Dans Cliente, la femme de 50 ans a une image différente de celle véhiculée habituellement au cinéma. Elle est autonome, bien en maîtrise, ne s'empêtre pas dans ses histoires d'amour, et se paie les services d'un gigolo. Non, mais qui a peur de Josiane Balasko?

Quand elle a proposé une première version du scénario de Cliente à différents producteurs, Josiane Balasko fut d'abord reçue avec une brique et un fanal.

«J'en ai entendu des vertes et des pas mûres, croyez-moi!» a rappelé la réalisatrice au cours d'une interview accordée à La Presse alors qu'elle était de passage à Montréal un peu plus tôt cette semaine.

«On me disait que le sujet était choquant. Personne ne voulait produire ce film. On m'a aussi souvent demandé si le scénario comportait une part d'autobiographie. J'ai dit non. Du moins, pas encore! Remarquez, je m'étais fait poser la même question à l'époque de Gazon maudit. Dans l'esprit de certaines personnes, une femme ne peut aborder un sujet que si elle le connaît d'expérience!»

Les fins de non-recevoir successives ont eu l'heur de stimuler davantage l'auteure cinéaste. «Ces réactions, auxquelles je ne m'attendais pas, m'ont convaincue de la pertinence du sujet. J'ai senti que je tenais là quelque chose. Comme on voulait de surcroît que je ferme ma gueule, j'ai eu d'autant plus envie d'écrire cette histoire et de la diffuser.»

D'abord publié sous la forme d'un roman, Cliente obtient alors des critiques généralement favorables et se hisse dans la liste des best-sellers.

«Comme Nathalie Baye est une amie, je lui ai fait parvenir un exemplaire du livre, a raconté Josiane Balasko. Elle m'a téléphoné très rapidement en me disant que si jamais j'avais l'intention de porter le livre à l'écran, elle serait ravie d'être ma cliente.»

Une histoire de solitudes

Un accord avec Nathalie Baye et un succès de librairie plus tard, Cliente fut soudainement plus viable aux yeux des producteurs de films. Ironiquement, le scénario qu'a tiré Josiane Balasko de son roman est très près de celui qui les rendait si frileux à l'époque.

«Cette histoire n'a pourtant rien de choquant, a fait remarquer l'auteure cinéaste. Elle aborde plusieurs thèmes. Elle parle notamment de la solitude dans laquelle se retrouvent tant de femmes quand elles atteignent un âge plus mûr.»

La solitude de Judith, l'héroïne du film, semble pourtant heureuse. Avec sa cinquantaine séduisante, sa bonne profession, ses moyens financiers supérieurs, cette directrice d'une émission de téléachat mène sa vie tambour battant. Elle s'offre aussi régulièrement les services sexuels de jeunes hommes, qu'elle choisit en consultant des sites internet spécialisés. Parmi eux, Patrick (Éric Caravaca), un homme très amoureux de sa femme (Isabelle Carré), qui exerce le métier pour surmonter des difficultés financières.

«Je suis allée consulter ce genre de sites et j'ai été étonnée de constater que les hommes offrant leurs services n'ont rien des top modèles qui font les couvertures des magazines, a expliqué la réalisatrice. À cet égard, les services offerts aux femmes diffèrent grandement de ceux offerts aux hommes à la recherche d'une liaison homosexuelle. On propose plutôt aux femmes de «l'accompagnement». Il n'y a pas obligatoirement d'échanges de services sexuels. Comme bien des femmes de son âge, Judith est arrivée à un point où elle n'a plus nécessairement envie de s'investir dans une relation amoureuse. L'argent établit clairement les marques. Et, dans son cas, simplifie les rapports intimes.»

La prostitution ayant souvent été idéalisée dans le cinéma français, Josiane Balasko dit être ravie d'avoir pris le cliché habituel à contre-pied. Elle ne croit pas non plus avoir cédé à une vision trop romantique du plus vieux métier du monde.

«Bien sûr, Patrick a un peu le type du gendre idéal, a concédé la réalisatrice. Je l'ai voulu ainsi. Il est issu d'une famille typique française ayant du mal à joindre les deux bouts. Pour lui, la prostitution constitue tout simplement un moyen pour se sortir de ses problèmes d'argent. Il aurait tout aussi bien pu «dealer» de la drogue plutôt que son corps. J'ai toutefois tenu à montrer aussi un petit sans-abri qui, lui, exerce le métier parce qu'il n'a pas le choix. Pas à ses yeux en tout cas.»

Point de réactions scandaleuses n'ont en tout cas marqué la parution du livre, pas plus que la sortie du film.

«C'est bien la preuve que le propos n'a rien de choquant, a commenté Josiane Balasko. Plusieurs femmes de ma génération étaient au contraire heureuses de voir à l'écran une femme plus mûre dans un autre rôle que celui d'une mère ou d'une grand-mère. En fait, j'ai fait ce film pour toutes mes copines de 50 ans qui sont seules.»

Cliente prend l'affiche le 2 octobre.