Les deux plus récents longs métrages d’Arnaud Desplechin seront présentés dans le cadre du festival Cinemania avant de prendre l’affiche dans la foulée. Tromperie, une adaptation d’un roman de Philip Roth, et Frère et sœur n’ont cependant rien en commun, sinon le regard d’un cinéaste dont la démarche est de plonger au cœur de la complexité des sentiments.

Quand la pandémie a frappé, il y a maintenant presque trois ans, le scénario de Frère et sœur, qu’Arnaud Desplechin était en train de rédiger avec Julie Peyr, sa complice d’écriture depuis une dizaine d’années, avait déjà bien pris forme. Le personnage qu’incarne Marion Cotillard étant une actrice exerçant son métier au théâtre devant un public, il était cependant impossible d’aller de l’avant et d’organiser un tournage.

« Je n’avais surtout pas envie de filmer des spectateurs portant des masques parce que je vais au cinéma pour être ivre de visages, explique le cinéaste au cours d’un entretien en visioconférence accordé à La Presse. Je me suis donc dit que je devais trouver quelque chose de plus léger et d’immédiat. J’avais ce vieux projet qui traînait – Tromperie – que nous pouvions tourner dès que les plateaux seraient ouverts. Ces deux films ont été tournés dans un temps tellement rapproché qu’il doit sans doute y avoir à mon insu des traits communs, mais je vois pourtant tout ce qui les sépare. »

Retrouvailles avec deux grandes actrices

Tromperie est une adaptation du roman que Philip Roth a publié en 1994, huis clos se déroulant essentiellement dans le bureau de l’écrivain américain, à Londres en 1987. Léa Seydoux incarne la maîtresse du célèbre auteur, interprété par Denis Podalydès, et l’histoire est essentiellement construite autour des conversations qu’ont les deux amants. Tourné en français, Tromperie a été conçu pour Léa Seydoux, covedette de Roubaix, une lumière, le film précédent du cinéaste.

« Si Léa n’avait pas accepté le rôle, je n’aurais pas fait Tromperie », indique Arnaud Desplechin.

D’ailleurs, s’il existe un point commun entre les deux films, c’est celui de retrouvailles avec deux très grandes actrices, Léa et Marion. L’envie de filmer Léa sous tous les angles et dans toute sa complexité pour Tromperie, et, pour Frère et sœur, celle d’offrir à Marion un rôle incroyablement difficile, d’où elle sortira gagnante parce qu’elle a cette faculté de pouvoir sauver tout ce qu’elle touche.

Arnaud Desplechin

Dans Frère et sœur, Marion Cotillard, qui tourne ici son troisième long métrage sous la direction d’Arnaud Desplechin (après Comment je me suis disputé… [ma vie sexuelle) et Les fantômes d’Ismaël), se glisse dans la peau d’une femme qui, à l’orée de la cinquantaine, doit renouer malgré elle avec un frère (Melvil Poupaud) pour qui elle éprouve un sentiment de haine depuis 20 ans. S’inscrivant dans l’espèce de feuilleton des Vuillard, sorte de famille élargie présente dans quelques films depuis Rois et reine, Frère et sœur creuse encore davantage un thème déjà présent dans Un conte de Noël. Il est à noter que le public de Cinemania aura aussi l’occasion de revoir Rois et reine et Un conte de Noël.

« J’ai eu énormément de plaisir à faire Un conte de Noël parce qu’il partait dans tous les sens, souligne Arnaud Desplechin. J’y rapprochais des choses qu’on ne rapproche pas habituellement, comme un maelström dans lequel on sautait du coq à l’âne. Là, j’avais envie de me lancer dans un film obsédé par une seule question, un peu comme a fait François Truffaut avec La chambre verte. J’ai voulu explorer ce thème de la colère, de la haine et de la peur en allant jusqu’au bout. Après le tournage de Frère et sœur, je me suis dit que j’en avais maintenant fini avec la famille Vuillard ! »

La question de la colère

Cette façon d’explorer un sentiment dont on traite plus rarement, sans tomber dans la facilité et les idées reçues, fait de Frère et sœur un drame plus sombre, dont le point de départ est, au dire du cinéaste, violent et brutal.

« J’ai très certainement vu trop de films d’Ingmar Bergman, mais je le revendique ! indique Arnaud Desplechin. Nous sommes parfois pris dans des passions tristes et le pire des sentiments qui en découle est l’amertume. Bergman a su montrer l’amertume, mais avec cette morale – qui est la sienne – selon laquelle tous ces mauvais sentiments que nous avons en nous ne résument pas l’être humain que nous sommes. »

Du coup, j’avais une envie – peut-être est-ce dû à mon âge [62 ans] ? – de régler par des moyens de cinéma cette question de la colère, qui est toujours une perte de temps.

Arnaud Desplechin

Célébrant cette année son 30e anniversaire de cinéma (La sentinelle, son premier long métrage, est sorti en 1992), Arnaud Desplechin éprouve à cet égard un sentiment de vertige.

« Je ne revois jamais mes films, et, pourtant, je les connais par cœur et ils continuent à m’habiter. Ma motivation à faire du cinéma est peut-être aujourd’hui encore plus vive qu’il y a 30 ans. Avec le temps, je mesure bien la chance qui est la mienne. »

Tromperie et Frère et sœur seront présentés au festival Cinemania en présence du réalisateur et prendront ensuite l’affiche le 11 novembre au cinéma du Musée. Ils seront offerts sur Crave dès le 13 novembre.

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