Avec sa vision unique et son approche singulière du cinéma, Denis Côté propose un film explorant avec franchise et délicatesse des thèmes liés à la sexualité, sans aucun jugement moral. Nous avons voulu en discuter avec Larissa Corriveau, Laure Giappiconi et Aude Mathieu, les trois actrices qui, dans Un été comme ça, incarnent de jeunes femmes menant des vies sexuelles « hors norme » aux yeux de la société.

Les jeunes femmes « hypersexuelles » que vous incarnez dans le film acceptent de participer volontairement à un atelier relevant davantage d’une étude que d’une thérapie, au cours duquel elles sont invitées à se retirer à la campagne en compagnie de deux intervenants pendant 26 jours. Comment avez-vous réagi quand Denis Côté vous a fait cette proposition ?

Laure Giappiconi : Connaissant déjà le travail de Denis, j’étais très curieuse de voir comment il allait aborder ces thématiques. Je savais qu’il pouvait déjouer tous les codes et les clichés habituellement associés à l’érotisme au cinéma. Je n’avais aucune appréhension parce que j’ai une confiance totale en lui.

Aude Mathieu : Je suis la dernière arrivée sur le projet. Le rôle étant déjà défini et le scénario étant déjà écrit quand Denis m’a appelée. J’ai davantage abordé mon personnage comme un défi d’actrice, parce qu’il est loin de mon énergie naturelle. Ça me donnait l’occasion d’aller toucher à quelque chose de nouveau.

Larissa Corriveau : J’ai évidemment eu plein d’interrogations au départ, mais il s’agit de mon troisième projet avec Denis [après Répertoire des villes disparues et Hygiène sociale]. Il m’a beaucoup parlé de ses questionnements à propos de la pudeur qu’on retrouve dans le cinéma québécois. Je n’y voyais aucun élan de provocation de sa part, mais plutôt une volonté d’aller explorer les zones du désir sexuel féminin en assumant complètement sa méconnaissance. On a beaucoup parlé. Il a été très ouvert, très attentif aux commentaires de toutes les femmes qui l’ont entouré dans ce projet. J’ai senti chez lui une réelle curiosité envers cette facette de l’expérience humaine.

Une fois sur le plateau, comment cela s’est-il passé concrètement ?

Aude Mathieu : Le fait de tourner dans un même lieu, avec une petite équipe, crée forcément un climat de proximité. Tout a été fait dans le plus grand respect. Nous avions déjà tellement discuté de tous nos questionnements auparavant qu’au moment du tournage, il y avait quelque chose de rassurant.

Laure Giappiconi : Nous avons aussi été impliquées dans le processus créatif, ce qui crée un véritable échange.

Larissa Corriveau : Sincèrement, c’est un privilège de pouvoir s’engager dans un tel dialogue et de travailler avec quelqu’un qui ne précipite rien, ce qui va à l’encontre des tendances de l’industrie. On dirait qu’on a toujours de moins en moins de temps partout, y compris au théâtre, mais Denis résiste. Avec lui, les rencontres s’établissent sur un plan humain avant toute chose.

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4:3

Scène d’Un été comme ça, de Denis Côté

On parle beaucoup de sexualité dans Un été comme ça, il y a aussi beaucoup de nudité, mais jamais montrée dans un contexte érotisant. Vous avez beaucoup discuté de la façon dont vous seriez filmées ?

Larissa Corriveau : Dès le départ, quand Denis m’a dit qu’il y aurait beaucoup de nudité dans son film, j’ai accepté à la condition que la densité humaine des personnages soit égale à la quantité de nudité exposée ! Mais, le connaissant, et connaissant son cinéma, je n’avais pas à hésiter.

Laure Giappiconi : Et puis, Denis sait d’où il vient et il a fait vachement attention. Il a pris beaucoup de précautions. Et nous, on sait ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas. C’est une discussion entre adultes, en fait.

Aude Mathieu : Il y avait aussi la caméra de François [Messier-Rheault], toujours très proche, mais qui ne tombait jamais dans le voyeurisme. On jouait entre nous, les actrices, mais aussi avec la caméra. Toujours dans la bienveillance.

Larissa, votre personnage, Léonie, profite d’une journée de permission pour s’offrir une séance de shibari, art érotique extrême qui s’inspire d’une vieille technique japonaise de ligotage. Cela donne lieu à une scène visuellement et émotivement très forte. Comment l’actrice que vous êtes s’est-elle préparée pour tourner cette scène ?

Larissa Corriveau : Cette scène, un peu à part, a été ma porte d’entrée vers le personnage. C’est pourquoi il n’a jamais été question de recourir à une doublure. Pour tester ma capacité de la faire et voir où se situent mes limites, je me suis soumise à un entraînement pendant presque un an avant le tournage. J’avais évidemment beaucoup d’appréhensions et de préjugés, mais ce que génère cette pratique sur le plan émotif est très fort. À partir du moment où tu es ligotée de cette manière-là, ta vie dépend complètement de la personne qui t’accompagne. Étonnamment, l’idée de ne plus pouvoir rien faire devient alors reposante. C’est comme un abandon total. J’en ai été surprise parce que je n’aurais pas pu le deviner intellectuellement avant de l’expérimenter physiquement. Ce qui est beau dans cette scène, c’est qu’on s’est éloignés complètement des clichés à la Fifty Shades of Grey. J’estime qu’il s’agit de l’une de mes plus belles expériences de tournage, parce qu’elle ne ressemble à rien d’autre. Quand j’ai vu le film, j’ai trouvé la séquence plus étouffante à regarder qu’à faire !

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4:3.

Anne Ratte-Polle, Laure Giappiconi, Josée Deschêne, Larissa Corriveau, Aude Mathieu et Samir Guesmi dans Un été comme ça, de Denis Côté

Que retenez-vous de votre expérience sur ce long métrage ?

Aude Mathieu : Avant le tournage, c’était la grande angoisse, d’autant plus qu’on a tourné les scènes où j’étais seule pendant les deux premiers jours. Dès que j’ai rejoint les autres, j’ai éprouvé un grand sentiment d’apaisement. C’était ma première expérience dans un long métrage et j’essaie maintenant d’appliquer ce que j’ai appris là dans ma vie de tous les jours, notamment sur la notion de confiance. Ce fut pour moi une grande leçon.

Laure Giappiconi : Des tout premiers échanges jusqu’au film fini, en passant par toutes les conversations qu’on a eues et les étapes d’écriture, il y a une sorte de cheminement commun, marqué par une honnêteté, une sincérité, quelque chose de très vrai, que rien ni personne ne peut nous enlever.

Larissa Corriveau : Un sentiment du travail accompli après s’être fait offrir un rôle qui nous oblige à nous pousser dans nos derniers retranchements. Ce film me rend très fière.

Un été comme ça prendra l’affiche le 19 août.