Une icône du cinéma français, une diva québécoise et un distributeur au grand flair. Cette année, le Festival des films du monde rend hommage à Ginette Reno, Catherine Deneuve et Victor Loewy, trois personnalités qui ont, chacune à leur façon, marqué le paysage cinématographique.

«Vous savez, j’ai 65 ans. Donc quand on me reconnaît pour quelque chose, je l’accepte avec plaisir quand ça pass  » lâche Ginette Reno, qui jure que l’hommage que lui rend le 35e Festival des films du monde a été pour elle «une énorme surprise».

C’est un peu tardivement qu’elle a fait ses débuts à l’écran, l’interprète de Je ne suis qu’une chanson, qui a étudié le jeu avec Lee Strasberg, en Californie, de 1974 à 1976. «C’était après deux grosses peines d’amour. J’avais décidé d’aller vivre ailleurs. J’avais pris beaucoup de poids, et je pensais que je n’étais capable de faire que deux choses dans la vie: chanter et faire du ménage. Strasberg m’a confirmé que, quand je montais sur scène, je prenais toute la place et que cela n’avait rien à voir avec ma corpulence. Il m’a recommandée pour jouer dans des films, mais j’ai refusé chaque fois. Pour cela, il m’a dit que j’étais la femme la plus stupide du monde et que je devais apprendre à utiliser le négatif de manière positive.»


C’est en 1992 que les astres ont finalement été favorables à Ginette, l’actrice. Son rôle inoubliable dans Léolo, en matriarche qui accouche d’une tomate contaminée, a vite confirmé que sa présence de diva était aussi vibrante au cinéma que sur scène.
Elle confie avoir rêvé, toute jeune, de devenir une actrice. «J’aimais beaucoup Judy Garland, Barbra Streisand, Steve McQueen, Anthony Hopkins...», évoque la chanteuse, qui a d’abord décliné le rôle que voulait lui offrir Jean-Claude Lauzon.


«Dominique Michel m’a téléphoné en me disant que Jean-Claude Lauzon voulait me rencontrer pour que je joue sa maman. Je trouvais le scénario trop violent, trop dur. J’ai demandé s’il serait possible de changer quelques scènes, comme celle dans les toilettes et celle de l’accouchement de la tomate contaminée. Après avoir tourné la scène où j’étais assise sur la toilette, je suis restée une semaine sans parler à personne : j’avais trop honte.

Transformée à jamais par son baptême à l’écran – «j’ai pris conscience que l’histoire de Léolo était celle de ma jeunesse» – Ginette Reno a poursuivi son parcours d’actrice dans Million Dollar Babies, les téléséries Innocence et Une voix en or, C’t’à ton tour, Laura Cadieux, Mambo Italiano et Le secret de ma mère.


Janette Bertrand, qui lui a confié un rôle dans L’amour avec un grand A, lui a donné la foi en ses dons d’actrice. «Ce rôle a été important pour moi parce que Janette m’a dit d’arrêter d’avoir peur.»


Même si on l’a vue à l’écran pour la dernière fois en 2006 (dans Le secret de ma mère), Ginette Reno n’a pas fini son cinéma. Une suite à Mambo Italiano est dans l’air, dit-elle. Et, si l’occasion se présentait, elle raffolerait de jouer un personnage aux antipodes de la Ginette qu’on connaît bien. «Quand, dans Léolo, j’ai joué la scène où je donne un coup de poêle, Lauzon m’a fit de frapper fort. Ça a fait du bien, c’est écœurant ! Il me semble que ce serait le fun de jouer une femme méchante.»

Victor Loewy: de Fassbinder au Seigneur des anneaux

«L’histoire de mes débuts au cinéma est vraiment moins sexy que vous le pensez», s’amuse Victor Loewy, fondateur de Vivafilm, l’une des premières entreprises indépendantes de distribution de films au Canada (devenue Alliance Communications).

Alors qu’il se destinait à une carrière dans l’hôtellerie, le distributeur de Pulp Fiction et de la trilogie des Lord of the Rings, a fait ses premières armes dans le métier en louant le film The Best of the New York Erotic Film Festival pour la société de films de McGill. Le film a été montré au public à la place Victoria et, peu après, naissait Vivafilm.

«Je trouve que c’est un métier fantastique et aussi un plaisir de faire un travail qui demande de visionner des films et de lire des scénarios. Mais le métier a beaucoup changé : depuis dix ans, le cinéma d’art et essai est complètement mort au Canada», dit celui qui a popularisé ici le cinéma de Margarethe von Trotta, Fassbinder et Ettore Scola.
Celui qui a aussi contribué au rayonnement international de Léolo et du cinéma de Denys Arcand parle de Pulp Fiction, de Quentin Tarantino, comme d’un jalon important de son parcours de distributeur indépendant. «Pulp Fiction a marqué la naissance du cinéma d’auteur de grande envergure. C’est un film phénoménal qui a changé ma carrière et le visage de l’industrie en général.»

Le passionné de cinéma, qui visionne de quatre à cinq films par semaine sur son iPad ou en salle, estime n’entretenir aucune nostalgie des belles années d’un cinéma plus artisanal. «Les gens aujourd’hui aiment les effets spéciaux. On ne va pas retourner en arrière...»