Ce documentaire animalier spectaculaire, filmé en 3D dans l'Extrême-Orient russe, ouvre aujourd'hui, au cinéma Beaubien, le 18e Festival international du film pour enfants de Montréal (FIFEM).

Quand on lui demande si l'idée de partir au bout du monde pour filmer dans des conditions difficiles des ours dans leur habitat naturel n'était pas un peu folle, le cinéaste Guillaume Vincent jure que non. Pour cet amoureux du cinéma et des animaux sauvages, Terre des ours ressemble en tous points à la vision qu'il avait au départ.

«La première envie était de faire un vrai film de cinéma, expliquait-il au cours d'un entretien accordé récemment à La Presse. Dans la plupart des films animaliers, on applique des codes de fiction qu'on tente de faire coller à la nature. Nous avons voulu aller à l'encontre de ça. Faire du cinéma avec du vrai.»

Au départ, il n'était pas vraiment question de tourner le film en relief - aucun film animalier n'avait encore utilisé la technique -, mais l'idée, d'abord lancée par le distributeur français, a fait son chemin.

«C'était peut-être une folie d'accepter, car le fait de tourner en 3D change forcément la logistique d'un tel tournage, précise le cinéaste. Mais nous avons finalement accepté, car cette technique permet au spectateur d'être en immersion totale. Nous avions aussi l'impression que le sentiment de la matière serait mieux rendu. Filmer en 3D nous a aussi forcés à faire preuve d'une grande discipline. On filme de façon beaucoup plus précise, un peu comme si on revenait au temps de la pellicule.»

En compagnie du directeur photo Lionel Jan Kerguistel, Guillaume Vincent a préparé son film en amont en allant faire de nombreux repérages sur les lieux mêmes où le film allait être tourné.

«On ne peut pas diriger les ours, explique-t-il. Aussi fallait-il réfléchir à tous les moyens de faire du cinéma dans le contexte d'un décor naturel, où l'inattendu peut survenir à tout moment.»

Isolés du monde

Aucune route, aucun chemin de fer ne se rend dans cette partie du Kamtchatka, classée réserve de biosphère et protégée par l'UNESCO. C'est dire que les membres de l'équipe - et tout l'équipement - ont dû être transportés par hélicoptère sur les lieux de tournage. 

«Avec les autorités russes, il ne faut pas s'énerver. On sait qu'elles commenceront toujours par dire non. Puis, on se rend compte que tout est quand même possible», raconte Guillaume Vincent.

Fait inusité, un enclos électrifié a été construit afin que les humains puissent vivre dans cet environnement hostile en toute tranquillité.

«On nous a déposés là grâce à de vieux hélicoptères de l'ancienne armée soviétique, récupérés par des sociétés privées, fait remarquer Guillaume Vincent. On ne sait jamais quand ils vont revenir, car il faut que les conditions soient favorables. D'une certaine façon, c'était nous, les intrus. Chaque matin, on ouvrait la barrière de notre enclos pour aller sur le territoire des ours. Nous étions soumis à leur loi. Et c'était tout naturel.»

Dans les réserves du Kamtchatka, les ours ne sont plus chassés depuis des dizaines d'années. Ils se laissent ainsi approcher plus facilement par les humains. Cette proximité prend ici un aspect tangible, surtout dans les scènes en relief. Le postulat était simple: filmer les ours dans leur habitat naturel, au rythme de quatre saisons.

Une narration de Marion Cotillard

Très friande de documentaires animaliers, Marion Cotillard a accepté d'emblée d'assurer la narration de Terre des ours. Guillaume Vincent a fait appel à l'actrice parce qu'il souhaitait vraiment une voix féminine. D'autant qu'elles se font entendre plus rarement dans ce genre de projets.

«Il y a un sexisme qui m'énerve dans le monde du documentaire, dit le cinéaste. On dirait que dès qu'il s'agit du domaine du savoir, on fait toujours appel à des experts masculins ou à des voix masculines. Comme si ça donnait plus de crédibilité au propos. J'ai fait appel à Marion parce qu'elle est l'une des meilleures actrices du monde, mais aussi parce que je savais qu'elle trouverait assurément le ton juste.»

Actrice et cinéaste se sont d'ailleurs vite entendus sur la même vision des choses. Le ton serait assez neutre, mais il n'empêcherait toutefois pas les montées d'émotion, livrées de façon discrète. «Nous avons surtout misé sur la simplicité, indique Guillaume Vincent. Marion a été parfaite.»

Guillaume Vincent prépare présentement un nouveau film sur les mammifères marins dont une bonne partie de la production sera assurée par la société québécoise Attraction Images.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.