Humoriste, auteure, productrice, actrice, scénariste, Amy Schumer a travaillé d'arrache-pied pour atteindre le sommet, et cela, en dépit des embûches et des critiques. La Presse l'a rencontrée à New York pour la sortie du film I Feel Pretty, dans lequel elle incarne une fille qui, après une commotion cérébrale, se voit enfin aussi belle qu'elle l'a toujours rêvé. Un film fait sur mesure pour Amy Schumer, dont la carrière a explosé en grande partie parce qu'elle a joué la carte de la confiance en soi.

À l'hôtel Whitby de New York, Amy Schumer enfile les entrevues pour la presse internationale, habillée d'un beau tailleur couleur pastel, chic et de bon goût, en contradiction totale avec son franc-parler souvent très cru d'humoriste. Elle a raconté cet exercice de marketing dans un chapitre de son autobiographie, The Girl with the Lower Back Tattoo, lors de la sortie de son premier film en 2015, Trainwreck, réalisé par Judd Apatow, qu'elle a écrit et dont elle était la vedette. «Je devais dire oui à tout parce que le studio prenait une chance avec moi, écrit-elle. Parler de soi à longueur de journée vous laisse avec un sentiment de vide difficile à décrire. Et c'est beaucoup pour une personne comme moi malheureusement prompte à l'honnêteté.»

Elle se prête donc de nouveau au supplice pour I Feel Pretty, un film d'Abby Kohn et de Marc Silverstein (qui ont créé Never Been Kissed, The Vow ou He's Just Not That Into You), qu'elle produit, et dont elle est la tête d'affiche. Un film dans lequel elle se donne en pâture, comme elle le fait maintenant à la presse pour le promouvoir. Comme elle le fait tout le temps, en réalité: sur scène comme humoriste, à la télé dans sa sulfureuse série Inside Amy Schumer, dans son livre, dans ses films. Il fallait la voir seule sur scène à lancer ses blagues salaces dans un Centre Bell plein lors de son dernier show à Montréal l'an dernier pour comprendre que cette fille ne craint pas grand-chose. Alors on lui demande: comment fait-elle pour se protéger? Parce que ça ne peut pas être seulement par l'humour qu'elle s'est fait une carapace. «Non, en effet, nous dit-elle. Je me protège en m'assurant d'être O.K. physiquement. J'ai fait de l'acupuncture, des trucs de nutrition qui ne m'ennuient pas. Je m'entoure des gens que j'aime et en qui j'ai confiance, en réalisant que c'est ça, ma vraie vie. Je veux vraiment prendre soin de moi. Alors je n'accepterais pas des choses qui me feraient trop mal.»

Puissance intérieure

Ça veut dire qu'elle est faite tough, comme on dit au Québec. Parce que plusieurs scènes d'I Feel Pretty seraient cauchemardesques pour beaucoup d'actrices qui ne supporteraient pas d'être «la moins belle» du casting. Amy Schumer incarne Renee, une fille mal dans sa peau, qui ne correspond pas aux standards écrasants de la beauté. Elle aimerait, une fois dans sa vie, se sentir superbe. Après un accident à la tête au gym (qu'elle fréquente évidemment pour maigrir), elle se réveille en se voyant fabuleuse dans son miroir. Dès lors, elle se permet toutes les audaces: draguer des gars qu'elle pense intimider par sa beauté, devenir réceptionniste dans une entreprise de cosmétiques haut de gamme remplie de mannequins minces, participer à un concours de bikini dans un bar. Chaque fois avec succès, puisqu'elle est convaincue d'être canon. Pour Amy Schumer, d'avoir à jouer la beauté fatale aux côtés de Michelle Williams ou de Naomi Campbell n'a pas été un problème.

«Je suis une personne forte et je suis vraiment fière de moi. Je ne suis pas parfaite, j'ai encore beaucoup de travail à faire et beaucoup de choses à apprendre, mais je me sentais en confiance entourée de ces femmes, à cause de ce que je suis et de ce que je fais, et du film que nous faisions. Pour la scène du concours de bikini, je jouais un rôle, en croyant vraiment que j'étais fabuleuse, à danser pour ces gens en pensant qu'ils étaient les bienvenus à regarder mon corps.»

