René Goscinny est mort le 5 novembre 1977. Sa fille Anne - devenue depuis écrivaine et éditrice (en 2003, elle a fondé les éditions IMAV avec son mari, qui les dirige à présent) - avait alors 9 ans. En sa qualité - «Enfin, je ne sais pas si c'est vraiment une qualité», fait-elle avec humour - d'ayant droit, elle gère l'oeuvre de son père. Le passage du Petit Nicolas au grand écran ne se serait pas fait sans elle.

Imaginées en tandem par René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, les aventures du Petit Nicolas ont été publiées entre 1959 et 1965. Le succès a été énorme. Et l'est encore aujourd'hui: les Histoires inédites du Petit Nicolas, dont la publication a commencé en 2005, se sont vendues à un million d'exemplaires en France uniquement.

C'est que l'enfance racontée là «est une enfance universelle, explique Anne Goscinny, rencontrée dans un café parisien. Le contexte, la date, le décor, tout ça est sans importance. Ce qui compte, c'est le personnage. Ce qui fait le charme du Petit Nicolas, c'est le lien entre les enfants, leurs liens avec l'institutrice, le surveillant, le directeur, et avec les parents. Le reste, les accessoires... c'est accessoire.»

D'ailleurs, l'inspiration des deux créateurs de cet univers qui, par son double niveau de langage, parle aux petits comme aux grands vient de leur propre enfance. Qui remonte aux années 30. Anne Goscinny, quand elle a réalisé cela, a eu l'impression d'ainsi découvrir un pan de la jeunesse de son père disparu.

«On n'a pas tous été un Gaulois, on n'a pas tous été un cow-boy, on n'a pas tous été un personnage des Mille et une nuits. Mais nous avons tous été enfants. Donc, par déduction, mon père a probablement mis plus de lui-même dans le Petit Nicolas que dans ses autres oeuvres», dit-elle en faisant référence à ces autres personnages nés de l'imaginaire de René Goscinny que sont Astérix, Lucky Luke et Iznogoud.

Ce Nicolas, le seul qu'elle a découvert avant le décès de son père, elle a participé activement à son passage du papier à l'écran. «Après le succès des inédits, en 2005, bien des producteurs se sont dit qu'il y avait peut-être quelque chose à faire avec ça et m'ont approchée. J'en ai rencontré beaucoup, mais aucun n'avait eu l'idée d'un projet d'histoire ayant un enjeu central.»

PARENTÉ D'ESPRIT

Parce que, rappelons-le, les aventures du Petit Nicolas sont, prises isolément, très courtes. Des vignettes. Des flashs. Pas de quoi servir de base à un scénario complet.

Sont alors arrivés Marc Missionnier et Olivier Delbosc. Avec ce désir de conserver le ton unique des récits, de s'inspirer des histoires rassemblées dans les bouquins, mais de les mettre, quitte à en inventer, au service d'une intrigue principale à double enjeu: un pour les enfants, un pour les parents.

Anne Goscinny avait trouvé à qui confier le Petit Nicolas.

«Ils m'ont par la suite présenté Laurent Tirard... qui s'est avéré être le réalisateur idéal pour ce projet: il a une façon de voir la vie un peu à l'anglaise, il a une manière un peu british de penser et de rire, une classe, une élégance et une réserve qui auraient pu correspondre à mon père. Et sa façon de raconter des histoires n'est pas très éloignée non plus de celle de mon père. En plus, il est brillant.»

Bref, non seulement a-t-il réalisé Le Petit Nicolas mais, avec son collaborateur habituel, Grégoire Vigneron, il en a écrit le scénario - sur lequel Anne Goscinny avait droit de regard. «Un droit un peu frustrant puisque c'est celui de dire non. Quand tout va bien, il n'y a rien à dire. Mais heureusement, il n'y avait pas grand-chose qui ne me semblait pas juste.»

On ne s'étonnera pas que l'équipe se soit reformée pour Astérix et Obélix: au service de Sa Majesté; et, maintenant, pour Les vacances du Petit Nicolas. Où le gamin (Mathéo Boisselier), papa et maman (Kad Merad et Valérie Lemercier) vont passer les vacances à la plage. Frapperont là l'amour et ses «dangers».

