Avant de plonger dans un tournage, Marc-André Grondin doit éprouver un double coup de coeur, à la fois pour le scénario et pour son réalisateur. «Quand tu passes deux trois mois avec quelqu'un, 14 heures par jour, il faut que tu t'entendes bien.»

Pour 5150, rue des Ormes, le comédien de 25 ans a trouvé en Éric Tessier le cinéaste qui répondait à ses attentes. «On a longuement parlé au téléphone du scénario pendant que j'étais en Europe. Je voulais connaître son approche et sa vision du film. À mon retour à Montréal, on est allés prendre un verre pour en jaser encore.»

Même s'il ne connaissait pas l'oeuvre de Patrick Senécal, Grondin a tout de suite été attiré par ce thriller fantastico-horrifique, où son personnage, Yannick, est retenu prisonnier par un père de famille tordu, Jacques Beaulieu (Normand D'Amour), un homme qui possède une conception bien particulière du bien et du mal. Le psychopathe, de surcroît un crack des échecs, lancera à son otage le défi de le battre sur l'échiquier pour obtenir sa libération.

«Yannick essaie de combattre Beaulieu afin de se libérer de la figure paternelle qu'il voit en lui, explique Grondin. C'est un peu pour cette raison qu'il perd la tête. Il a besoin de prouver qu'il est capable de faire quelque chose jusqu'au bout. Toute sa vie, son père n'a jamais cessé de lui répéter qu'il était un bon à rien. C'est pourquoi il tient à relever ce défi quasi insurmontable.»

L'idée que l'effroi et l'horreur se déroulent en catimini, dans un anonyme bungalow d'un quartier tout ce qu'il y a de plus ordinaire, lui a plu. «Quand j'ai vu la photo de la maison, j'ai tripé. Elle ressemblait à plein de maisons de mon quartier d'enfance. Habituellement, dans les thrillers d'horreur, c'est toujours des maisons semi-hantées, faites en vieux bois, avec un ventilateur qui tourne lentement au plafond, de la poussière, de la fumée...»

Expérience intense

Le tournage de 5150, rue des Ormes s'est avéré l'expérience «la plus intense» de sa jeune carrière. «Ce n'est pas un crowd pleasure, ce n'est pas un film léger. Les personnages vivent des situations hors de l'ordinaire, mais Éric [Tessier] et Patrick [Senécal] les font jouer de façon ordinaire. Il y a un traitement réaliste avec des pointes d'humour. Ça permet au spectateur de respirer un peu.»

Sans connaître à fond tous les livres de Senécal, Marc-André Grondin estime que la force du romancier réside dans sa capacité à ne pas mettre de barrières à son imagination. «Il n'a pas de filtre. Il n'a pas peur, par exemple, de montrer un enfant qui se fait tuer. Il ne choque pas pour le plaisir de choquer. En même temps, il existe un clash entre lui et son oeuvre. Même s'il écrit des choses horribles, il est un gars jovial et sociable. Parfois, c'est même lui qui se choque quand je lui raconte des histoires...»

La carrière de Marc-André Grondin roule à vitesse grand V depuis quelques années. Surtout en France, où les scénarios tombent régulièrement sur le bureau de son agent. Deux films (Le caméléon, de Jean-Paul Salomé, et Bus Palladium, de Christopher Thompson) débarqueront sur nos écrans l'an prochain. Le jeune comédien entreprendra sous peu le tournage d'Insoupçonnable, avec Laura Smet, Charles Berling et le réalisateur Gabriel Le Bomin.

Le lauréat du César du meilleur espoir masculin, décroché l'an dernier pour Le premier jour du reste de ta vie, profite à plein de sa notoriété, conscient qu'elle peut disparaître à tout moment. «C'est un métier où ça monte et ça descend très vite. Suffit qu'il arrive un acteur qui me ressemble un peu, et tout le monde va se mettre à triper sur lui.»

«Honnêtement, poursuit-il, le César n'a pas changé grand-chose dans ma vie. Ma carrière en France allait déjà bien. Je ne reçois pas plus d'offres qu'avant, mais j'ai rencontré plus de réalisateurs établis, plutôt que des réalisateurs de premier ou deuxième film.»

La vie après C.R.A.Z.Y.

Comment avoir Marc-André Grondin devant soi sans lui parler du célèbre C.R.A.Z.Y., le film qui l'a propulsé sous les projecteurs? Le rôle lui colle à la peau, et le principal intéressé croit que ce sera encore pour longtemps. «C'est comme Di Caprio avec Titanic... J'ai eu la chance d'être associé à un film dont je n'ai pas honte, contrairement à des acteurs qui sont associés toute leur vie à de gros navets. C'est vrai que ça me suit partout. Pas une semaine ne passe sans qu'on m'en parle. L'autre fois, c'était une employée d'un hôtel, en Espagne. Ça arrive tout le temps.

«C'est cool, mais, en même temps, je ne serai pas ado toute ma vie, et ce personnage va finir par appartenir à mon passé, comme Guillaume Lemay-Thivierge avec Le matou