C'est à se demander si beaucoup de femmes n'auraient pas besoin d'une commotion cérébrale pour vivre pleinement. Voilà qui la fait rire. «Ce n'est pas le message du film, c'est une métaphore, précise-t-elle. Parce qu'on a toutes des amies qu'on a envie de prendre par les épaules pour les secouer. On a envie qu'elles se voient comme on les voit. C'est ce personnage en particulier qui a besoin d'un coup à la tête pour se voir belle.»

Amy Schumer a souvent abordé le sujet de son apparence physique, en rigolant par exemple sur l'inutilité de maigrir quand sa baby face ne s'en va pas de toute façon. S'exposer ainsi lui a valu des critiques de tous les côtés et de tous les camps. Des puritains, des misogynes, des féministes aussi. Elle n'est jamais correcte pour personne, mais cela n'entame pas sa popularité. On l'accuse de pratiquer un féminisme blanc, d'être grossophobe à l'envers, d'être vulgaire, bref, elle est un aimant à trolls sur le web. Mais elle persiste dans son discours sur «l'empowerment» des femmes, qui lui tient à coeur. 

«Je pense que lorsque tu comprends ce qui fait de toi ce qui est toi, et que tu es fière et que tu aimes ce que tu es, il n'y a aucune raison de ne pas être heureuse avec toi-même. Parce que... C'est ce que tu es. Si tu t'aimes, rien ne devrait t'empêcher d'être confiante. Vous savez, ça fait 10 ans que les gens me trollent sur l'internet en me disant que je suis grosse et laide, et tout le reste. Mais je m'en fous, parce que je sais qui je suis.»

Parcours en dents de scie

Et ce qu'elle est est un parcours en dents de scie. Elle est née avec une cuillère d'argent dans la bouche, avant que sa famille ne soit ruinée, ce qui l'a obligée à se débrouiller, à faire toutes sortes de boulots, à se produire dans les bars comme humoriste, avant de devenir la Amy Schumer que l'on connaît. Aurait-elle été la même sans cette chute familiale? «Non, je ne pense pas. J'ai appris à avancer, et ça tient de l'attitude. Vous savez, on pleure, puis on doit avancer. C'est beaucoup de travail, et je suis reconnaissante, mais ce n'est pas une coïncidence. Il faut se casser le cul. Et je continue de me casser le cul.»

«La confiance en soi est un enjeu important pour moi, poursuit-elle. Je veux vraiment donner du pouvoir aux femmes, afin qu'elles atteignent leur plein potentiel. Je pense que beaucoup de femmes se retiennent de prendre la parole, de parler fort, parce qu'elles ne veulent pas être insultées. Je pense que ce film encourage les gens à parler et à être fiers d'eux-mêmes.»

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Les frais de ce reportage ont été payés par Les Films Séville.

Amy Schumer en cinq films

Inside Amy Schumer

Après avoir gravi les échelons dans le monde de l'humour, elle est la star de la série à sketches Inside Amy Schumer sur Comedy Central de 2013 à 2016. Une émission où elle aborde sans filtre des sujets chauds et des malaises, qui lui a valu de nombreuses sélections et prix, notamment le Peabody pour l'excellence en divertissement.

Trainwreck

En 2015, elle est la vedette de cette comédie écrite par elle et réalisée par Judd Apatow, dans laquelle elle renverse les rôles et joue une fille qui refuse de s'engager en amour. Ce film, qui a rapporté 140 millions de dollars au box-office mondial, a été l'une des comédies les plus populaires de l'année. 

The Girl with the Lower Back Tattoo

En 2016, elle lance une autobiographie dans laquelle elle dévoile son enfance, son adolescence et ses débuts dans le métier d'humoriste. Le livre est un best-seller qui atteindra le top des ventes du New York Times.

Meteor Shower et tournée mondiale

En 2017, en plus de la tournée mondiale de son one-woman-show, elle fait ses débuts sur Broadway dans la pièce Meteor Shower de Steve Martin.

I Feel Pretty

En 2018, elle est la tête d'affiche du film I Feel Pretty d'Abby Kohn et de Marc Silverstein. En février, elle s'est mariée avec le chef Chris Fisher.

photo Mario Anzuoni, reuters

L'humoriste, auteure, productrice, actrice et scénariste lors de la première de la comédie I Feel Pretty à Los Angeles, le 17 avril.