« Enfin Aline arrive sur nos écrans ! Je suis trop contente ! », s’exclame au bout du fil Valérie Lemercier, qui incarne Aline/Céline et qui est aussi la réalisatrice et coscénariste du film.

Valérie Lemercier réalise avec Aline son sixième film (Le derrière, Palais royal) et le plus ambitieux avec un budget de 23 millions d’euros (33 millions CAN). La comédienne est très consciente que le Québec attend de pied ferme Aline, une fiction librement inspirée de la vie de Céline Dion et une véritable déclaration d’amour à notre « Céline ». On retrouve les grands moments de la vie de la chanteuse Aline Dieu (Céline Dion), mais surtout l’histoire d’amour avec René Angélil, Guy-Claude Kamar dans le film.

Aline devait sortir il y a un an, mais a été reporté à cause de la pandémie. Depuis, il a été vendu dans 50 pays. Il prendra l’affiche le 26 novembre au Québec, puis aux États-Unis en janvier. « J’ai trop hâte de venir vous le présenter », confie Valérie Lemercier, qui sera de passage au Québec dès le 21 novembre. « Je suis nerveuse, mais je serai entourée de mes comédiens québécois que j’adore, et qui sont tous formidables. »

L’accent québécois

Abordons tout de suite le sujet délicat : l’accent du personnage principal. Il s’agit tout de même d’une actrice française qui emprunte un accent québécois qui ne fait pas l’unanimité. « Je sais, je ne fais pas bien l’accent, et pourtant il y avait une Québécoise qui était toujours avec moi pendant le tournage avec qui j’ai travaillé, explique-t-elle. On a fait volontairement un accent léger, et j’ai demandé à tous les acteurs québécois de faire un accent léger aussi. Les films de Xavier Dolan, ou de Denys Arcand, je les adore, mais ils sont sous-titrés en France. Je ne voulais pas de sous-titres. » Robert Charlebois a vu Aline et lui a reproché aussi son accent, même s’il a beaucoup aimé le film, précise Valérie Lemercier. « Il n’y a que Gad Elmaleh qui sait faire l’accent, je sais ! », lance Valérie Lemercier qui a joué dans Les visiteurs et Les vacances du petit Nicolas.

Mais est-ce qu’une Française peut vraiment incarner Céline Dion ?

Je n’ai peut-être pas encore conscience de la volée de bois vert que je vais me prendre… mais vous savez, Céline Dion, c’est aussi une icône pour nous les Français. Peut-être que j’étais inconsciente et que je ne me suis pas rendu compte de l’ampleur que ça allait prendre, que ça allait être si gros, le fait d’incarner Aline/Céline.

Valérie Lemercier

« Heureusement, on a pu faire le film dans le plus grand secret, sans aucune communication, et rien n’a été dévoilé pendant le tournage, aucune image, heureusement. Céline Dion n’a rien voulu voir, n’a pas voulu lire le scénario. Je pense que les choses ont plus de forces comme ça. »

PHOTO JEAN MARIE LEROY, FOURNIE PAR MAISON 4:3

Aline (Valérie Lemercier) avec son gérant et mari, Guy-Claude Kamar (Sylvain Marcel)

Valérie Lemercier estime qu’elle a gardé une certaine pudeur face à Céline Dion, une femme qu’elle admire. « Je n’ai pas tourné dans sa maison. On me l’a proposé, mais je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas tourné non plus à Charlemagne, je voulais garder une distance. » Elle rappelle que le film s’appelle Aline et non Céline, ce qui lui a permis plus de liberté dans l’écriture du scénario.

Trois ans de travail

Aline, c’est trois ans de travail. Pour mener à terme son projet, Valérie Lemercier, qui dit avoir été bercée par les chansons de Félix Leclerc petite, s’est d’abord documentée sur le Québec et sur Céline Dion. « J’ai regardé tellement de choses du Québec, j’ai découvert beaucoup de chansons, dont la très belle Mille après mille. J’ai écouté de la musique, Fred Pellerin par exemple, j’ai regardé des films, des talk-shows, des émissions de télévision, des entrevues, et même Occupation double ! J’ai eu envie de parler de cette famille Dion, mais du Québec aussi. Il n’y a pas un objet dans ce film qui n’est pas du Québec. Tous les acteurs sont québécois, sauf moi et Jean-Noël Brouté, qui joue le maquilleur. »

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Valérie Lemercier et Sylvain Marcel dans une scène d’Aline

Pour réaliser le film et incarner la diva québécoise, elle a épluché tout ce qui s’est dit, écrit et tourné sur la chanteuse. Elle est allée la voir en concert, mais elle ne l’a jamais rencontrée. « J’ai adoré les livres de Georges-Hébert Germain sur Céline Dion et Thérèse Dion. J’ai aimé celui de Denise Bombardier aussi. Je suis tombée sous le charme de René Angélil. C’est un film qui parle de lui, mais aussi de Thérèse Dion, et de la volonté de ce trio incroyable. »

Une 14enfant qui n’a pas été désirée, qui devient la plus grande star du monde, quel incroyable destin. Je ne me lasse pas de Céline Dion, c’est toujours un plaisir de l’écouter. Je l’admire, elle est très inspirante.

