Le documentaire Pax Americana ou la conquête militaire de l’espace aborde la question de la «privatisation» de l’espace où les États-Unis sont déjà omniprésents. La Presse a rencontré Louis Caron, un des scénaristes de cette coproduction France-Canada.

Louis Caron n’aime pas répondre aux questions. Il préfère les contourner. L’auteur des Fils de la liberté a pourtant collaboré au scénario de Pax Americana, documentaire du Français Denis Delestrac.

«C’est la première fois que je participe à un long métrage d’envergure, raconte-t-il, j’ai plutôt l’habitude de travailler sur des fictions.» À sa grande surprise, quand Lucie Tremblay, productrice du film, le joint, elle lui présente le projet ainsi: «Deux hommes extraordinaires travaillent sur un film. Un Français né à Barcelone et un Canadien vivant à New York. Il faudrait un Québécois dans l’affaire.» Le romancier accepte. 

Du sujet, il connaissait peu de choses. «Je suis comme vous, assure-t-il, je ne sais pas ce qui passe au-dessus de ma tête.» L’équipe avait besoin de lui pour «réserver une part de récit dans la fabrication du documentaire», dit-il.

Son arrivée lance un tournant radical dans la production du film.

Quelques mois durant, le réalisateur et son premier scénariste, Harold Crooks, ont fabriqué, «comme Pénélope, une longue tapisserie sur laquelle se déployait des kilomètres de données étalées sur neuf bureaux. La matière, en surabondance, était tangible mais (leur) travail représentait des heures de pellicule, avec des angles différents et une histoire distincte pour chacun», raconte-t-il.

Louis Caron devait trouver le fil conducteur. «J’ai agi comme pour un roman, dit Louis Caron, avec des chapitres liés dans un récit par une idée maîtresse.» Son passé de journaliste – commun avec celui du réalisateur – joue en sa faveur. Pax Americana se veut une enquête «monstrueuse» sur la conquête militaire de l’espace. Un sujet difficile.

«J’ai contribué à structurer le film de façon intelligible sur le papier et Denis a contribué à le rendre intelligible en images», estime-t-il.

Lors de la guerre du Vietnam, Louis Caron recevait des kilomètres de bandes de papiers venant d’un téléscripteur et il devait résumer le conflit en une poignée de minutes. Pour dégager la «matière brute» de Pax Americana, il a lu et relu le scénario.
«Plus on avance, plus le scénario se raccourcit», fait-il. 

Tour de force

Et quel travail! Raconter un demi-siècle en moins de 90 minutes représente un tour de force. «J’ai mis 48 heures», indique le scénariste avant d’ajouter aussitôt, farceur, «25 ans de métier et 48 heures précisément».

N’est-ce pas difficile pour le réalisateur de voir son travail sacrifié? «J’ai enlevé le superflu, dit-il, il n’est pas question de sacrifice dans ce geste surtout qu’au montage, Denis a le dernier mot. Quant à Harold, il se consolait en venant manger avec moi! Il y a eu quelques éléments déclencheurs dont le titre, Pax Americana. Tout se cristallise autour de ces deux mots.»

L’auteur révèle qu’un tel sujet de s’est pas approfondi sans quelques pressions des producteurs. 

«Les États-Unis voulaient que nous parlions de leurs rapports de force avec le reste du monde, tandis que l’Europe et Radio-Canada voulaient que nous montrions les efforts entrepris pour dominer l’espace. Denis Delestrac a gardé le bon cap», croit-il.

L’équipe a réussi à se glisser dans les coulisses du milieu «spatial» grâce à la fille de l’astronaute Marc Garneau, Simone.

«Elle a été la clé qui ouvre la porte, souligne Louis Caron. À la fin de ce documentaire, vous ouvrez les yeux. La planète entière est régie par des sociétés multicontinentales, obsédées par des questions de profits et dirigées par des êtres humains, avec une famille et des enfants. Ces derniers prennent pourtant des décisions de nature contraire à ce qu’ils sont.»