(Paris) Après avoir bûché en vain sur l’écriture d’un roman qui n’a jamais vu le jour, Nicolas Bedos a transposé ses idées dans un film inspiré de la façon dont il voyait le monde quand il avait 20 ans. C’était l’époque où, dit-il lui-même, il se noyait dans l’oisiveté et l’argent des autres. En résulte Mascarade, une comédie grinçante où personne n’a le beau rôle. Rencontre.

Nicolas Bedos le dit sans ambages : il croit être un romancier raté. Au moins trois tentatives d’écriture sous cette forme ont échoué. À 43 ans, il n’a pas encore dit son dernier mot sur ce plan, mais le cinéma occupe davantage son esprit par les temps qui courent. Mascarade est le quatrième long métrage que signe à titre de cinéaste celui à qui l’on doit Monsieur et Madame Adelman, La belle époque et OSS 117 : Bons baisers d’Afrique.

« Je suis plus indulgent envers moi-même quand je parle de cinéma parce que je crois que j’y suis davantage à mon affaire », explique-t-il au cours d’un entretien qu’il nous a accordé dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance. « J’écris un scénario avec plaisir, avec même, j’oserais dire, une certaine facilité. Quand j’écris un roman, j’ai plutôt l’impression de creuser un trou près de la mer avec de l’eau qui s’infiltre constamment de partout. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi. »

Tout un monde

L’idée de Mascarade découle de la vision d’un monde que Nicolas Bedos a pu observer à l’époque de sa jeunesse insouciante. Sans avoir vécu lui-même les turpitudes évoquées dans son film, il connaît néanmoins assez bien ce monde pour avoir pu imaginer cette galerie de personnages antipathiques, où personne ne se présente pratiquement sous son vrai jour. Pierre Niney incarne un jeune gigolo se faisant entretenir par des femmes plus mûres, qui trouve en une sublime arnaqueuse (Marine Vacth) non seulement une amoureuse, mais aussi une fidèle complice avec qui il pourra orchestrer un coup fumant.

« J’ai côtoyé ce monde de près et j’en garde des souvenirs extrêmement malheureux, confie celui ayant déjà signé quelques pièces de théâtre et de nombreuses chroniques. J’étais complètement nul à cette époque et je traînais dans de grandes maisons où j’étais plus ou moins invité par une petite amie. Je ne suis pas très à l’aise avec cette période de ma vie et je crois que c’est la raison pour laquelle j’ai eu envie d’en parler de façon très noire, très sombre. »

J’aime ces films qui nous montrent comment l’amour et le monde peuvent parfois être un peu dégueulasses. On en ressort en se disant que finalement, on est content d’avoir sa vie et pas celle-là !

Nicolas Bedos

Nicolas Bedos a d’ailleurs l’impression que son nouveau long métrage, où l’on retrouve notamment Isabelle Adjani, François Cluzet, Emmanuelle Devos, Laura Morante et Charles Berling, est encore plus pertinent aujourd’hui qu’au moment où il l’a écrit. En quelques années, le monde semble en effet s’être radicalisé au point où on le retrouve maintenant fracturé dans tous les domaines.

PHOTO FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

François Cluzet fait partie de la prestigieuse distribution de Mascarade.

« Qu’il s’agisse d’allégeance politique, de classes sociales, de générations ou de rapports humains, tout est maintenant très violent et irréconciliable en apparence. On ne partage plus rien. Ça m’a poussé à écrire un film encore plus cruel. La pandémie nous a forcés à l’isolement. Les jeunes se retrouvent aujourd’hui davantage sur TikTok que devant des cafés, avec cette conscience que leurs parents et leurs grands-parents ont connu une époque quand même plus douce que la leur. C’est aussi pendant la pandémie qu’une partie de la société s’est mise à détester ardemment l’autre partie. »

Une personnalité médiatique

Ancien polémiste, Nicolas Bedos est une personnalité très prisée des médias. Lancé l’an dernier au Festival de Cannes, où il a été présenté hors compétition, Mascarade a suscité des réactions très contrastées auprès des critiques français. Certains l’ont encensé, d’autres l’ont en revanche voué aux gémonies. Au point où, à un certain moment, on ne sait plus trop si on parle de l’œuvre ou de l’homme…

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Marine Vacth est la vedette féminine de Mascarade.

« Il va me falloir du temps pour comprendre ce qui s’est passé, reconnaît-il. En France, la critique est extrêmement idéologique. On peut presque savoir qui va écrire un bon papier et qui va en écrire un mauvais avant même de montrer le film. La presse dite de gauche, à quelques exceptions près, refuse d’emblée les productions disposant d’un bon budget et de vedettes. Ils confondent la critique du bling-bling qu’il y a dans le récit avec le bling-bling lui-même. Alors ils tapent. »

Malgré certains écueils, cette grande visibilité médiatique comporte cependant des avantages à ses yeux.

« Tous les jours, des gens m’arrêtent dans la rue et j’estime qu’il s’agit d’un grand privilège, car peu de metteurs en scène ont ce genre de notoriété. J’ai aussi facilement accès aux médias. On va ainsi parler de moi beaucoup, mais en mal parfois. Ça fait partie du jeu. »

Mascarade prend l’affiche le 19 mai.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Qui est Nicolas Bedos ?

  • Fils de l’humoriste Guy Bedos, Nicolas Bedos s’impose d’abord en écrivant plusieurs numéros pour son père, ainsi que des pièces de théâtre.
  • Dans les années 2010, il signe plusieurs chroniques et billets d’humeur dans différents journaux et magazines, en plus de participer régulièrement à des émissions de télévision (Semaine critique !, On n’est pas couché).
  • En 2017, Nicolas Bedos signe Monsieur et Madame Adelman, son premier long métrage à titre de scénariste (il coécrit son scénario avec Doria Tillier) et réalisateur. Mascarade est son quatrième film.