Le 63e Festival de Cannes s'est ouvert hier soir avec la présentation en première mondiale de Robin Hood. La superproduction de Ridley Scott a reçu un accueil critique poli, ce qui, dans les circonstances, est déjà un exploit.

A-t-on déjà vu un film d'ouverture faire l'unanimité au plus prestigieux festival de cinéma du monde? Dans l'histoire récente, très rarement. Le producteur Brian Grazer le sait mieux que personne. Il y a quatre ans, son Da Vinci Code s'était fait clouer au pilori ici. Le nabab n'a toutefois pas hésité à acquiescer de nouveau à la demande du comité de sélection. Robin Hood, sa nouvelle production, a ouvert hier en grande pompe le 63e Festival de Cannes. Et sous un ciel plus clément que prévu.

«Je suis venu sur la Croisette au fil des ans avec des films de genres très différents», disait Grazer hier au cours d'une conférence de presse. «Même si l'accueil n'est pas toujours celui qu'on souhaite, il reste que c'est toujours un grand honneur de venir présenter un film ici. Les yeux du monde entier sont rivés sur Cannes.»

Dans les circonstances, l'accueil poli qu'a obtenu Robin Hood après la projection destinée à la presse prend déjà les allures d'un exploit. Dans le grand temple de la cinéphilie, les superproductions de ce genre sont, habituellement, plutôt attendues avec une brique et un fanal. D'où la difficulté, pour le comité de sélection, de trouver un film d'ouverture pouvant satisfaire à la fois les festivaliers et la faune médiatique.

Le vétéran Ridley Scott, absent de la fête hier à cause d'une opération au genou, avait de son côté la lourde tâche de renouveler une histoire légendaire, déjà maintes fois portée à l'écran.

«Ces films-là, je les ai pratiquement tous vus!» clamait hier Russell Crowe, acteur fétiche de Scott et nouvel interprète du justicier de Nottingham. «D'Errol Flynn à Mel Brooks, en passant par Douglas Fairbanks, je crois ne pas en avoir raté un seul. Cela fait partie de ma jeunesse!»

Ambitieux projet

Le projet de réactualisation - plus de 100 millions de dollars de budget - était évidemment plus ambitieux. Et a suscité de nombreuses discussions au sein de l'équipe. Il fallait trouver la manière de raconter la légende de Robin des Bois sans tomber dans les clichés habituels.

«C'est là que l'idée d'un «prequel» est arrivée, souligne Crowe. J'ai beaucoup aimé les films de mon enfance, mais j'ai quand même le sentiment qu'aucune des versions produites jusqu'à maintenant n'était vraiment satisfaisante quant au caractère humain du personnage. Avec le scénariste Brian Helgeland, nous avons voulu explorer cet aspect. Et montrer d'où vient cet homme, ce qui le motive. Même s'il ne s'agit pas d'une véritable reconstitution historique, nous tenions quand même à ce que tout reste crédible. Robin est un Anglais qui a traversé l'Europe et le Moyen-Orient à une époque où l'Anglais moyen n'allait jamais à plus de 20 kilomètres de chez lui!»

Superproduction de qualité

C'est dire qu'au moment où commence ce film musclé, Robin des Bois n'est encore que Robin Longstride, archer du roi, un peu rebelle sur les bords. Témoin de la mort de son souverain Richard Coeur-de-lion sur les champs de bataille en France, Longstride trouve le moyen de rentrer en Angleterre sous une imposture, s'immisçant dans la vie de la famille d'un croisé, mort lui aussi en France. La rencontre entre Robin et le père du disparu (Max Von Sydow), qui accueillera cet étranger comme son fils, constitue en outre l'un des beaux moments du film. Celle avec Lady Marianne (Cate Blanchett) aussi. D'autant que l'actrice donne au personnage un vrai dynamisme. «C'est Robin des Bois que j'aurais vraiment voulu jouer!», a-t-elle d'ailleurs lancé hier à la conférence de presse.

L'intrigue de ce Robin Hood se situe avant que le personnage ne devienne une légende. À 46 ans, Russell Crowe est peut-être un peu âgé pour le rôle, mais il offre néanmoins une performance costaude.

En vieux pro, Ridley Scott propose un film très rythmé, truffé de scènes d'action, dans lequel les personnages parviennent à exister quand même. Voilà une superproduction qui, sans passer à l'histoire, se révèle de belle qualité.

Même si, aux yeux de certains, les Français passeront pour les «méchants» de l'histoire, le producteur Brian Grazer dit être enchanté d'inaugurer la carrière du film dans l'Hexagone. «Je crois que les deux peuples peuvent revendiquer une histoire assez belliqueuse de part et d'autre!» a-t-il dit. «À mes yeux, les Anglais n'ont pas du tout le beau rôle dans ce film!» renchérit l'Australienne Cate Blanchett.