Avant même de lire le scénario d'Inherent Vice, Benicio Del Toro a donné son accord pour jouer dans le nouveau film de Paul Thomas Anderson. À ses yeux, une telle proposition ne se refuse pas. Tout simplement.

L'année cinéma de Benicio Del Toro a été pour le moins chargée. En plus de tenir le rôle principal d'Escobar: Paradise Lost, un film d'Andrea di Stefano dans lequel il prête ses traits au célèbre caïd colombien (à l'affiche au Québec le 16 janvier), l'acteur est allé tourner en Espagne A Perfect Day, un drame réalisé par Fernando León de Aranoa, dont les autres têtes d'affiche sont Tim Robbins et Olga Kurylenko. L'été dernier, il a aussi tourné au Nouveau-Mexique, sous la direction d'un certain Denis Villeneuve, un drame «intense» intitulé Sicario.

Son année a aussi été marquée par une présence dans le plus récent film de Paul Thomas Anderson, Inherent Vice. Dans cette adaptation déjantée du roman de Thomas Pynchon, dont l'intrigue est campée dans le Los Angeles enfumé des années 60, Benicio Del Toro incarne un avocat à qui le détective Doc Sportello (Joaquin Phoenix), dont l'esprit est toujours sous l'influence de diverses substances, demande régulièrement conseil.

«La première fois où j'ai entendu parler de ce projet, deux noms ont tout de suite retenu mon attention, a expliqué l'acteur au cours d'un entretien téléphonique accordé à La Presse. Ceux de Paul Thomas Anderson et Joaquin Phoenix. J'ai accepté la proposition très vite, avant même de lire le scénario ou le livre. Il est très rare que cela m'arrive. Paul fait partie de cette courte liste de cinéastes avec lesquels les acteurs souhaitent vraiment travailler un jour. Il n'y en a pas beaucoup, peut-être une quinzaine. Quand l'un d'entre eux t'appelle, c'est un cadeau. Et ça ne se refuse pas!»

L'amour des acteurs

Avant de gagner le plateau d'Inherent Vice, Benicio Del Toro n'avait encore jamais eu l'occasion de rencontrer le réalisateur qui, de Boogie Nights à The Master en passant par Magnolia et There Will Be Blood, s'est imposé comme l'un des plus grands cinéastes américains de notre époque.

«Mais je connaissais bien son oeuvre, précise-t-il. J'en étais déjà vraiment impressionné. Ses films sont toujours audacieux. Et très originaux. Quand on travaille sous sa direction, on sent l'amour profond qu'il porte aux acteurs. Il aime le processus à travers lequel on passe pour arriver à composer un personnage. Au moment du tournage d'une scène, tu sens Paul très présent, très concentré sur ce qui est en train de se passer devant la caméra. Cela n'est pas si fréquent.»

Réputé pour tourner plusieurs prises avant de mettre une scène en boîte, Paul Thomas Anderson commence à vraiment explorer les personnages avec ses comédiens seulement une fois que ceux-ci sont rendus sur le plateau. Peu de travail est fait en amont.

«Les nombreuses prises servent de répétitions, en quelque sorte, fait remarquer l'acteur lauréat d'un Oscar grâce à sa performance dans le film de Steven Soderbergh Traffic. C'est comme laisser venir la scène à soi, de façon naturelle. Comme Inherent Vice est un film qui comporte de nombreux dialogues, cette méthode nous permettait d'en saisir vraiment toutes les subtilités, tant les nôtres que ceux que les autres acteurs avaient à livrer.»

L'acteur, lauréat du prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes en 2008 grâce à Che, était en outre heureux d'avoir quelques scènes avec Joaquin Phoenix et Josh Brolin, deux acteurs avec qui il partage une même communauté d'esprit.

«Joaquin et Josh sont deux excellents acteurs, dit-il. Je les connais depuis longtemps. Là, nous nous sommes retrouvés dans une oeuvre construite un peu à la manière des films de Robert Altman. Nous avons eu beaucoup de plaisir à jouer ensemble, même si nous prenions notre travail très au sérieux. Honnêtement, j'aurais aimé y être plus longtemps!»

Toujours le même

La carrière cinématographique de Benicio Del Toro est maintenant riche d'une expérience de plus de 25 années. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis le jour où il a décroché son premier (petit) rôle au cinéma dans Big Top Pee-Wee (Randal Kleiser). Quelques années plus tard, The Usual Suspects (Bryan Singer) l'aura fait connaître auprès du grand public.

«Je suis aujourd'hui un peu différent, reconnaît l'acteur. Quand tu arrives dans ce métier, ton but est seulement de travailler, de trouver des rôles et d'essayer de gagner ta vie. Maintenant, ce sont surtout les histoires qui m'importent. Et surtout l'angle sous lequel on les raconte. À part ça, je reste le même. Même 25 ans plus tard, les papillons dans l'estomac sont toujours là avant le début d'un tournage. Le jour où ce ne sera plus le cas, je ferai autre chose.»

Inherent Vice prend l'affiche le 9 janvier.

Tourner avec Denis Villeneuve

L'été dernier, Benicio Del Toro s'est retrouvé sur le plateau de tournage de Sicario. Dans ce nouveau film de Denis Villeneuve, dont les autres têtes d'affiche sont Emily Blunt et Josh Brolin, l'acteur incarne un mystérieux - et dangereux - personnage qui s'associe à la CIA pour liquider un puissant baron de la drogue mexicain.

«Nous avons tourné dans les tranchées au Nouveau-Mexique, commente-t-il. Je garde un bon souvenir de cette expérience. On m'a dit que le film fonctionne très bien, mais n'en ayant rien vu encore, et n'ayant pas parlé à Denis récemment, il est plutôt difficile pour moi de me prononcer.

«Sur un plateau de cinéma, poursuit-il, un acteur peut avoir l'impression que le résultat sera bon, mais à l'arrivée, ça n'est plus tout à fait ça. Cela m'est arrivé quelques fois. Cela dit, j'ai un très bon feeling à propos du travail qu'on a fait avec Denis. Il fait partie de ces cinéastes qui acceptent la collaboration, avec qui il est facile de discuter. Il ne craint pas non plus de modifier des choses dans le scénario s'il estime que ça enrichit l'histoire. Denis a même eu l'audace de remettre en question certains éléments qui fonctionnaient bien sur papier, mais pas nécessairement dans la réalité d'un film. Donc, nous avions devant nous un vrai leader. Je crois que les autres acteurs ont apprécié son approche autant que moi.»