Alors que son autre film, Les aventures de Tintin: Le secret de La Licorne, entreprend sa carrière nord-américaine, Steven Spielberg propose aussi War Horse, un drame épique typiquement «spielbergien».

Sept mois à peine après avoir vu la pièce tirée du roman de Michael Morpurgo à Broadway, Steven Spielberg amorçait le tournage de War Horse (Cheval de guerre en version française).

«J'ai tout de suite ressenti le besoin de porter cette histoire au grand écran, a déclaré le cinéaste au cours d'une conférence de presse tenue récemment à New York. C'était comme une urgence. Cette pièce a agi sur moi comme une catharsis. J'en ai pleuré. Je me suis d'ailleurs ensuite rendu compte que cette histoire faisait beaucoup pleurer les hommes. Quand j'ai lu le roman dont la pièce fut tirée, l'effet fut le même.»

Campé à l'époque de la Première Guerre mondiale, le récit décrit le parcours d'Albert (Jeremy Irvine), fils de fermier britannique, et de son cheval Joey. Très attaché à sa bête, l'adolescent a néanmoins dû s'en séparer le jour où Joey fut vendu, et réquisitionné par l'armée britannique pour joindre la cavalerie. Avec promesse de retrouvailles un jour.

«Il y a quelque chose de très fort dans le lien qu'un être humain peut entretenir avec un animal, précise Spielberg. Il peut même parfois être plus fort que celui qui lie deux êtres humains. Il y a quelque chose de pur, d'innocent, là-dedans. Il n'y a rien à justifier sur le plan de la raison.»

Le cheval Joey évolue toutefois dans des circonstances exceptionnelles, au cours desquelles il se distinguera au point de marquer les vies de plusieurs individus.

«La fin de la Première Guerre mondiale a aussi marqué la fin de l'utilisation des chevaux comme instruments de guerre, ajoute le cinéaste. Des milliers d'hommes sont morts au combat et des milliers de chevaux aussi. Cela dit, je n'ai pas voulu faire un film de guerre. J'ai plutôt voulu évoquer la force de l'esprit humain dans une histoire où un conflit armé est en toile de fond. Les valeurs les plus nobles peuvent surgir même au coeur des époques les plus sombres. Je n'ai pas tourné War Horse comme Saving Private Ryan. Ce film n'est pas réservé aux adultes.»

Plus près du roman

L'éminent scénariste britannique Richard Curtis, aussi cinéaste (Love Actually, Pirate Radio), fut appelé à écrire l'adaptation du roman de Michael Morpurgo. Reconnu surtout comme auteur de comédies (il a amorcé sa carrière à la télé en écrivant des gags pour Rowan Atkinson), Curtis a particulièrement apprécié l'exercice.

«J'ai été surpris que Steven fasse appel à mes services, car j'étais convaincu qu'il me détestait!, raconte en riant le scénariste au cours d'une interview accordée à La Presse. En 1994, le César du meilleur film étranger a été remis à Quatre mariages et un enterrement, dont j'ai écrit le scénario, plutôt qu'à Schindler's List. D'éminents cinéastes ont déclaré que c'était une honte! J'en étais presque gêné. Je croyais que Steven m'en voulait!»

Il n'en était évidemment rien. Spielberg fut même enthousiasmé par les idées soumises par le scénariste britannique.

«Je ne pouvais imaginer un projet plus excitant, mais j'ai été franc dès le départ avec Steven: je ne connais strictement rien à la guerre. Je me sentais quand même assez en confiance pour lui suggérer des idées. Quand on collabore avec quelqu'un qu'on admire depuis tant d'années, il le faut. À l'arrivée, le scénario est plus près du roman que de la pièce.»

L'importance de l'Histoire

Joey le cheval se retrouvant au front, il fallait quand même évoquer la guerre de façon réaliste. Un épisode le montre coincé dans des fils de fer barbelés au milieu d'un no man's land entre les troupes britanniques et allemandes. La scène est saisissante.

«Honnêtement, je ne croyais jamais que des chevaux pouvaient jouer de cette façon!, fait remarquer Steven Spielberg. Nous avons d'abord dessiné sur des planches toutes les scènes du film pour que les entraîneurs des animaux puissent nous dire ce qu'il était possible de faire. À ma grande surprise, la majorité des scènes ont été tournées telles que conçues. Joey s'est même mis à improviser par moments!»

Alors qu'il s'apprête à tourner Lincoln, qui devrait gagner nos écrans dans un an, Steven Spielberg réitère sa foi envers le cinéma comme outil pédagogique.

«Dans les médias, il n'y a plus d'espace pour la mémoire, dit-il. On ne regarde plus jamais le passé pour tenter de comprendre le présent. Or, je trouve qu'il est important de le faire. C'est la raison pour laquelle je me tourne souvent vers des sujets historiques dans mes films ou dans les séries télévisées que je produis.»

War Horse (Cheval de guerre en version française) prend l'affiche le 25 décembre. Les frais de voyage ont été payés par Disney Pictures.