L'université, Alexis Martin l'a fréquentée à temps partiel, pendant six ou sept ans, au milieu des années 80, le temps de compléter une majeure en philosophie à l'Université de Montréal. Il n'y a jamais enseigné, encore moins le cinéma comme son personnage dans Le banquet, ce qui ne l'empêche pas de jeter un oeil critique sur ce qui se passe dans nos institutions de haut savoir.

En entrevue téléphonique avec Le Soleil, le comédien de 44 ans déplore un certain discours entretenu trop longtemps et voulant que tout le monde puisse aller à l'université. Au nom de l'égalité, précise-t-il, beaucoup d'étudiants s'y retrouvent encore sans que ce soit leur place. Ils tournent en rond, perdent leur temps, leur argent et leur énergie. Le personnage de Gilbert (Benoît McGinnis), étudiant plutôt dérangé, incapable d'écrire une ligne sans faire une faute, est l'incarnation de ce discours.

«On a tellement voulu être égalitaire qu'on a vendu l'idée aux jeunes qu'ils pouvaient tous aller à l'université, suffisait seulement qu'ils y mettent les efforts. C'est un mensonge. Ce n'est pas tout le monde qui a les mêmes capacités physiques et intellectuelles, les mêmes talents académiques. C'est supposé être un lieu de haut savoir, l'université, ce n'est pas l'endroit où tu peux commencer à montrer à quelqu'un à écrire, c'est trop tard...»

Selon Alexis Martin, Le banquet pose un «constat très sévère» mais nécessaire à l'égard du monde universitaire, même si tout ce qui peut se passe en amont, dans le système scolaire québécois, n'est pas rose non plus.

Bulle crevée

Son personnage de Bertrand doit composer avec un étudiant (McGinnis) qui n'est pas à sa place à l'université. La crise ne couve pas seulement chez ce jeune et dans toute l'institution, frappée par une grève étudiante, mais aussi chez cet enseignant qui ne reconnaît plus son milieu de travail.

«Il est en crise existentielle. Entre ce qu'il voulait faire, plus jeune, et ce qu'il est devenu, sa bulle a crevé. Il est confronté à un monde universitaire qui ressemble à une usine où tout le monde vient poinçonner. L'université n'est plus pour lui une aventure intellectuelle. C'est le règne du confort et de l'indifférence.»

Au sujet de l'épilogue tragique, annoncé dès les premiers instants du film, Alexis Martin croit que le lieu du drame représente un lieu symbolique qui permet au jeune Gilbert de régler ses comptes avec la société.

«L'université, c'est le dernier seuil avant la vie adulte. Pour des jeunes en colère et qui se sentent exclus, c'est le lieu où ils vont soit dénouer l'impasse, soit se venger. Quelqu'un qui veut se venger d'avoir été mis à la porte par un doorman, c'est au bar qu'il va retourner...»