Figure emblématique des superproductions hollywoodiennes à succès, Will Smith a frappé son Waterloo avec After Earth il y a deux ans. Cet échec cuisant l'a complètement fait changer d'attitude à l'égard du métier. Dans Focus, il s'amuse.

Lors d'une conférence de presse tenue récemment à Los Angeles, un journaliste américain a posé une question à Will Smith en commençant par lui dire qu'il avait beaucoup aimé Focus, un film réalisé par le tandem Glenn Ficarra et John Requa (I Love You Phillip Morris, Crazy, Stupid, Love). «Mais je m'en fous!», a répondu l'acteur en riant.

Auparavant, l'acteur avait expliqué que ce film à suspense, dans lequel il incarne un arnaqueur professionnel auprès de qui se colle une apprentie criminelle (Margot Robbie), marquait un vrai tournant dans sa carrière. Depuis l'échec du film de M. Night Shyamalan After Earth, Will Smith n'avait pas été vu sur un écran de cinéma dans un premier rôle.

«Focus marque un tournant dans ma vie aussi! précise-t-il. Après After Earth, on dirait qu'un concept jusque-là bien ancré dans mon esprit s'est brisé. Je me suis aperçu que même si le film n'avait pas marché, je restais vivant! J'ai réalisé que la vie continuait, que j'étais toujours le même, et que j'étais encore une bonne personne!»

Grâce à des superproductions comme Independence Day ou Men in Black, Will Smith a pu trôner au sommet du box-office pendant plusieurs années. Ce genre de popularité comporte toutefois un revers, notamment sur le plan des attentes.

«On m'avait surnommé "Monsieur juillet"», dit-il. Et à la longue, on finit par devenir obsédé par la performance des films au box-office. Depuis After Earth, je ne suis plus du tout dans cette dynamique-là. C'est un soulagement énorme. Je crois avoir atteint tous les objectifs qu'on pouvait se fixer sur ce plan. Maintenant, j'envisage ma vie comme un peintre. C'est-à-dire qu'il y aura forcément des toiles plus réussies que d'autres. Et ce n'est pas grave. Je ne mesure plus mon estime personnelle à l'aune de ce que les autres vont penser de ma peinture.»

L'arnacoeur...

Dans Focus, un film au ton léger dans lequel des éléments de comédie romantique sont aussi insérés, Will Smith incarne un as de la subtilisation, qui se retrouve impliqué à Buenos Aires au milieu d'une affaire campée dans le monde de la course automobile. Où il se brasse des millions de dollars. Son personnage a le talent de détecter immédiatement les véritables intentions - ou les faiblesses - de ses interlocuteurs, même s'ils lui sont inconnus.

«Ce que je retiens de cette expérience - et de la formation qu'on m'a donnée -, c'est que tout est une question de perception, fait remarquer le comédien. La réalité est une notion qui n'existe pas du tout. Quand quelqu'un te parle, qu'il adresse à toi, il projette ce qu'il veut que tu perçoives de lui. Et vice-versa. Tu souhaites qu'il te perçoive comme un bon mari et un bon père de famille, même si tu n'en es pas vraiment un. Évidemment, si tu en es un aussi dans la réalité, ça facilite les choses! Mais tout est vraiment une affaire de perception. Cette notion détermine entièrement le type de lien que tu peux entretenir avec quelqu'un.»

Tout est aussi affaire de confiance. Quand il entre dans une pièce, Will Smith, tout autant que le personnage qu'il interprète dans Focus, exulte cette confiance en soi. Or, ceci peut parfois être un leurre. Et cela nous ramène à la question de la perception.

«Quand j'ai incarné Ali dans le film de Michael Mann, c'est là que je me suis rendu compte à quel point cette confiance apparente masquait des insécurités, explique-t-il. Quand il utilisait son surnom "The Greatest", qu'il se le répétait comme un mantra, c'était avant tout pour se convaincre lui-même, parce qu'en son for intérieur, il ne le croyait pas du tout. Parfois, je suis très stressé par certaines situations. Dans ces cas-là, il faut que je me parle!»

