De passage à Montréal, Emmanuel Mouret présente au festival Cinemania son 11e long métrage. Mettant en vedette Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, Chronique d’une liaison passagère relate l’évolution d’une relation adultère qui, au départ, devait être uniquement basée sur le plaisir. Entretien avec un cinéaste qui n’a de cesse d’explorer les différentes facettes du sentiment amoureux.

Après Mademoiselle de Joncquières et Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, vos deux films précédents, Chronique d’une liaison passagère suscite de nouveau un grand engouement, notamment auprès de la critique. Maintenant que vous en êtes à plus de 10 longs métrages, avez-vous le sentiment d’être en pleine possession de vos moyens ?

J’ai eu beaucoup de chance au fil des ans et j’ai toujours essayé de faire de mon mieux. Il y a aussi que je travaille avec la même équipe depuis très longtemps. Pour moi, c’est important. Film après film, on continue ensemble, comme une recherche qui évolue constamment. J’essaie simplement de faire un cinéma « classique », tout en y mettant ma sensibilité, et surtout les questions que je me pose. Je tâtonne, je m’interroge, mais je n’ai jamais le sentiment d’être en possession de mes moyens, bien au contraire. Quand on commence un film, on ne sait pas du tout à quoi il va ressembler. Avec le temps, on accepte peut-être un peu mieux cet aspect des choses.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Chronique d’une liaison passagère est le 11e long métrage d’Emmanuel Mouret.

Au moment de l’écriture du scénario, vous devez quand même bien penser à ce que donnera votre histoire en images, non ?

Justement, non. On ne peut pas imaginer de façon concrète. Cette opération mentale n’est pas possible. Quand on écrit, on a des envies, mais tout reste quand même très flou. Je dis d’ailleurs souvent qu’un scénario est très loin d’être un film. C’est un peu comme une pièce de répertoire qui peut être mise en scène de mille façons différentes au théâtre. À mes yeux, choisir les comédiens, les décors, les musiques, mettre en scène et faire le montage sont toutes des étapes faisant également partie de l’écriture. Plutôt que de tenter de reproduire ce qu’on aurait pu imaginer, on assiste véritablement à l’apparition de quelque chose. Et ça, c’est très stimulant.

Vous évoquez la notion d’envies. Doit-on la naissance de Chronique d’une liaison passagère à un désir particulier de votre part ?

J’aimais beaucoup cette idée de départ, avec ces deux amants qui décident de se voir seulement pour le plaisir, de ne rien projeter ensemble, et de se lancer dans une relation qui se passe très bien, même si elle peut s’arrêter abruptement du jour au lendemain. Évidemment, un élément de suspense intervient à partir du moment où des sentiments apparaissent. Est-il possible d’avoir une relation qui marche bien avec quelqu’un quand le plaisir en est le seul élément ? Je trouvais cette question intéressante. J’avais aussi cette envie d’une histoire qui avance par bonds, par ellipses.

PHOTO FOURNIE PAR K-FILMS AMÉRIQUE

Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne dans Chronique d’une liaison passagère

Vous cosignez le scénario avec l’acteur Pierre Giraud, qui n’en avait encore jamais écrit…

Il y a quelques années, j’ai animé un atelier d’écriture auquel Pierre a participé, et l’exercice était d’inventer une conversation entre deux personnages. Ce qu’il a écrit m’a beaucoup plu. Nous avons continué à correspondre ensuite et une ébauche de scénario a pris forme. Pierre m’a permis d’en faire une adaptation et je suis parti écrire Chronique d’une liaison passagère de mon côté en m’en inspirant.

Avec l’élégance qui vous caractérise, vous arrivez à évoquer une relation purement charnelle, du moins au départ, de façon pourtant très pudique.

C’est qu’il n’y a pas vraiment de raison d’ajouter des scènes de sexe si elles ne comportent aucun suspense. Quand Paul Verhoeven en filme dans Basic Instinct, c’est parce qu’on risque de se prendre un pic à glace dans le dos ! Dans mon film, le suspense est plutôt dans les dialogues.

PHOTO PASCAL CHANTIER, FOURNIE PAR K-FILMS AMÉRIQUE

Une scène de Chronique d’une liaison passagère

Sandrine Kiberlain, qui a tourné avec vous pour la première fois, et Vincent Macaigne, l’un des interprètes du film Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, forment un couple de cinéma formidable. Avez-vous vite pensé à eux ?

Vincent a été là dès le départ, dès la première lecture. Quand j’ai décidé de travailler avec lui, j’ai un peu passé en revue les actrices avec qui il pouvait former un bon couple. Sandrine s’est imposée comme une sorte d’évidence. Vincent et Sandrine ont aussi un point commun qui me plaisait beaucoup : leur humour. Tous deux peuvent être à la fois très drôles et très touchants.

D’entrée de jeu, vous établissez une atmosphère particulière en nous faisant entendre La javanaise, chanson classique écrite par Serge Gainsbourg et interprétée par Juliette Greco.

C’est une merveilleuse idée qu’a eue le monteur [Martial Salomon]. « Nous nous aimions le temps d’une chanson » collait parfaitement au propos du film. Une relation peut être courte dans sa durée, mais vivre ensuite très longtemps dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue. C’est très beau !

Chronique d’une liaison passagère sera présenté au festival Cinemania de Montréal en présence du cinéaste. Il prendra l’affiche le 18 novembre.

Consultez la fiche du film à Cinemania