Au tout début, quelque part en 2011, c'est Clint Eastwood qui devait réaliser la quatrième version du classique A Star Is Born. Il avait choisi Beyoncé pour interpréter Ally, chanteuse anonyme dont la carrière est propulsée au sommet des palmarès grâce à son histoire d'amour avec une vedette country alcoolique et bientôt déchue.

Mais Beyoncé n'a jamais trouvé de temps dans son horaire pour se consacrer au film, et Clint Eastwood semble s'être lassé en cours de route, cédant les rênes à Bradley Cooper, qu'il avait du reste pressenti pour jouer Jackson Maine, star déchue de l'histoire. Quant à Beyoncé, elle a été remplacée par Stefani Germanotta, alias Lady Gaga, dans son premier rôle de fiction d'envergure au grand écran.

Après moult retards et tergiversations, A Star Is Born a finalement été lancé d'abord à Venise, puis au festival de Toronto il y a quelques semaines.

C'est dans un ancien temple maçonnique transformé en salle de concert que Bradley Cooper et Lady Gaga ont rencontré les médias canadiens pour raconter leur aventure au sein de la production d'A Star Is Born, un film doté d'un budget de 36 millions.

Pendant que Cooper allait discrètement s'asseoir à l'extrémité de la table, Gaga, telle une politicienne en campagne électorale, a fait le tour des journalistes pour leur serrer la main. Puis elle a pris place à la gauche de Bradley Cooper comme une bonne élève qui ne veut surtout pas attirer l'attention sur elle.

Le tournage d'A Star Is Born a duré 42 jours, un court laps de temps pour un film américain, et s'est déroulé principalement en Californie. Les scènes de concert live ont été tournées pendant le festival de musique country Stagecoach, puis au festival de Glastonbury, en Angleterre. L'équipe a profité d'un vrai concert de Lady Gaga à Glastonbury pour y intégrer une prestation de Bradley Cooper, qui se débrouille plutôt bien à la guitare comme au chant.

En rencontre de presse, Bradley Cooper a répété que son premier souci, voire sa quête, en réalisant ce film était l'authenticité. 

«J'ai demandé aux acteurs de me faire confiance. Je leur disais: même si le film est raté, vous allez voir, il n'y aura aucune bullshit, vous aurez toujours l'air authentiques.»

«Et ça, j'ai appris ça en travaillant avec des gens comme Clint Eastwood ou David O'Russell [qui l'a dirigé dans American Hustle et dans Silver Linings Playbook]. D'ailleurs, à la fin de la journée de tournage, David faisait une prise no bullshit qui me plaisait bien», a-t-il poursuivi.

Au journaliste qui lui demandait s'il avait vu les autres versions d'A Star Is Born et laquelle il avait préférée, il a répondu: «J'ai vu les trois autres films et je les ai tous adorés. Et ça n'a rien à voir avec le fait que j'allais réaliser le film, puisqu'à l'époque, c'était Clint Eastwood qui devait le réaliser, mais il y a tellement de moments qui m'ont marqué, surtout dans le film de 1954 avec Judy Garland et James Mason, que je ne peux pas tous les nommer.»

Un rêve d'enfance

Lady Gaga, pour sa part, était humble et remplie de gratitude, trop heureuse d'avoir pu réaliser un rêve d'enfance. 

«J'ai déjà été une jeune fille à New York qui voulait réussir comme actrice. Voyant que je n'y parviendrais pas, j'ai décidé de m'orienter vers la musique, donc c'était un peu surréaliste de me retrouver au premier jour de tournage à jouer ce dont j'avais rêvé et de le faire sans accessoires, sans maquillage et avec ma couleur naturelle de cheveux.»

Cette première journée a été, pour Gaga, riche en émotions et en leçons. «D'abord, M. Eastwood est passé sur le plateau et ç'a un honneur de le rencontrer. Et puis, ce jour-là, Bradley m'a enseigné quelque chose que je n'oublierai jamais. Ça s'est passé pendant la scène dans le restaurant mexicain. Je savais mes répliques par coeur, mais Bradley a improvisé une réplique, qui m'a complètement prise au dépourvu. Je ne savais pas quoi faire. Au lieu de me laisser aller et d'improviser avec lui, je me suis mise à répéter la même réplique, encore et encore. On a tout arrêté. Il m'a demandé si je voulais pleurer un bon coup. J'ai pleuré, et après, j'ai balancé mes répliques par la fenêtre pour m'abandonner au moment que j'étais en train à la fois de jouer et de vivre.»

Parce qu'il est avant tout un acteur, Bradley Cooper a porté une attention toute particulière à la direction de ses acteurs, mais aussi au temps qui leur serait dévolu à l'écran. «C'est Anthony Hopkins qui disait que même si un acteur n'a qu'une réplique dans un film, au moment de cette réplique, il est la star du film. Ça m'a guidé quand je tournais, mais aussi quand je coscénarisais [avec Eric Roth et Will Fetters]. Je voulais que chaque personnage secondaire, que ce soit celui de Sam Elliott [frère et gérant de Jack], de Dave Chappelle, d'Andrew Dice Clay ou d'Anthony Ramos, je voulais qu'ils aient chacun leur moment, un moment dont on se souviendrait.»

Puis, coulant son regard vers sa partenaire de jeu à sa gauche, Bradley Cooper a ajouté: «Évidemment, sans elle, il n'y a pas de film.»

Autre tempérament

Lady Gaga a souri, touchée par la remarque. Elle a ensuite raconté qu'elle avait fait appel à sa propre expérience au début de sa carrière pour nourrir le personnage d'Ally. «Moi aussi, quand j'ai commencé, un producteur de disques m'a demandé de me faire refaire le nez avant de tourner mon premier vidéoclip. J'ai refusé. Après, ils ont voulu donner mes chansons à d'autres chanteuses, mais je ne me suis pas laissé faire. C'est la grande différence entre Ally et moi. Ally est dans le renoncement. Elle ne croit pas en elle. Elle ne se trouve pas belle. Elle veut s'occuper de son père, bien faire son job chez le traiteur où elle travaille et continuer d'avoir une belle relation d'amitié avec Ramon [Anthony Ramos].»

Jusqu'à sa rencontre avec Jackson Maine, Ally se contente de peu. Ce ne fut jamais le cas pour Lady Gaga. «À 19 ans, j'ai annoncé à mes parents que j'abandonnais l'école [elle étudiait à la Tisch School of the Arts de l'Université de New York] et j'ai traîné mon piano partout en ville, frappé à toutes les portes, j'ai menti, fait semblant d'être mon propre agent, n'importe quoi pour pouvoir monter sur scène et chanter mes chansons.»

On ne saura jamais ce qu'aurait été le A Star Is Born de Clint Eastwood avec Beyoncé dans le rôle d'Ally, mais dès le 5 octobre, des milliers de spectateurs vont découvrir le A Star Is Born d'un brillant acteur et d'une chanteuse qui ne laisse pas sa place. Les paris sont ouverts. 

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A Star Is Born prend l'affiche le 5 octobre.

Photo fournie par Warner Bros.

Bradley Cooper et Lady Gaga dans A Star Is Born.