Héros romantique... et sexy!

À 46 ans, Will Smith se retrouve à jouer dans Focus un héros romantique qui mise beaucoup sur son attrait sexuel. C'est pratiquement la première fois de sa carrière qu'on lui offre ce type de rôle.

«Il faut croire que j'arrive à une étape différente de ma carrière, laisse-t-il tomber. J'ai toujours été le type un peu gauche qui fait rire la galerie. Dans mes relations avec mes partenaires féminines à l'écran, il y avait toujours jusqu'à maintenant des éléments de comédie. C'est la première fois, je crois, qu'on me donne à jouer des scènes d'amour sans qu'elles soient interrompues par des blagues. J'avoue que cela m'a rendu un peu mal à l'aise. Il a fallu que je me départe de ce réflexe pour entrer vraiment dans l'émotion de la scène. Et son côté sexy aussi...»

Margot Robbie, vedette montante

À peine quelques années après avoir quitté son Australie natale pour tenter sa chance à Hollywood, Margot Robbie s'impose déjà comme l'une des jeunes actrices les plus en vue. Dans Focus, elle incarne une apprentie criminelle fort douée qui se colle à un arnaqueur professionnel (Will Smith) pour mieux apprendre tous les secrets du métier.

«Dès l'instant où elle est entrée dans la pièce pour faire un essai, nous avons immédiatement su que ce serait elle, a déclaré la productrice Denise Di Novi. Son autorité naturelle fait en sorte qu'elle a tout de suite tenu tête à Will. On pouvait littéralement voir les étincelles que provoquait cette rencontre. Dès qu'elle est sortie, je me suis mise à sautiller comme une fillette tellement j'étais heureuse!»

Pourtant, cette audition aurait pu mal tourner. L'actrice était en effet en vacances en Croatie pour une semaine au moment où, à 6h du matin, elle a reçu un appel de son agent. Elle devait de toute urgence regagner l'Amérique pour aller faire un essai avec Will Smith à New York.

«J'étais sur une île et j'ai dû grappiller mes affaires en 20 minutes pour attraper la navette qui mène vers le continent, a-t-elle raconté. J'ai ensuite pris le bus pour me rendre à l'aéroport et je me suis envolée vers Paris, puis New York. Bien sûr, mes bagages ont été perdus en cours de route. Je suis arrivée à New York les souliers trempés, avec des vêtements «mous» que je portais depuis plusieurs heures, pas maquillée, fatiguée. Je me suis quand même pointée à l'audition à l'heure prévue. Will, lui, était en retard. Il s'est excusé en expliquant qu'il avait été pris dans des bouchons en venant de Queens. Je lui ai dit que moi, j'arrivais de Croatie et que j'étais là à l'heure!»

Cette attitude un peu frondeuse lui a sans doute valu de bons points auprès des gens de la production. Et de Will Smith en particulier.

«Quand j'ai vu Margot arriver, je me suis dit: Man, elle ne veut vraiment pas ce rôle!», a commenté l'acteur en riant.

Grâce à son talent d'improvisatrice, l'actrice est rarement déstabilisée. Même face à une superstar comme Will Smith.

«Quand nous faisons passer des auditions à quelqu'un et que je suis là pour donner la réplique, j'aime bien sortir du texte et improviser un peu pour voir comment la personne va réagir, indique l'acteur. Au beau milieu de l'exercice, Margot m'a traité de connard! C'est ce que j'aime chez elle. Elle n'a peur de rien, elle prend le contrôle de la situation avec beaucoup d'aisance.»

Les deux acteurs se retrouveront d'ailleurs bientôt sur le plateau de Suicide Squad, une adaptation de la bande dessinée de DC Comics. Margot Robbie incarnera Harley Quinn; Will Smith, Deadshot, et Jared Leto, The Joker. 

Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.

PHOTO MARIO ANZUONI, REUTERS

Margot Robbie à la première du film Focus