Le film Arlette, réalisé par Mariloup Wolfe, marque le retour de Maripier Morin dans la sphère publique. Dans cette satire politique, la comédienne et animatrice devient ministre. Nous avons rencontré les deux femmes à quelques jours de la sortie du film, le 5 août.

Arlette, c’est l’histoire d’une directrice d’un magazine de mode qui est nommée ministre de la Culture contre toute attente et qui sera la cible de violentes moqueries. Elle réussira à faire sa place dans ce monde politique où règnent les coups bas et les règlements de comptes. Dans ce troisième film de Mariloup Wolfe, scénarisé par Marie Vien, il est question de pouvoir, de rapport à l’image, de manipulation et de défense du livre.

C’est Maripier Morin qui incarne Arlette Saint-Amour. Elle fait avec ce film son retour après les dénonciations dont elle a fait l’objet. Est-ce qu’elle appréhende la sortie du film ? « Oui. Tu aurais dû me voir hier soir : j’étais en larmes, tellement anxieuse à la veille de la rencontre avec les journalistes », confie-t-elle lors de notre entrevue dans les salons de l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth, mardi dernier.

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Maripier Morin lors de notre rencontre pour la sortie du film Arlette.

« C’est un premier rôle, je me suis mise en danger, mais Arlette est comme ça aussi. Elle est frondeuse, pleine de candeur et de résilience, c’est ce qui fait en sorte que l’on continue d’avancer. Arlette mange des claques, elle se relève et continue », dit-elle.

Mariloup Wolfe avait d’autres actrices en tête pour le rôle d’Arlette, puis Maripier Morin a passé l’audition. « Maripier est arrivée avec une vulnérabilité, une fragilité, ça m’a émue. Elle donnait à Arlette une dimension supplémentaire. C’était très fort, et tous ceux qui ont vu les auditions partageaient le même avis. Elle l’a eue dure : quatre auditions ! Elle a fait ses preuves. »

Maripier Morin n’a pas non plus l’impression d’avoir « volé » ce rôle. « Je me suis présentée en audition, j’en ai passé quatre, souligne-t-elle. J’ai bataillé fort, je suis allée au bout, la dernière a duré plus de trois heures. Je suis sortie en sueur, brûlée, j’ai tout donné. »

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Mariloup Wolfe

J’ai fait un choix artistique et je l’assume. Mon choix n’était pas pour provoquer du tout. Elle était revenue travailler à ce moment-là, en 2021. Il y avait eu le tournage de La faille, je ne pensais pas qu’il y aurait une suite à l’affaire.

Mariloup Wolfe

Rappelons qu’après le début du tournage d’Arlette, cinq personnes ont fait état à La Presse de propos racistes, d’attouchements sexuels non sollicités et d’agressions physiques de la part de Mariepier Morin entre 2017 et 2020. Des propos qui n’avaient jamais été rapportés.

Une « bouée » pour Maripier Morin

Le tournage d’Arlette en 2021 a été salvateur pour la comédienne et animatrice. « C’est devenu ma bouée, dit-elle. Mon chum, ma famille ont été très présents dans les deux dernières années, mais professionnellement, j’avais là une motivation. Le tournage d’Arlette me permettait d’incarner un personnage, de prendre une pause de moi-même. Arlette vivait des choses que je n’étais pas capable de gérer. À travers le tournage, j’ai tenté de guérir mon rapport à l’image, le fait de me valoriser seulement dans le regard des autres, de façon maladive. J’aimais des photos de moi magnifiée, mais je me regardais dans le miroir et j’étais une moins que rien : il fallait rétablir cet aspect malsain. »

Elle estime que tout n’est pas réglé, mais qu’elle est sur la bonne voie. Elle dit être consciente des gestes et des comportements déplacés qu’elle a eus et en assume l’entière responsabilité. Elle a admis ses erreurs, a parlé ouvertement de sa consommation de cocaïne et d’alcool. Elle mène désormais une vie équilibrée dans les Cantons-de-l’Est et a donné naissance à Margot le 29 mai dernier.

