Pour sa première réalisation, Russell Crowe n'a pas choisi la facilité. The Water Diviner est un drame historique aux proportions épiques, qui fait écho à la bataille de Gallipoli, un événement fondateur dans l'imaginaire collectif australien.

Pour Russell Crowe, l'envie de passer derrière la caméra ne date pas d'hier. Comme tout cinéaste qui espère avoir un jour l'occasion de faire honneur à son ambition, l'acteur croyait se lancer d'abord dans la réalisation d'un film à caractère intimiste, à plus petit budget. Selon cette logique, il souhaitait d'abord acquérir de l'expérience dans la mise en scène avant de se mesurer à des productions plus élaborées.

«Finalement, cela ne s'est pas du tout passé comme ça! indique Russell Crowe lors d'un entretien téléphonique avec La Presse. Même si j'ai eu des projets de cette nature, et qu'un d'entre eux a même dépassé le stade du développement un moment donné, je me suis rendu compte que ça ne collait pas vraiment à mes aspirations. Le plus drôle, c'est que je ne cherchais plus véritablement un projet à réaliser quand le scénario de The Water Diviner est arrivé.»

Une intime conviction

Écrit par Andrew Knight et Andrew Anastasios, le scénario de The Water Diviner est inspiré d'une lettre trouvée par un lieutenant-colonel, dans laquelle un père australien faisait état des recherches désespérées qu'il a faites après la guerre en Turquie pour retrouver un fils disparu. 

Campé en 1919, soit quelques années après la bataille des Dardanelles de la Première Guerre mondiale (aussi appelée la campagne de Gallipoli), le récit se concentre ainsi sur les efforts que met un paysan pour repartir à la trace de ses trois fils disparus pendant cette bataille.

«Ce scénario m'a choisi en quelque sorte, fait remarquer le réalisateur, aussi vedette du film. Quand je l'ai lu, j'ai non seulement eu envie de jouer ce personnage, mais j'ai aussi eu l'intime conviction de devoir réaliser ce film moi-même. Je l'ai pris comme un défi. Ça m'a stimulé encore plus. 

«Cette histoire touche plein de grands thèmes fondamentaux de l'existence dans des proportions épiques. Je savais bien qu'à titre de réalisateur d'un premier film, je ne disposerais probablement pas de très grands moyens, mais j'estimais que le projet était d'assez grande qualité pour être en mesure de monter un financement respectable en attirant des investisseurs. Il s'agit d'ailleurs d'une production indépendante, fabriquée entièrement en Australie. J'y tenais!»

Tant en Australie qu'en Nouvelle-Zélande (le pays d'origine que Russell Crowe a quitté à l'âge de 4 ans), la bataille des Dardanelles reste un événement fondateur de l'identité nationale. On estime à environ 10 000 le nombre de soldats originaires des deux pays ayant laissé leur vie sur le champ de bataille. La mémoire de ces militaires est honorée chaque année, le 25 avril.

«Quand tu grandis en Australie, la bataille de Gallipoli fait partie de ton histoire dès ton plus jeune âge, fait remarquer celui qui, grâce à sa performance dans Gladiator, a obtenu l'Oscar du meilleur acteur en 2001. Dans notre imaginaire collectif, cet événement occupe une très grande importance. L'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui venaient alors d'acquérir leur indépendance du Royaume-Uni, reconnaissent et honorent le sacrifice qu'ont fait ces jeunes gens à l'époque.»

Une centaine d'années après les événements, alors que la bataille a déjà été relatée dans de nombreuses productions locales et internationales, le risque de la redite était pourtant bien réel.

«Le scénario était vraiment intéressant à lire, car il aborde cette bataille sous un angle inédit», confie l'acteur et cinéaste. J'avoue même avoir été un peu gêné en le lisant, confie l'acteur et cinéaste. 

«Après toutes ces années, j'ai réalisé que je n'avais jamais pensé à l'autre perspective, c'est-à-dire comment cette bataille avait été vécue du côté des «ennemis «. Ce facteur était motivant. À travers ce film, on a essayé de montrer aux Australiens le revers d'une histoire qu'ils connaissent déjà sous toutes ses coutures. C'est probablement pour ça que le film a si bien marché chez nous. On pose un regard différent sur le sujet.»

Comme une suite de Gallipoli...

Aux yeux du public international, cette fameuse bataille a déjà été symbolisée par un long métrage. Gallipoli, réalisé en 1981, reste à ce jour l'un des meilleurs films du cinéaste australien Peter Weir (Dead Poets Society). Il mettait en outre en vedette Mark Lee, ainsi qu'un jeune acteur répondant au nom de Mel Gibson.

«En Australie, cet épisode de notre histoire revient constamment dans les projets  artistiques, rappelle Russell Crowe. Mais je crois qu'aucun autre long métrage n'avait capté l'imagination de cette façon depuis celui de Peter Weir. C'est d'ailleurs étrange de constater que la dernière scène du film Gallipoli, avec ce soldat qui sort d'une tranchée, est presque le point de départ de The Water Diviner. Comment vivent les proches de ce jeune homme qui vient de se faire tirer dessus? Il n'y avait pas d'intention précise sur ce plan, mais il est vrai que notre film est comme la deuxième partie d'une même histoire. 

«J'ai adoré Gallipoli bien sûr. Peter Weir est un grand cinéaste. J'ai eu l'honneur de travailler avec lui sur le plateau de Master and Commander: The Far Side of the World. Il s'agit de l'une des expériences les plus satisfaisantes de ma carrière à titre d'acteur.»

S'il n'a pas vraiment l'intention d'abandonner son métier de comédien, Russell Crowe indique qu'il se tournera quand même vers la réalisation dès qu'il en aura l'occasion.

«J'aime jouer, affirme-t-il. Mais j'estime que la réalisation est un métier beaucoup plus intéressant. J'aime les responsabilités qui viennent avec le métier de réalisateur. Malgré les difficultés, mon expérience sur le plateau de The Water Diviner a été encore plus merveilleuse que je ne l'aurais cru au départ.»

Même si rien n'est encore confirmé à ce chapitre, Russell Crowe a maintenant l'intention de porter à l'écran le récit biographique d'Anh Do, intitulé The Happiest Refugee. D'origine vietnamienne, le comédien australien est arrivé en 1980 dans son pays d'accueil en compagnie de sa famille sur un rafiot.

«Encore là, il s'agit d'une histoire importante - celle des boat people - qui mérite d'être racontée, souligne Russell Crowe. Ce ne sera certainement pas simple d'en faire un film, mais j'aime les défis!»

The Water Diviner prend l'affiche en version originale anglaise le 24 avril. Aucune version française n'est prévue pour l'instant en salle.