de grandes sociétés pharmaceutiques. On a donc besoin de Robin Hood pour combattre ces maux », ajoute-t-il.

PAS UN SUPERHÉROS

Au fil des siècles, la légende de Robin Hood s'est transformée et adaptée à bien des contextes. La base est toutefois restée : héros de son peuple et possédant un sens aigu de justice sociale, Robin Hood vole les riches pour donner aux pauvres.

Qu'en est-il dans le film d'Otto Bathurst ? Robin (Taron Egerton) y est un jeune et vaillant soldat parti se battre en Arabie. Il y affronte un ennemi coriace, Yahya (Jamie Foxx), qui, par un retournement du destin, devient son ami, son mentor, son entraîneur.

De retour à Nottingham, Robin Hood retrouve une ville sens dessus dessous. Les habitants vivent dans l'indigence et la peur. La plupart travaillent dans une mine en état de quasi-esclavage. La maison de Robin est saisie et pillée. Et sa promise Marian (Eve Hewson), le croyant mort, est dans les bras de Will (Jamie Dornan). Peu à peu, Robin s'impose comme le leader du peuple et s'oppose farouchement au shérif de Nottingham.

« Une autre raison qui explique la longévité de cette légende est que Robin n'est pas un superhéros, observe Otto Bathurst. C'est un gars ordinaire comme vous et moi, auquel on peut s'identifier. Ce qui n'est pas le cas des superhéros, qui ont des pouvoirs inaccessibles. Et c'est la même chose avec notre Marian. Elle est magnifique et a une grande force de caractère. On peut tous être comme Marian et Robin. »

UNE MISE EN SCÈNE CINÉTIQUE

La modernité du propos s'applique aussi à la forme du film. Étonnamment, il n'y a pas de forêt de Sherwood, les costumes ne font pas très Moyen Âge et en Arabie, les flèches font presque autant de dégâts que des bombes...

« Historiquement, mon film ne tient pas la route, dit en rigolant Otto Bathurst lorsqu'on lui en fait la remarque. Non, les costumes n'étaient pas comme ça à l'époque. Et les mines [comme celle qu'on voit dans le film] n'existaient pas. Il faut néanmoins se rappeler qu'on a ici affaire à un conte, et non un fait historique. À partir de ce constat, nos choix sont assumés. »

Le réalisateur s'amuse aussi dans les scènes de combats avec l'alternance de ralentis et de mouvements réels, des flèches nous arrivant en plein visage, des plans rapprochés où l'on se sent collé aux combattants. « Je voulais que les gens sentent qu'ils font partie de l'histoire, dit-il. Je voulais quelque chose de cinétique et non de statique. »

« On reste dans la magie, indique de son côté Ben Mendelsohn. Robin Hood est peut-être le premier film que j'ai vu au cinéma. Ma mère m'a fait un masque en papier mâché du héros. Pour les jeunes, s'identifier à ce genre de héros a quelque chose de magique. Et ici, il y a aussi de la magie, un sentiment d'être pris et emporté par cette histoire. »

Souhaitons que cette magie opère, car la finale du film annonce clairement une suite.

Robin Hood (Robin des Bois en version française) prend l'affiche le mercredi 21 novembre.

Les frais de ce reportage ont été payés par Les Films Séville.