En se glissant dans la peau d'une biographe talentueuse ayant forgé des lettres fictives de grands auteurs disparus, Melissa McCarthy trouve l'un des grands rôles de sa carrière. Ne comptez cependant pas sur elle pour vous le dire.

Melissa McCarthy ne connaissait pas du tout l'histoire de Lee Israel avant de lire le scénario de Can You Ever Forgive Me?. «D'une certaine façon, ça me dérange, a-t-elle déclaré au cours d'une rencontre de presse tenue à New York. Il me semble que j'aurais dû la connaître!»

Elle n'est pas la seule, du reste. Au cours des années 60 et 70, Lee Israel a mené une carrière de journaliste pigiste (au magazine Esquire notamment) pour ensuite se tourner vers la rédaction de biographies de différentes personnalités. L'une d'entre elles s'est même retrouvée sur la liste des best-sellers du New York Times. Son alcoolisme, son inaptitude à entretenir des rapports humains dignes de ce nom et son tempérament mal engueulé l'auront vite conduite, au début de la cinquantaine, vers la voie de desserte. Devant survivre, Lee Israel a utilisé son talent d'écrivaine pour forger des lettres fictives de grands auteurs disparus, qu'elle pouvait vendre ensuite à des collectionneurs. Pourchassée par le FBI et condamnée, elle a rédigé une autobiographie de laquelle le scénario du film est tiré. Elle est morte en 2014.

«J'ai été fascinée par son histoire. Tu ne t'attends pas à ce qu'une femme comme elle se retrouve dans la ligne de mire du FBI.»

«J'aimais aussi le fait qu'elle soit complètement indépendante et peu soucieuse du regard des autres, poursuit-elle. Cela lui a sans doute rendu la vie plus difficile, mais j'admire ça. Et que peut-on faire pour survivre quand ton talent ne te sert plus et qu'on t'a dit que tu étais finie? Elle était seule, plus âgée et peu sociable, sans aucune faculté pour l'adaptation.»

De la ferme à la Grosse Pomme

À l'époque où Lee Israel vivait ses déboires, une toute jeune Melissa McCarthy quittait la ferme familiale de l'Illinois pour aller s'installer à New York, une ville où elle n'avait encore jamais mis les pieds.

«Je voulais vivre quelque chose de différent. Jusqu'alors, la chose la plus exotique que j'avais vue est un restaurant chinois que nous avions fréquenté à Chicago! À 19 ans, je suis montée dans un avion pour la première fois de ma vie avec la ferme intention de m'installer à New York. J'avais 35 $ en poche quand j'ai atterri à La Guardia. Disons que ce n'est pas la chose la plus intelligente à faire. Mais les sept années que j'ai vécues ici, de 1990 à 1997, ont été les plus magiques de ma vie!»

Comme on dit, l'actrice ne l'a pourtant pas eu facile. Seule dans la mégalopole, elle ne savait trop comment s'y prendre. Le jour où une agente a finalement accepté de la recevoir n'a guère été glorieux, mais quand même riche d'enseignement.

«J'étais super excitée au début, mais elle m'a vite ramenée sur terre. Elle m'a dit que je ne travaillerais jamais, qu'il me fallait perdre du poids, même si, pourtant, j'étais plus mince à l'époque. Je ne savais rien de ce milieu, mais à l'intérieur de moi-même, je sentais intuitivement que ce qu'elle disait n'avait aucun sens. Comme elle travaillait dans son petit appartement studio personnel, je lui ai répondu qu'elle n'avait sans doute pas un bon sens des affaires. Je ne sais pas d'où c'est sorti, mais aujourd'hui, à 48 ans, je suis bien contente de le lui avoir dit! Après, je me suis occupée de moi-même pendant longtemps, sans chercher d'agent.»

Une époque révolue

Puisque l'intrigue de Can You Ever Forgive Me? se déroule principalement dans le monde des livres, le New York du début des années 90 a dû être recréé pour l'occasion, non sans peine, tellement la ville s'est transformée depuis cette époque. Melissa McCarthy a été ravie de retrouver le décor de ses années de jeunesse.

Photo fournie par Fox Searchlight Pictures

Richard E. Grant et Melissa McCarthy dans Can You Ever Forgive Me? de Marielle Heller

«Je ne comprends plus le New York d'aujourd'hui. Ça ressemble maintenant plus à une carte postale tirée d'une belle promenade à Central Park.»

«Ce film relate bien l'expérience que nous vivions à l'époque. J'ai été vraiment très émue par moments, car je ne croyais jamais revoir le New York que j'ai connu, d'autant qu'il a été difficile à recréer. La personne chargée de faire du repérage pour trouver des librairies indépendantes où nous pouvions tourner a eu beaucoup de mal parce que ces librairies fermaient toutes les unes après les autres. C'était comme si le plancher se dérobait toujours sous ses pieds. J'ai aimé chaque minute de ce tournage. On dirait que tout s'est mis en place pour que notre petite bulle flotte au-dessus de Manhattan.»

Révélée grâce à Bridesmaids, qui lui a valu une citation aux Oscars (chose rare pour un rôle dans une franche comédie!), Melissa McCarthy pourrait bien se faire valoir de nouveau au cours de la prochaine saison des récompenses. Dans la presse américaine, on n'hésite pas à affirmer que Can You Ever Forgive Me? a donné l'occasion à l'actrice d'offrir la meilleure performance de sa carrière. Qu'en pense la principale intéressée?

«Oh! Ce n'est pas à moi de le dire. S'il y a des gens pour le penser, tant mieux! Je ne me verrais pas jouer un personnage très près de moi. Je ne crois pas avoir le talent pour ça. J'aurais évidemment aimé poser un tas de questions à Lee Israel si j'avais pu la rencontrer, mais elle m'aurait probablement envoyé promener en me disant de me taire!»

___________________________________________________________________

Can You Ever Forgive Me? prendra l'affiche le 2 novembre.

Les frais de voyage ont été payés par Fox Searchlight Pictures.

Photo fournie par Fox Searchlight Pictures

Melissa McCarthy et Richard E. Grant dans Can You Ever Forgive Me?, un film de Marielle Heller