Fidèle à son habitude, Wes Anderson propose un film singulier mettant en vedette une imposante distribution, lequel se déroule à la fois au beau milieu d’un désert du Sud-Ouest américain et dans les coulisses d’un théâtre à Broadway. Vision d’un cinéaste qui aime tourner à l’ancienne dans un esprit de troupe.

Au Festival de Cannes, où Asteroid City était en lice pour la Palme d’or, Wes Anderson a déclaré avoir réalisé pendant le tournage que sa volonté de faire un film découle principalement de son amour des acteurs. « Ce sont eux qui me font comprendre pourquoi je fais ce métier », avait-il alors déclaré.

Bande-annonce d’Asteroid City

Les acteurs lui rendent bien cette profonde affection, même si, comme l’a souligné Bryan Cranston au cours d’une conférence de presse tenue mardi à Los Angeles, certains d’entre eux doivent relire le scénario plusieurs fois avant de vraiment comprendre ce qu’ils ont à jouer. Aucun d’entre eux ne s’est fait prier, cela dit. Tom Hanks, qui fait ici son entrée dans l’univers du réalisateur de The Grand Budapest Hotel, espérait même cette rencontre depuis longtemps. « Il n’y a pas un seul film de Wes Anderson dans lequel je n’aurais pas voulu jouer ! », a-t-il confié.

Un film né de trois choses

Asteroid City, dont le cinéaste signe le scénario avec Roman Coppola, a d’ailleurs été écrit spécifiquement pour un acteur : Jason Schwartzman. À l’âge de 18 ans, ce dernier a fait ses débuts au cinéma dans Rushmore et a retrouvé Wes Anderson six fois par la suite. « Il est assez rare d’avoir la chance de connaître quelqu’un sur une aussi longue période, a fait remarquer le comédien. La beauté de notre relation est que l’étincelle de notre première rencontre est toujours là ! »

PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES CANADA

Bryan Cranston incarne le présentateur d’une émission de télévision dans Asteroid City, film de Wes Anderson.

De son côté, Wes Anderson a expliqué qu’Asteroid City était essentiellement né de trois choses. La première est le désir que Roman Coppola et lui ont eu d’écrire pour Jason Schwartzman. Ils ont souhaité placer l’acteur au centre d’une histoire et lui attribuer un type de rôle qu’il n’avait encore jamais joué.

« On ne savait pas trop où on s’en allait, mais nous avions quand même une idée de la direction que prendrait le personnage, a ajouté le cinéaste. La deuxième chose était d’écrire une histoire ayant pour cadre le monde du théâtre à Broadway dans son âge d’or, les années 1950. La troisième chose était de montrer avec des couleurs vives et du cinémascope ce dont parle la pièce qui est en train de se fabriquer à New York. »

Nous voulions cette interaction entre le monde en noir et blanc que décrit la télévision de l’époque et la grandeur d’un western très coloré.

Wes Anderson

Du cinéma dans le théâtre, du théâtre dans la télé…

Récapitulons. Asteroid City, qui doit son nom au gros cratère formé après la chute d’une météorite en plein désert, est une petite ville inventée qu’on met en vedette dans une pièce de théâtre qu’on prépare à Broadway. Celle-ci fait l’objet d’un reportage à la télévision (le présentateur est Bryan Cranston), d’où l’utilisation du noir et blanc. En cette année 1955, on suit ainsi le parcours d’enfants surdoués invités à Asteroid City pour présenter leurs inventions à une délégation de militaires et d’astronomes au moment où des essais nucléaires ont lieu tout juste à côté. Sans oublier la visite d’un extraterrestre…

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Wes Anderson, Jason Schwartzman et Tom Hanks sur le plateau d’Asteroid City

Il est à noter que ce récit, profondément ancré dans l’histoire des États-Unis, a été tourné en… Espagne. Cette décision d’installer le plateau d’Asteroid City au pays de Pedro Almodóvar est née de la volonté de Wes Anderson de tourner « à l’ancienne » avec de vrais acteurs, dans de vrais décors.

« Nous aurions sans doute pu faire plusieurs choses en postproduction, mais j’estime que l’expérience n’est alors plus la même pour les acteurs, avait expliqué Wes Anderson à Cannes. Je trouve que l’effort d’utiliser de vrais espaces en vaut la peine. J’avoue ma préférence pour les vieilles techniques, et jamais l’utilisation d’un écran vert ne m’a traversé l’esprit. Je crois que la façon dont nous avons travaillé s’apparente davantage au cinéma des années 1930. »

Une expérience unique

Et comment se fait-il que son amour du théâtre et des acteurs ne l’ait encore jamais conduit à mettre en scène une pièce ?

« C’est à peu près la seule chose que je n’ai encore jamais faite parce que j’en ai peur, admet Wes Anderson. Il faut d’abord réserver un théâtre avant de commencer les répétitions. La date de présentation est fixée d’avance et vous devez livrer quelque chose, que ça vous plaise ou non. Ça me préoccupe. J’aime retourner dans une salle de montage pour fignoler et m’assurer que tout est bien. Impossible de faire ça au théâtre ! »

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Scarlett Johansson fait aussi partie de l’imposante distribution d’Asteroid City, film de Wes Anderson.

Rappelons qu’en plus de Jason Schwartzman, Tom Hanks et Bryan Cranston, Asteroid City met en vedette Scarlett Johansson, Jeffrey Wright, Tilda Swinton, Edward Norton, Adrien Brody, Hope Davis, Steve Carell et Matt Dillon. Pour ne nommer qu’eux.

Retrouvant un cinéaste avec qui elle a déjà travaillé en prêtant sa voix à l’un des personnages du film d’animation Isle of Dogs, Scarlett Johansson, qui incarne ici un double rôle, estime que le sentiment de camaraderie qui s’installe entre tous les interprètes constitue le caractère particulier de ce genre d’aventure. « Tout le monde est présent et se rend disponible, ce qui est assez inhabituel, soutient-elle. Nous sommes ainsi tous à l’affût et nous ne perdons pas notre erre d’aller pendant les périodes d’attente. Je crois que c’est ce qui rend le plateau de Wes si vivant, unique et stimulant. »

Asteroid City prendra l’affiche le 23 juin.

Qui est Wes Anderson ?

  • Né le 1er mai 1969 à Houston, au Texas, et diplômé en philosophie, Wes Anderson a lancé Bottle Rocket, son premier long métrage, en 1996. Owen Wilson et Luke Wilson, de grands amis, étaient déjà de la partie.
  • Wes Anderson s’impose dès Rushmore, sorti deux ans plus tard. Ce deuxième long métrage annonce en outre des associations fructueuses avec Jason Schwartzman et Bill Murray, deux de ses acteurs fétiches. Son plus grand succès public est The Grand Budapest Hotel, sorti en 2014.
  • Asteroid City est le 11e long métrage de Wes Anderson. Lancé au Festival de Cannes, le film a suscité beaucoup de commentaires enthousiastes dans la presse anglo-saxonne, moins dans la presse internationale.