Dans le troisième long métrage dont il signe aussi la réalisation, le célèbre dramaturge Aaron Sorkin (The Social Network) replonge à l’époque d’I Love Lucy, légendaire comédie de situation mettant en vedette Lucille Ball. Nicole Kidman a eu le double défi d’incarner la mythique comédienne, devant et derrière le décor.

Au cours des années 1950, l’Amérique entière — ou presque – prenait une pause le lundi soir pour se délecter des déboires de Lucy Ricardo. Cette femme au foyer (comme on disait à l’époque) n’hésitait pas à utiliser toutes les ressources de son imagination fertile pour tenter de s’accomplir et de repousser les limites imposées à l’époque, tout en faisant rire à gorge déployée les millions de téléspectateurs qui la regardaient.

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Nicole Kidman et Javier Bardem dans Being the Ricardos

Pionnière dans son domaine, n’hésitant pas à diriger elle-même son plateau, Lucille Ball a pu exercer un pouvoir qui, au temps où la télévision en était encore à sa première décennie d’existence, était encore très rarement attribué à des femmes. Toujours intéressé par le monde de la politique et des médias, Aaron Sorkin, un an après The Trial of the Chicago 7, propose une visite dans les coulisses de la populaire émission, dont le premier des 180 épisodes fut diffusé par la chaîne CBS il y a 70 ans.

« Ce film lève le voile, non pas sur l’émission I Love Lucy, mais plutôt sur la personne qu’était Lucille Ball, sur la façon dont elle s’y est prise pour faire valoir son génie », a déclaré Nicole Kidman au cours d’une courte conférence de presse virtuelle tenue récemment.

Le récit ne raconte pas sa vie de la naissance à la mort — nous ne sommes pas dans ce genre de film biographique. Aaron s’est concentré sur une série d’évènements marquants de son existence pour mieux révéler cette femme dans son essence.

Nicole Kidman

Parmi les moments marquants auxquels le long métrage fait écho, il y a ce combat pour apparaître enceinte à la télévision alors que le mot était même interdit d’antenne. Puis, cette révélation par un journal à propos de ses prétendues accointances avec le parti communiste, sacrilège à une époque maccarthyste au cours de laquelle de nombreux artistes ont été relégués à une liste noire pour cause d’activités antiaméricaines. Sans oublier les rumeurs d’infidélité de son mari, Desi Arnaz, partenaire de vie, d’affaires et de jeu.

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Javier Bardem et Nicole Kidman dans Being the Ricardos

Plusieurs défis à relever

Mettant aussi en vedette Javier Bardem (Desi Arnaz), Nina Arianda et J.K. Simmons (ces derniers campent les acteurs jouant Ethel et Fred, voisins et meilleurs amis des Ricardo), Being the Ricardos a constitué un défi particulier pour les quatre interprètes principaux, dans la mesure où ils ont dû incarner à la fois les personnages de comédie, et leurs interprètes dans la vie réelle.

Quand on m’a fait parvenir le script, je n’étais pas trop certaine par rapport au projet, mais dès que j’ai commencé à le lire, je ne pouvais plus le lâcher. Ce scénario est extraordinaire !

Nicole Kidman

Emportée par son enthousiasme, l’actrice n’avait cependant pas vraiment mesuré ce à quoi elle s’était engagée en acceptant le rôle. La combinaison Aaron Sorkin et Lucille Ball étant irrésistible à ses yeux, Nicole Kidman trouvait là une belle occasion de travailler un grand rôle alors que le monde était plongé dans une pandémie.

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Javier Bardem et Nicole Kidman lors de la première de Being the Ricardos, tenue le 6 décembre à Los Angeles

« Ce n’est qu’une semaine après avoir donné mon accord que ça m’a frappé, explique la comédienne. J’essayais simplement, très progressivement, de trouver la voix de Lucille, et tout ça me semblait alors inatteignable. Je me disais que j’aurais aimé avoir ce talent, que je n’avais pas. Heureusement, j’ai eu droit à quelques mois de préparation et j’ai pu m’y prendre lentement, méticuleusement et méthodiquement. Cette approche est plutôt inhabituelle pour moi parce que je travaille toujours de l’intérieur. Or, l’intérieur était déjà là. Je pouvais m’identifier à Lucille et ressentir ses états d’âme parce que tout était tellement bien écrit. »

Gérer les insécurités

Nicole Kidman dit être reconnaissante envers Aaron Sorkin. Ce dernier a su gérer les insécurités de la vedette de Moulin rouge, y compris les moments de panique.

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Alia Shawkat, Nicole Kidman et Nina Arianda dans Being the Ricardos

« Aaron m’a envoyé un mot me disant que j’avais à prendre le tout au jour le jour, qu’il ne voulait surtout pas une imitation. “Je veux que tu fasses le travail que je sais que tu peux faire et que tu vas faire, m’a-t-il dit. Je ne veux pas que tu t’en fasses.” Je l’ai évidemment mis au défi là-dessus, à différentes étapes, mais Aaron était toujours solide et très constant.

« Au début, poursuit-elle, il était plus facile pour moi de m’accrocher au personnage de la sitcom parce qu’il y a alors des contours très bien définis. Lucy Ricardo m’a ensuite menée vers Lucille Ball. Qui, elle, est très différente du personnage qu’elle a campé à l’écran. Lucy Ricardo était une totale création de Lucille Ball. »

Being the Ricardos sera offert sur Amazon Prime Video dès mardi.