De passage à Montréal pour présenter Rêves de poussière, le réalisateur Laurent Salgues évoque le tournage de ce film qui se déroule dans une mine d'or du Burkina Faso. «Je vais vous dire ce qui a été facile, ce sera plus rapide», lance-t-il avec humour. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas sérieux.

Laurent Salgues est un voyageur. De corps et d'âme. Né à Toulouse en 1967, il a été photographe de presse.

Puis bouquiniste ambulant - il vivait alors dans son camion bourré de livres et sillonnait le sud-ouest de la France. Ensuite, parce qu'il aimait les images et les histoires, il a passé l'examen menant à l'entrée de l'École supérieure d'audiovisuel de Toulouse - où beaucoup sont appelés mais peu sont élus.

Degré de stress: zéro, puisqu'il n'avait pas d'attente. Il a été admis. A poursuivi ses études dans ce sens. Est devenu scénariste - entre autres pour la série télévisée P.J. (manière de NYPD Blue français). De même que réalisateur.

Son premier long métrage, Rêves de poussière, a pris l'affiche vendredi à Montréal. Samedi, il a été projeté à Cannes où il a été sélectionné dans la section parallèle ACID (Aide au cinéma international). Parce que Rêves de poussière n'est pas un film indépendant français, mais une coproduction indépendante entre la France, le Québec et le Burkina Faso. Où les difficultés se sont conjuguées sur tous les fronts possibles.

Pendant près de 10 ans. L'écriture. Le financement. Le tournage. La diffusion - «Ces temps-ci, cinématographiquement, l'Afrique est moins à la mode que l'Asie». Mais Laurent Salgues ne regrette rien. Il a raison.

Il y a d'abord eu une rencontre, en Éthiopie, avec un spécialiste de l'or. L'idée s'est imposée: l'un savait filmer; l'autre connaissait un endroit visuellement (d) étonnant dans le nord-ouest du Burkina-Faso, la mine d'Essakane. Laurent Salgues s'y est rendu, d'abord avec le projet de tourner un documentaire.

Au plus près des orpailleurs

«J'ai eu envie de me rapprocher d'une certaine vérité par rapport à ce lieu. D'utiliser le paysage pour ce qu'il est: un espace infini qui, pour ceux qui y travaillent, est une prison. On ne quitte pas Essakane. Et puis, il y a eu ces rencontres.»

Vraies. De celles qui changent. Avec les gens vivant là. Et, à Ouagadougou, avec une femme, Fatou Tall. Devenue, depuis, Fatou Tall-Salgues. Elle tient un rôle clé dans Rêves de poussière. Un rôle où le nombre de mots est inversement proportionnel à l'intensité. À la force du personnage.

Parce que le documentaire est devenu moyen puis long métrage. D'où le temps qui a passé. Pour trouver un producteur. Le financement. Pour peaufiner le scénario - cette histoire de Mocktar Dicko qui a quitté le Niger et sa famille, la culpabilité du décès de sa fillette vissée au coeur. Il devient orpailleur parmi les orpailleurs. Découvre le métier. L'apprend. Écoute les autres. Leurs secrets.

Parce qu'ils ont tous leurs secrets, ces naufragés du désert. Leurs secrets et leurs histoires. Rêves de poussière est fait de cela. «C'est une fiction mais toutes les scènes que j'ai écrites sont réelles: je les ai vues, entendues ou on me les a racontées.»

Il les a liées par le fil de la fiction. Les a fait porter par des acteurs. Makena Diop, qui campe le rôle principal, est acteur et conteur, il a étudié le théâtre et la mise en scène. Rasmané Ouedraogo, qui joue le vieux Thiam, est une immense vedette au Burkina Faso et a été vu dans La promesse des frères Dardenne.

Autour d'eux, des orpailleurs. Des vrais. Dans leurs propres rôles. «J'ai voulu faire confiance à l'image, parler avec les visages et les corps, faire confiance à la présence physique des hommes et des femmes», fait Laurent Salgues.

Pour capter tout cela, cinq semaines de tournage. Sous un soleil de plomb. Puis, des mois de post-production. Au Québec. En hiver. «J'ai tourné à 50 degrés et monté à moins 30», résume ce réalisateur qui n'a pas peur des extrêmes.