Les étudiants étrangers qui débarquent au Québec sont loin de l'avoir facile. La cinéaste Guylaine Dionne, également professeure en cinéma à l'Université Concordia, peut en témoigner régulièrement avec ce qu'elle voit dans les salles de classe. D'où l'idée de Serveuses demandées, qui vise à faire connaître les chemins difficiles empruntés par certaines jeunes femmes d'ailleurs afin de s'en sortir. «Une histoire de rêves brisés...», souligne-t-elle en entrevue.

La Priscilla de son film (Janaina Suaudeau), une jeune étudiante brésilienne en attente du renouvellement de son visa, est l'archétype de toutes ces immigrantes entraînées, sous de fausses représentations, dans un boulot qui souvent peut en cacher un autre. Entre la serveuse demandée et la danseuse nue qu'elles finissent par devenir, la ligne est souvent mince...

«Je vois régulièrement des étudiants étrangers débarquer en plein hiver, avec des petits souliers, peu de vêtements chauds, explique la cinéaste originaire de Saint-Pascal-de-Kamouraska. Ils peuvent passer de longs mois en situation d'illégalité. Fragiles, ils deviennent alors des cibles idéales pour les gens du crime organisé qui se tiennent dans les cafés et autour des écoles. Une fois dans une situation d'illégalité, ils ne peuvent plus sortir de cet engrenage et demander leur statut de résident permanant. Il existe tout un système construit autour de ça.»

Même si Serveuses demandées se déroule dans un bar fictif de danseuses nues, L'Élixir, son objectif ne vise pas à dénoncer ce qui se passe dans ce milieu, mais plutôt une façon de sensibiliser la population à la situation précaire des immigrants illégaux et des sans-papiers. «Il faut arrêter de jouer à l'autruche, il faut en parler de façon à transcender les tabous», raconte la cinéaste, qui a consacré trois ans de recherches pour son scénario, dans les bars de Montréal et de Toronto.

 

Le personnage de la naïve Priscilla n'est pas seul dans cette galère. Elle croisera sur sa route une Québécoise «pure laine», Milagro (Clara Furey), une jeune femme qui exerce aussi le métier de danseuse et qui rêve de retrouver sa fille, laissée aux bons soins de sa mère (Anne Dorval), dans le Bas-du-Fleuve. Une bonne partie du film se déroule d'ailleurs en plein hiver, dans la région de Notre-Dame-du-Portage, où les deux femmes se rendront afin de panser leurs blessures.

Pour Priscilla, comme pour toutes les autres femmes coincées dans cette souricière, le plus difficile demeure de mentir à leur famille restée dans leur pays d'origine. «Elles étaient venues ici pour vivre l'Eldorado, mais elles vivent plutôt un échec. C'est dur.»