Liban, Beyrouth, qu'en sait-on vraiment? On imagine spontanément la détresse, la répression. On pense tout de suite à de vieilles guerres, aux femmes opprimées et aux hommes austères. Il y a du vrai dans cette perception commune. Mais il y a trop de faux, comme nous le rappelle Caramel.

La jeune Nadine Labaki propose, avec Caramel (son premier long métrage), un portrait tendre et chaleureux de son pays et de sa ville, de ce vieux Beyrouth qui, à nos oreilles occidentales, rime encore avec déroute...

C'est un tout autre monde qu'on explore dans le film de Labaki, un monde sans doute un peu idéalisé mais qui dépeint, de manière colorée, un univers joyeux malgré les affres de la vie. Dans Caramel, quelques femmes joviales et décomplexées, de tous âges, partagent librement anecdotes et confidences dans un petit salon de beauté. «J'avais l'intention de montrer une autre réalité, explique Labaki, jointe au Liban par téléphone. C'est un film positif. Depuis longtemps, je voulais dire que la vie ici n'est pas celle que vous imaginez en Occident.»

Labaki évoque une sorte de déchirement chez les femmes libanaises, coincées entre deux mondes: le monde «moderne», à savoir celui de la consommation, de la liberté, de l'émancipation, et le monde des traditions et de la religion: «Nous sommes toutes et tous exposés aux valeurs de l'Occident; le Liban est un pays très moderne, mais on se sent un peu tiraillés, les hommes sont aussi perdus que les femmes. Le poids des traditions est lourd et notre liberté n'est souvent qu'apparente.»

Le salon de beauté, microcosme, est dans Caramel un lieu de réunion, l'équivalent féminin d'une taverne; un point de rencontre universel. Il n'y a d'ailleurs à l'évidence que très peu de différences entre un salon de Beyrouth, de Tokyo ou de Longueuil. Pas étonnant que Caramel ait été vu dans une cinquantaine de pays. C'est un film «international» dans la mesure où toutes les femmes se reconnaîtront un peu, ici et là, dans les personnages de Layale (l'héroïne interprétée par Labaki), Nisrine, Rima, Jamale et Rose, qui parlent de sexe, qui parlent des hommes, qui parlent de vieillir, qui parlent d'être mère.

Caramel est une coproduction, financée par une pléiade d'investisseurs et d'organismes, dont beaucoup sont français: «Il n'y a pas de système de financement à proprement parler au Liban, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de recette miracle. Tout prend du temps, et on ne produit que trois ou quatre films par an.»

Labaki est de l'école du clip et de la publicité, et si elle pourrait assez facilement se faire actrice de calibre international, étant douée et fort jolie, elle lorgne plutôt vers la réalisation: «Le culte de la beauté chez les femmes, c'est quelque chose de normal. Il faut arrêter de refuser, de trouver cela superficiel. Ce n'est pas vrai. Être belle à l'extérieur se reflète sur notre état d'âme.»

Caramel présente en effet des personnages féminins presque archétypiques, proches quelque part des filles de Sex and the City, à savoir des femmes très préoccupées par leur look, par leur sex-appeal, qui trouvent refuge, amitié et consolation dans ce salon-tanière.

Le titre du film, d'ailleurs, ne réfère pas tant à un bonbon qu'à une sorte de pâte épilatoire, prisée en ces contrées orientales; mixture de sucre, d'eau et de citron caramélisé puis refroidie qu'on applique après sur la peau pour arracher les poils indésirables.

Oui, Caramel est bien un «film de filles», du propre aveu de Labaki. Mais ce n'est pas une bluette nunuche. Le film prendra l'affiche chez nous la semaine prochaine. La jeune réalisatrice a d'autres projets en tête, dont elle ne peut encore parler. Espérons que ce Caramel, qui a déjà parcouru les festivals, lui donne l'ambition et les moyens de poursuivre ce qu'elle a si joliment commencé.

Entre-temps, on pourra aussi voir Nadine Labaki dans Bosta (L'autobus), un autre film libanais qui prendra l'affiche à Montréal le 4 avril.