TERRAIN PLUS FAMILIER

«Cette deuxième expérience a été très différente, raconte Anne Goscinny. Pour le premier film, je ne savais pas du tout où on allait. Le scénario était bon, je voyais le travail de Laurent, ça ne pouvait pas être mauvais... mais je ne savais pas ce que ça allait donner. La part d'incertitude était très grande et, du coup, j'ai suivi le projet de très près. Cette fois, on était presque en famille.»

Elle connaissait l'équipe, elle savait à quel point ses membres sont exigeants envers eux-mêmes. «Je les respecte énormément et j'ai beaucoup de tendresse pour eux, ils ont merveilleusement adapté les personnages de mon père», résume celle qui a quand même été surprise par le succès du Petit Nicolas (5,52 millions de spectateurs en France, 2,02 millions à l'extérieur). «Avec le cinéma, on ne sait jamais. Un très bon film peut ne pas marcher sans qu'on comprenne pourquoi. Ou l'inverse, ce qui est plus souvent le cas.»

Mais elle a confiance. Confiance en ce film. Confiance en ce Petit Nicolas. Confiance en son père et en ce qu'il disait, faisait. «Il écrivait ce qui lui faisait plaisir, sans penser à une tranche d'âge, et les gens suivaient. Aujourd'hui, on fait des études de marché. Si on avait demandé, il y a 50-60 ans, qui serait intéressé à lire les aventures d'un petit Gaulois et de son ami qui livre des menhirs, Astérix n'aurait jamais vu le jour.» Et ça, ce serait vraiment pas juste, dirait un certain Nicolas.

Les vacances du Petit Nicolas prend l'affiche le 9 juillet.

Les frais de voyage ont été payés par Métropole Films.

Nicolas, premiers souvenirs

ANNE GOSCINNY (fille de René Goscinny)

«Mon premier souvenir du Petit Nicolas? Les livres avaient été publiés en deux tomes chez Denoël, couvertures blanches, lettrage bleu sur l'un, orange sur l'autre. Mon père me les avait offerts, je devais avoir 8 ans. Il m'en a même dédicacé un, qui m'a malheureusement par la suite été subtilisé. Le petit Nicolas est donc la toute première de ses oeuvres que j'ai lue. En fait, je n'ai découvert Astérix qu'après sa mort.»

LAURENT TIRARD (réalisateur, coscénariste)

«C'est un souvenir flou, mais encore très vivant. Enfant, j'étais très réservé, j'observais le monde et j'avais un grand imaginaire. Je lisais beaucoup de bandes dessinées et de livres. Et quand je suis tombé sur Le petit Nicolas - je devais avoir 9 ou 10 ans -, je me souviens surtout d'une très forte identification au personnage. Je me suis dit: «Enfin quelqu'un qui voit le monde comme moi!« Et je me suis senti moins seul.»

VALÉRIE LEMERCIER (maman)

«Je me souviens avoir lu Le petit Nicolas, je devais avoir 12 ans, et m'être dit: «Enfin, ils ont réussi à se mettre dans la cervelle d'un enfant!» C'est-à-dire dans la tête de quelqu'un qui, à partir d'une toute petite phrase et beaucoup d'imagination, se bâtit des mondes. C'était vrai avant, c'est vrai maintenant, même si on vit dans une époque différente, et c'est vrai dans tous les pays du monde. Les cerveaux d'enfants sont un peu toujours fabriqués de la même manière.»

KAD MERAD (papa)

«Bon, je l'avoue, j'ai découvert Le petit Nicolas quand on m'a proposé de jouer dans le film que Laurent allait réaliser. Je me suis mis alors à le lire pour me préparer... avant de réaliser que, finalement, le père de Nicolas est un personnage assez simple à comprendre: c'est le Français moyen, un peu lâche, un peu de mauvaise foi, un peu pleutre. C'est un peu moi, quoi! (Rires.)»