Elle a produit plusieurs des longs métrages ayant marqué le cinéma québécois au fil des décennies. De Requiem pour un beau sans cœur (Robert Morin) à la trilogie de Ricardo Trogi (1981, 1987 et 1991) en passant par Tout est parfait (Yves Christian Fournier) et même, à la télé, la série La vie, la vie, Nicole Robert célèbre cette année son 40e anniversaire de vie professionnelle à titre de productrice. À l’occasion de la sortie de Chien blanc, d’Anaïs Barbeau-Lavalette, rencontre avec une passionnée de cinéma.

Comment le cinéma est-il entré dans votre vie ?

J’ai d’abord été attirée par les arts visuels. Je me suis d’ailleurs inscrite à l’École des beaux-arts en peinture et en sculpture. J’ai aussi étudié en graphisme. C’est par cette voie que je suis arrivée au cinéma, un art qui faisait déjà partie de ma vie à titre de spectatrice. À cette époque, je n’aurais cependant jamais pu imaginer produire des films. À la fin de mes études, je me cherchais désespérément un emploi et j’ai été candy girl au Théâtre Outremont !

Comment en êtes-vous venue au cinéma d’animation ?

Une amie avait mis un projet collectif sur pied dans le cadre du programme Perspective jeunesse, qui consistait à réaliser un film d’animation à partir de la chanson Québec Love, de Robert Charlebois. Le succès de ce clip a stimulé la fibre entrepreneuriale en moi. Au moment où je commençais à mettre sur pied ma compagnie, toujours en mode collectif, j’ai rencontré Rock Demers, qui s’apprêtait alors à fonder les Productions La Fête avec ses Contes pour tous. Il m’a d’abord demandé de m’occuper des produits dérivés, ce qui ne me tentait pas vraiment, pour ensuite m’offrir de produire La guerre des tuques avec lui. Je ne savais pas en quoi consistait la fonction, mais j’ai accepté. Et comme je devais quitter ma propre entreprise, Rock m’a offert la vice-présidence des Productions La Fête. Cette aventure fut exceptionnelle.

Après avoir produit La guerre des tuques et Opération Beurre de pinottes, vous avez cependant quitté la société. Pourquoi ?

Les Contes pour tous, c’était surtout le projet de Rock. Or, la productrice en moi s’est réveillée et j’ai ressenti le besoin de lancer mes propres projets en fondant Lux Films. Le tout premier long métrage de ma société fut Laura Laur, une adaptation d’un roman de Suzanne Jacob, réalisée par Brigitte Sauriol. J’y ai investi tout ce que j’ai pu, mais l’accueil fut difficile. J’ai ensuite pu produire Requiem pour un beau sans cœur. Même s’il ne fut pas un grand succès public, ce film a été important, d’autant qu’il marque pour moi une rencontre extraordinaire avec Robert Morin, pour qui j’ai aussi produit Windigo.

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Patrice Robitaille et Stéphane Breton dans Québec-Montréal, de Ricardo Trogi. Il s’agit du premier film millionnaire dans la carrière de la productrice Nicole Robert.

Quel serait alors le premier film que vous avez produit et qui a été à la fois un succès critique et public ?

J’aurais tendance à dire Karmina [de Gabriel Pelletier], mais le premier volet n’a pas vraiment rencontré le public. Karmina 2 a mieux marché. Mais Québec-Montréal [de Ricardo Trogi] a vraiment été un succès sur tous les plans. C’est mon premier film millionnaire. Personne, pourtant, ne l’attendait parce qu’il était fait par une équipe formée de nouveaux artisans – réalisateur et acteurs – alors inconnus. D’ailleurs, aucun distributeur ne voulait de ce film !

Est-ce très différent de produire un long métrage aujourd’hui comparativement à il y a 20 ou 30 ans ?

Tout le système a changé. L’industrie aussi. À l’époque de La guerre des tuques, nous assistions à la naissance de l’industrie du cinéma indépendant, qui passait de l’Office national du film du Canada et de Radio-Canada au secteur privé. Tout le monde apprenait son métier en le faisant. Les gens de talent, très nombreux, ont fait en sorte que l’industrie a connu un essor extraordinaire, mais la conséquence est que le financement n’est pas suffisant. Notre marché reste le même. Cela dit, quoi qu’on en dise, il y a un public pour notre cinéma – l’annulation du Gala Québec Cinéma par notre société d’État est inadmissible – et il rayonne dans plusieurs festivals dans le monde.

Après avoir œuvré 40 ans dans le domaine de la production, qu’est-ce qui vous motive encore et toujours ?

Je pensais qu’en vendant ma société [Go Films], j’allégerais mes tâches, mais je ne parviens pas à me retirer. Je réalise que le cinéma est vraiment ma vie. Je suis encore interpellée par certains thèmes et les questions que je me pose quand on me soumet un projet sont toujours les mêmes : de quoi on parle, qui en parle, et comment. L’expérience humaine compte avant tout !

Chien blanc prendra l’affiche le 9 novembre.