Une maison impeccable dans un quartier impeccable. À l'intérieur, une femme battue très violemment, un homme qui nie, un ado qui voit tout. Un jour, Catherine en a assez. Et part. Deux fois une femme de François Delisle évoque le début d'une guérison.

Il faut libérer une énorme quantité d'énergie pour admettre que le couple n'existe plus et que le moment est venu de se séparer de l'autre. Il en faut sans doute tout autant pour reconstruire son identité le jour d'après. Et lorsque la violence conjugale s'ajoute dans l'équation, la résolution est encore plus longue, plus complexe.

Dans Deux fois une femme, nouveau film de François Delisle (Le bonheur, c'est une chanson triste), le parcours vers la lumière de Catherine (Évelyne Rompré) commence là où se termine sa vie conjugale avec Bruno (Marc Béland). Avec l'aide d'une association de femmes, elle quitte sa maison impeccable d'un quartier tout neuf pour une ville perdue au fond du Québec, où elle prend le nom de Sophie. Avec elle, Léo (Étienne Laforge), adolescent pas méchant pour deux sous qui exprime son désarroi par des résultats scolaires effilochés.

Cette reconstruction sera longue, jalonnée d'embûches et de confrontations. De défis. De silences.

«Pour moi, le principal but du film était de parler d'une femme qui regagnait sa dignité», dit François Delisle en entrevue. Dignité face à elle-même mais aussi face à Léo. En ce sens, Deux fois une femme sert de caisse de résonance à Toi, précédent film de Delisle.

«On fait des films en réponse à ceux qu'on a faits avant, ajoute-t-il. J'avais le goût de renverser la vapeur. Dans Toi, une femme perdait sa dignité face au regard de son enfant. Ici, c'est une femme qui regagne sa dignité, principalement face au regard de son fils.»

Dans le rôle de Catherine/Sophie, Evelyne Rompré aborde son personnage tout en retenue en dépit de la violence, de l'angoisse, de la peur qui teintent tout le film. De ces femmes qui décident de briser le cycle de la violence, Evelyne Rompré retient le courage. Un geste très fort qui l'interpelle.

«J'imagine à quel point cela prend un grand courage, lorsqu'on a un enfant, une vie quotidienne établie, une relation bâtie sur des années mais où s'est installé un cercle vicieux, de s'en libérer, d'être capable de dire «J'en ai assez!»», dit-elle.

Habituée d'incarner des personnages dramatiques au théâtre, elle en apprécie l'étoffe, la richesse. «Ce que je trouvais beau dans ce scénario, c'est la force que Catherine prend peu à peu. Elle change. Elle devient jolie. Elle découvre la liberté dans son corps.»

Il y a au début du film une scène très dure entre Rompré et Marc Béland. Le duo d'acteurs l'a abordée dans la confiance mutuelle. «J'admire beaucoup le travail de Marc avec qui j'ai travaillé au théâtre, dit la comédienne. Donc, aller là-dedans avec lui ne me dérangeait pas. Au contraire, il y avait déjà une relation de confiance établie.»

François Delisle, qui réalise son second film avec Béland, salue également son ouverture d'esprit. «C'est quelqu'un qui comprenait l'univers dans lequel il était. Lorsque je lui ai offert le rôle, il a embarqué complètement même si ce n'est pas le plus beau rôle d'homme à défendre. Il le fait d'une façon exemplaire», dit-il.

Contrastes

On remarque plusieurs contrastes dans le film, telle cette opposition entre les lieux de départ et d'arrivée de Catherine. Le choix de la maison presque cossue dans un milieu propret n'est pas fortuit.

«Je ne voulais tomber dans aucun misérabilisme avec l'idée d'aborder la violence conjugale, dit Delisle. C'est un sujet qui est ouvert facilement à ce genre d'interprétation. Je ne pense pas que les relations malsaines sont nécessairement liées à un milieu social.»

S'établissant à la campagne, Catherine fait corps avec la nature. «C'est l'endroit où elle se ressource et se recentre, dans une certaine solitude, dit le réalisateur. Elle prend contact avec les éléments.»

L'âpreté du territoire, son dépouillement, son dénuement renvoient le spectateur à la vie chamboulée de Catherine. Ce sera aussi le point de départ vers une liberté nouvelle. Voilà la constante dans la cinématographie de Delisle.

«Cette quête de liberté est centrale dans tous mes films, souligne-t-il. C'est une obsession. On est souvent déconnecté de cela. On est, selon moi, sur terre pour être heureux et, malheureusement, on est souvent pris dans un certain malheur.»

Deux fois une femme est présenté demain soir au Parallèle à 21h30 et prend l'affiche lundi au même endroit.