Pour sa première réalisation au cinéma, Sophie Lorain s'attarde à décrire le parcours d'une femme d'âge mûr à qui s'offre un jeune homme qui a 30 ans de moins qu'elle. En 2009, une relation de cette nature a toujours de quoi susciter la discussion. Et nourrir la prémisse d'une comédie romantique inédite.

C'est bien connu, il y a parfois double standard en matière de relations amoureuses. À telle enseigne qu'on décrit souvent la liaison entre une femme mûre et un homme plus jeune comme étant l'un des «derniers tabous». En portant à l'écran le scénario qu'a écrit Michel Marc Bouchard en s'inspirant de sa propre pièce, Sophie Lorain plonge au coeur d'une thématique rarement explorée au cinéma.

«Les grandes chaleurs est modulé sur le ton de la comédie romantique, a expliqué la réalisatrice au cours d'une entrevue accordée à La Presse. Notre ambition a été de faire un petit film charmant dans lequel les femmes - et aussi les hommes - pourront se reconnaître. Ni plus ni moins. Cela dit, je tenais quand même à ce que le récit fasse écho à de vrais enjeux.»

Créée sur scène il y a 18 ans, la pièce à succès de Michel Marc Bouchard a d'abord subi une transformation majeure - orchestrée par l'auteur lui-même - avant de se retrouver sur grand écran. Non seulement fallait-il donner au récit une dimension plus cinématographique, mais lui trouver aussi une nouvelle modernité, même si les personnages sont sensiblement les mêmes que dans la pièce.

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Au centre de cette histoire, il y a Gisèle, 52 ans (Marie-Thérèse Fortin). Bien en maîtrise de ses moyens, cette travailleuse sociale traverse néanmoins une période difficile, son mari lui ayant avoué, peu avant de mourir, une longue liaison adultère. Malgré le soutien de ses deux enfants adultes (François Létourneau et Véronique Beaudet), d'une belle-soeur très présente (Marie Brassard) et d'un boulot exigeant, mais valorisant, Gisèle se trouve en déséquilibre. Que faire, alors, des avances de Yannick (François Arnaud), un jeune cleptomane charmeur âgé d'à peine 20 ans, animé d'un désir de conquête?

«Il y a deux pôles dans ce récit, explique la réalisatrice. D'abord, il y a cette tergiversation, toute féminine. Bien sûr, les hésitations font partie de la nature humaine en général, mais je crois qu'elles sont plus particulièrement aiguës chez les femmes. À 52 ans, une mère d'enfants adultes ne se lancera pas dans une aventure amoureuse de la même façon qu'un homme du même âge. Qui, lui, ne se posera probablement pas les mêmes questions si la perspective d'une liaison avec une femme plus jeune se présente.

«Ensuite, poursuit Sophie Lorain, il y a cette vision d'une femme se donnant la permission de vivre ces instants de bonheur en sachant d'avance qu'ils seront probablement éphémères. Et vécus sous le regard d'une société qui a encore du mal à accepter la chose. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette histoire se déroule dans la ville de Québec. Il y est plus difficile de vivre une liaison amoureuse dans l'anonymat qu'à Montréal.»

Du matériau humain

Lorsqu'elle fut pressentie par la productrice Valérie Bissonnette pour assurer la réalisation du film, Sophie Lorain ne savait encore rien des Grandes chaleurs. «Pour être bien franche, je ne savais même pas qu'il s'agissait d'une pièce au départ! fait-elle remarquer. Dès la lecture de la première version du scénario, j'ai pensé à Marie-Thérèse Fortin pour le rôle de Gisèle. À mon sens, il était essentiel de faire appel à une femme très belle, mais dont la beauté n'est pas «glamourisée» à l'extrême. J'aimerais que toutes les femmes du Québec puissent se reconnaître dans l'universalité de son propos.»

François Arnaud, révélé récemment au cinéma dans J'ai tué ma mère de Xavier Dolan, fut de son côté choisi alors qu'il venait pratiquement tout juste de sortir du Conservatoire. «Il a une étoffe allant bien au-delà du simple emploi de jeune premier, commente la réalisatrice. D'ailleurs, les hommes plus jeunes s'identifient facilement à Yannick, à sa façon d'aller chercher ce qu'il veut. Les jeunes femmes, elles, prennent plaisir à voir cette femme plus mûre s'abandonner dans une histoire amoureuse.»

Malgré les difficultés inhérentes à tout tournage au Québec, Sophie Lorain affirme être heureuse d'avoir pu le réaliser dans de telles conditions. «Si je travaillais à Hollywood, je ne suis pas certaine qu'on m'aurait laissé faire ce film de la même manière, avec ce genre de casting. Là-bas, on aurait certainement donné le rôle à Michelle Pfeiffer. Qui a l'âge du rôle bien sûr, mais sa vie n'a rien à voir avec celle d'une femme «ordinaire». Et puis, je trouvais important de faire appel à une actrice comme Marie-Thérèse, d'autant que les beaux rôles pour les comédiennes de cet âge sont tellement rares au cinéma. Ce qui m'importe avant tout, c'est le matériau humain.»

Les grandes chaleurs prend l'affiche le 7 août.

À lire samedi prochain: le portrait de François Arnaud.