Dans Memory (Mémoire meurtrière), film d’action dont la tête d’affiche est Liam Neeson, Monica Bellucci a l’occasion de se glisser dans la peau d’un personnage plus inhabituel pour elle. Livrant aussi les mots de Maria Callas sur scène depuis trois ans, l’actrice italienne a maintenant le sentiment d’avoir accès à d’autres types de rôles. Et ça la ravit. Entretien.

Elle a 57 ans. Et révèle son âge d’entrée de jeu au détour de la conversation. Comme une espèce de fierté bien assumée d’avoir traversé quelques décennies pour en arriver aujourd’hui à une nouvelle période de sa vie d’actrice, tout aussi riche, tout aussi emballante. Souvent citée parmi les plus belles femmes du monde, Monica Bellucci se livre sans faux-fuyants, à un moment où l’idée de casser son image de déesse ne lui déplairait pas du tout.

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Liam Neeson est la tête d’affiche de Memory (Mémoire meurtrière).

« Dans Memory, j’ai été intéressée – et inspirée – par la dualité du personnage qu’on m’a offert, explique-t-elle au cours d’un entretien téléphonique accordé à La Presse. Il s’agit d’une femme manipulatrice qui, d’un côté, a un côté monstrueux – on pourrait presque la qualifier de sociopathe –, mais qui, sous d’autres aspects, est très humaine. Bien sûr, j’avais envie de jouer avec Liam Neeson, sous la direction de Martin Campbell [Casino Royale], mais j’ai aussi accepté ce rôle parce que je voulais rompre un peu le moule. Prendre de l’âge se traduit pour moi par de nouvelles possibilités en tant que comédienne. Bien sûr, la beauté est une protection, mais elle peut aussi parfois devenir une prison. »

Le luxe du choix

Elle affirme être bien consciente de sa chance. Et rend grâce au ciel d’avoir encore le luxe de choisir ses rôles.

« Même si les choses ont changé et qu’il est moins compliqué qu’avant pour les actrices plus mûres d’obtenir des rôles qu’à l’époque où elles étaient pratiquement mises de côté dès qu’elles atteignaient la quarantaine, ça reste quand même une grande chance d’être encore là, d’avoir encore plein de beaux rôles devant moi. C’est vraiment lié à notre génération, je crois. »

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Monica Bellucci incarne un personnage plus sombre dans Memory (Mémoire meurtrière).

Sans vouloir faire de généralités, elle estime qu’à cet égard, les actrices européennes semblent être plus choyées.

« J’ai tourné des films anglo-saxons et américains, mais je n’ai jamais fait partie du système hollywoodien, fait remarquer celle qui a en outre joué dans The Matrix et Spectre. Je n’ai jamais vécu aux États-Unis non plus. »

Et il est vrai que quand on regarde toutes ces actrices merveilleuses que sont, par exemple en France, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Nathalie Baye, Charlotte Rampling et bien d’autres, on se rend compte qu’elles ont toujours accès à de très grands rôles. Même chose en Angleterre pour Judi Dench ou Helen Mirren. J’ai le sentiment qu’en Europe, on permet davantage aux actrices d’avoir de longues et belles carrières.

Monica Bellucci

Les mots de Maria Callas

Monica Bellucci a aussi ajouté récemment une nouvelle forme de représentation à son art. Il y a trois ans, le metteur en scène Tom Volf, jeune spécialiste de la vie de Maria Callas ayant notamment consacré un livre et un long métrage documentaire à la cantatrice à partir des propres écrits de cette dernière, a proposé à l’actrice de monter sur scène. Dans Lettres et mémoires, Monica Bellucci prête sa voix aux mots de Maria Callas, dans un spectacle à caractère intimiste qui peut aussi se transformer en version orchestrale sur les plus grandes scènes.

« Je n’avais jamais fait de théâtre auparavant, révèle-t-elle. J’ai accepté tout de suite, même si j’avais très peur. Je ne pouvais pas dire non à un tel cadeau. J’ai joué pour la première fois dans la petite salle du Théâtre Marigny, à Paris, à l’automne 2019. Pendant le confinement, nous avons décidé d’adapter le spectacle en italien afin que je puisse aller le présenter dans mon pays. Je ressens toujours une très grande émotion, chaque fois que je monte sur scène. C’est très particulier comme sensation. Il y a quelque chose de tellement sincère, vrai, artisanal dans le processus, qu’il n’en résulte que du beau, même si c’est terrifiant ! »

PHOTO LOUISA GOULIAMAKI, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’an dernier, Monica Bellucci est montée sur la scène de l’Odéon d’Hérode Atticus, au pied de l’Acropole à Athènes, afin de présenter la version avec orchestre des Lettres et mémoires de Maria Callas.

Dès qu’elle a pu, l’actrice est allée présenter Maria Callas – Lettres et mémoires en Italie. Elle s’est également rendue en Grèce pour présenter la version avec orchestre sur la scène de l’Odéon d’Hérode Atticus, au pied de l’Acropole. Une adaptation en anglais a par ailleurs été faite en vue d’une éventuelle tournée en Amérique, pendant laquelle elle souhaiterait ardemment faire escale à Montréal. Mais à ses yeux, la version la plus « émotive » de la pièce reste celle qu’elle rend dans la langue de Dante, aussi la sienne.

« Quand j’ai présenté le spectacle à Rome, j’ai été très touchée, bouleversée même, parce que la ville m’est très chère et que j’y connais plein de gens. Ça m’a fragilisée un peu plus émotionnellement qu’ailleurs. Quand je joue en français ou en anglais, le travail est peut-être un peu plus difficile, mais en même temps, la langue me sert de filtre protecteur, on dirait. »

L’actrice voit l’occasion de faire revivre une femme aussi inspirante que Maria Callas comme un grand honneur.

« Je vis une grande expérience en la faisant revivre sur scène, confie Monica Bellucci. Elle était si forte et si fragile à la fois. Le fait que je sois maintenant une femme plus mûre me fait maintenant comprendre des aspects de la vie de cette femme que je n’aurais sans doute pas compris de la même façon quand j’étais plus jeune. Avec l’âge, on accède à des rôles différents. C’est ce qui se passe aussi pour moi au cinéma. Et j’en suis fort heureuse. »

Memory (Mémoire meurtrière en version française) prendra l’affiche le 29 avril.