« Tout se place tranquillement. Je fais attention à ma santé mentale, c’est un travail quotidien, je vais encore à des meetings avec les fraternités anonymes, ça me fait du bien de discuter, de réfléchir. J’ai envie d’avoir une vie heureuse, entourée de la nature et de mes proches, de ma fille et, j’espère, d’un deuxième enfant ! »

Une satire politique en cinq actes

PHOTO LAURENT GUÉRIN, FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Gilbert Sicotte incarne le premier ministre, Maripier Morin est Arlette, David La Haye, le ministre des Finances, et sa femme est jouée par Claudia Ferri.

Mariloup Wolfe a eu 24 heures pour décider si elle plongeait dans le projet, puisque c’est un autre réalisateur qui devait, au départ, faire le film. « J’ai tout de suite aimé le scénario de Marie Vien qui propose un personnage féminin fort à la tête de la Culture dans un monde politique impitoyable, dit-elle. J’ai aimé l’idée que le monde politique est un grand théâtre qui est toujours à recommencer, les références à la cour de Versailles, à Louis XIV. Il y a aussi, dans le scénario, des références à Simone de Beauvoir, à Voltaire. »

« C’est une satire politique en cinq actes avec de la musique baroque et des airs d’opéra, explique la réalisatrice. Je me suis inspirée de films comme Ridicule [de Patrice Leconte] pour le jeu de la cour où on utilise toute sa verve et son esprit pour défendre son point de vue et The Crown pour l’esthétisme, les lumières, le côté glamour. On a tourné dans des lieux magnifiques comme l’Assemblée nationale, le Château Frontenac, le Théâtre Capitole. »

Arlette évolue dans un monde sans pitié, celui de la politique. Mais est-ce que ça aurait pu être celui du showbiz ou de la finance ? « Ce sont des mondes de requins, mais, dans la politique comme dans le showbiz, on suit des personnalités publiques dont les bons coups et les échecs sont observés dans tous les détails », estime Maripier Morin.

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Maripier Morin lors de notre rencontre pour la sortie du film Arlette

Malheureusement, on aime voir les gens tomber. Il y a un côté malsain dans notre curiosité. La téléréalité n’est pas suffisante pour assouvir notre côté voyeur ? C’est inquiétant. On est dur, on a le jugement facile et on n’a pas le pardon facile.

Maripier Morin

Pour la scénariste Marie Vien qui s’est inspirée de ses deux années passées en tant qu’attachée de presse de l’ancienne ministre de la Culture Liza Frulla, la politique est un milieu coupe-gorge où on se fait des coups bas, au sein d’un même gouvernement.

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Paul Ahmarani, Maripier Morin et David La Haye

« C’est très gentil, ce que j’ai écrit, par rapport à la réalité, rappelle-t-elle. La politique est un jeu avec des codes monarchiques qui n’ont pas évolué : on perd, on gagne, on manipule, il y a des guerres de pouvoir. Et quand on est à la Culture, on se rend vite compte qu’on n’a aucun pouvoir, alors j’aime qu’une femme à la Culture souhaite devenir aussi importante que le ministre des Finances. »

Mariloup Wolfe craint-elle que la controverse éclipse le film ? « Mon travail est fait, c’est au public de juger. Mon inquiétude est sur le fait que les entrées en salle diminuent, il faut encourager notre cinéma québécois », lance-t-elle.

Maripier Morin fait valoir la qualité de la distribution qui l’entoure. « Il y a Benoît Brière, Gilbert Sicotte, Paul Ahmarani, David La Haye. Je sens une vague de positivisme par rapport à la sortie d’Arlette, je sens une clémence. Les gens voient que je me soigne, ça me rassure et ça me fait du bien. »

En salle le 5 août