Révélée au monde grâce à la série Borgen, Sidse Babett Knudsen s'est retrouvée à incarner, sous la direction d'Emmanuelle Bercot, une pneumologue bretonne qui, seule, s'est battue contre tout l'establishment pour faire interdire le Mediator, un médicament nocif, commercialisé pendant 30 ans. Ici, toute ressemblance avec Irène Frachon n'est pas fortuite.

Aussi étrange que cela puisse paraître, Sidse Babett Knudsen doit sa présence dans La fille de Brest à... Catherine Deneuve !

Un peu après La tête haute, le film précédent d'Emmanuelle Bercot dans lequel jouait la vedette de Belle de jour, la réalisatrice a fait part de son désarroi à la célèbre actrice. Après quelques années de travail consacrées à porter l'histoire d'Irène Frachon à l'écran, Emmanuelle Bercot ne parvenait toujours pas à trouver la comédienne qui pouvait être en phase avec le personnage.

« Quand Catherine m'a parlé de Sidse, j'étais presque sur le point de tout laisser tomber, confie la cinéaste. Je ne la connaissais même pas, j'avoue. J'ai regardé Borgen, je suis allée la rencontrer à Copenhague et tout s'est fait très vite. Sidse, comme Irène, possède une énergie vitale, colossale. Après, je me fiche complètement du fait qu'elle ne soit pas française, du moment qu'elle maîtrise la langue ! »

Une carrière internationale

Toujours établie dans sa ville natale, l'actrice danoise mène de front une carrière internationale qui se déroule autant aux États-Unis (Westworld, Inferno) qu'en France. L'an dernier, elle a d'ailleurs été la lauréate du César attribué à la meilleure actrice de soutien grâce à L'hermine, un film de Christian Vincent dans lequel elle donnait la réplique à Fabrice Luchini.

« À l'adolescence, je suis partie du Danemark en voiture avec des amis et nous nous sommes dirigés vers la France, a expliqué Sidse Babett Knudsen lors d'une rencontre tenue il y a deux mois à Paris. J'étais très attirée par le cinéma français de cette époque, des films comme Diva, 37°2 le matin, Mauvais sang. De la passion pure. C'était aussi une façon d'entrer dans l'âge adulte. Je me suis présentée à une audition sans trop y croire, et on m'a prise ! J'ai pu étudier l'art dramatique en France. »

Ne vivant pas dans l'Hexagone, l'actrice indique que la maîtrise de la langue de Molière a été pour elle une grande préoccupation lors du tournage de La fille de Brest. D'autant que le débit qu'emprunte la véritable Irène Frachon quand elle parle est très rapide.

« Il est déjà difficile de jouer une personne vivante, car la responsabilité de l'acteur est encore plus grande, fait remarquer l'actrice. Même si cette histoire est très connue en France, je n'en avais pas entendu parler. Quand j'ai rencontré Irène, je lui ai demandé de me la raconter, tout simplement, à sa façon. J'ai été complètement subjuguée. »

« Irène peut parler de choses graves avec légèreté. Elle est drôle et tout à fait charmante. À mes yeux, elle est une véritable héroïne. J'ai voulu être dans sa peau ! »

Inspiré du livre qu'Irène Frachon a publié il y a quelques années, intitulé Mediator 150 mg, combien de morts ?, le scénario s'attarde à l'affaire judiciaire, bien sûr, mais se concentre surtout sur une femme qui doit mener seule un combat inégal contre des corporations afin de faire éclater la vérité. La forte personnalité d'Irène a permis aux artisans de transformer cette histoire en vrai film de cinéma.

« Avec Emmanuelle, il fallait aussi se poser la question, rappelle Sidse Babett Knudsen. Qu'est-ce que nous pouvons apporter de plus ? Cette femme exceptionnelle s'exprime déjà magnifiquement à la télé, elle accorde des interviews, bref, elle est déjà très connue des Français. Il fallait trouver un moyen de rendre son histoire universelle, parce que ça indique à quel point les citoyens peuvent avoir du pouvoir quand ils se mobilisent. On a besoin de ce genre d'histoires présentement. »

Un personnage de cinéma

De son côté, Emmanuelle Bercot, fille de chirurgien cardiaque, précise qu'au départ, la proposition que lui ont faite les productrices du film ne l'enthousiasmait guère. La rencontre avec Irène Frachon a tout fait basculer.

« J'ai vu en Irène un vrai personnage de cinéma », explique Emmanuelle Bercot.

« Si Irène était une scientifique tirée à quatre épingles, je n'aurais jamais fait ce film, explique la cinéaste. C'est grâce au personnage, et ce tempérament haut en couleur, qu'on a envie de voir de quoi il en retourne. Quand on dit d'Irène qu'elle est la Erin Brockovich française, je vois le rapprochement. Les deux femmes se sont battues toutes seules et n'ont que faire des conventions. Irène s'est transformée en machine de guerre. Rien ne prédisposait pourtant cette petite pneumologue de province, mère de quatre enfants, à devenir une lanceuse d'alerte emblématique en France. »

Au-delà du cinéma, La fille de Brest aurait assurément pu susciter une discussion plus large sur le plan social, notamment à propos des lobbys de toutes natures et de la puissance des corporations.

« Cette discussion aurait été souhaitable, mais elle n'a pas vraiment eu lieu, reconnaît la réalisatrice. Pour cela, il aurait fallu que le film devienne un phénomène de cinéma. Cela dit, Irène est très heureuse de l'existence de La fille de Brest. Parce qu'un long métrage aura toujours plus d'impact qu'un livre, ne serait-ce que grâce au nombre de gens qui le voient. Le récit qu'elle a publié était d'ailleurs plus technique que divertissant. Je voulais que le film soit accessible au grand public, qu'il emprunte la forme d'un thriller. »

La fille de Brest prendra l'affiche le 31 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Photo Arthur Mola, Archives Associated Press

C’est grâce à l’actrice Catherine Deneuve (à gauche) que la réalisatrice Emmanuelle Bercot (à droite) a pu repêcher Sidse Babett Knudsen  pour camper le rôle d’Irène Frachon dans La fille de Brest.