Valérie Lemercier

Valérie Lemercier souligne aussi la relation fusionnelle entre Céline et sa mère, et de l’amour de Céline et René. « Un amour cornélien, qui ne pouvait pas être dit, elle a été tiraillée. J’étais fascinée par le fait que Céline le sauve aussi ! Elle est arrivée à un moment où René voulait changer de métier, il a hypothéqué sa maison pour faire son disque, il a cru en elle, dans cette petite fille de 12 ans. J’allais de découverte en découverte. Dans le film, il y a des choses vraies, des choses inventées et romancées, c’est un mélange, mais il y a des petits détails que seule Céline remarquera dans le film. »

PHOTO JEAN-MARIE LEROY, FOURNIE PAR MAISON 4:3

Aline/Céline entourée de sa famille, à son mariage

Valérie Lemercier a adoré jouer Aline Dieu/Céline Dion. C’est la première fois qu’elle incarne une personne qui existe et la métamorphose est réussie. Elle reconnaît qu’elle a des points en commun avec elle, il y a la vie d’artiste évidemment, le fait qu’elle vient d’une famille nombreuse, le physique aussi, peu avantageux, dont elle a souffert, plus jeune. « Mes deux grands-mères ont eu neuf enfants, je connais les familles nombreuses, les fêtes de Noël où nous sommes réunis à plus de 100 et où on joue d’un instrument de musique. J’avais dans mon village des familles qui avaient 14 enfants, mais c’était exceptionnel, alors qu’au Québec à cette époque, ça ne l’était pas. J’admire la force des femmes au Québec, Thérèse Dion était d’une force exceptionnelle. »

Céline a-t-elle vu le film ? « Elle ne l’a pas vu. Des proches de René Angélil l’ont vu et ont dit que René aurait beaucoup aimé le film, ce qui m’a fait très plaisir. Scott Price, le directeur musical de Céline Dion, a beaucoup aimé aussi, tout comme Luc Plamondon », confie Valérie Lemercier, qui s’inquiète de l’état de santé de Céline Dion. « J’espère qu’elle prend soin d’elle et je lui souhaite prompt rétablissement. »

La voix de Céline Dion…

Pour trouver la voix de Céline Dion, Valérie Lemercier a fait passer des auditions à plus de 50 chanteuses et c’est Victoria Sio qui a été choisie. La jeune femme a participé à des comédies musicales comme Le Roi-Soleil et Les trois mousquetaires. Le film débute et se termine avec la chanson de Robert Charlebois Ordinaire chantée par Céline Dion/Aline Dieu. « C’est la seule chanson que Céline chante avec un peu d’accent québécois, une chanson qui dit sa vérité même si elle ne l’a pas écrite. » Valérie Lemercier a dirigé Victoria Sio comme une actrice. « C’était capital qu’elle puisse chanter Ordinaire, car c’est une chanson de maturité. Céline n’aurait pas pu la chanter à 25 ans, il faut être extraordinaire pour chanter Ordinaire, ça ne peut pas être chanté par quelqu’un qui n’a pas d’expérience ou qui n’a rien vécu », estime-t-elle.

Et les costumes

En tout, 182 costumes ont été créés et fabriqués sur mesure pour le personnage d’Aline par Catherine Leterrier, une costumière que Valérie Lemercier a rencontrée lors du film Milou en mai en 1990. « Elle a fait un travail incroyable, on avait un atelier pour fabriquer tous les costumes. Certaines couturières ne faisaient que coudre des perles, des sequins et du strass et il y a même l’actrice Sigourney Weaver qui est venue coudre quelques perles, car l’actrice américaine est la meilleure amie de Catherine Leterrier ! », s’exclame-t-elle.

Le film sort en salle le vendredi 26 novembre.

Le Québec vu par Valérie Lemercier

PHOTO VALERY HACHE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Valérie Lemercier et Sylvain Marcel à Cannes pour la présentation du film Aline

Même si Valérie Lemercier a passé beaucoup de temps au Québec pour les besoins du tournage d’Aline et qu’elle a adoré son expérience, sa relation avec le Québec a pourtant débuté par un traumatisme en 1990.

« J’ai très mal commencé ma vie avec le Québec ! C’était il y a 30 ans, j’avais présenté mon spectacle pendant neuf mois à Paris au Théâtre du Splendid, ça se passait très bien, puis j’ai été invitée à le présenter à Montréal au festival Juste pour rire », raconte-t-elle.

« Le problème, c’est qu’Air Canada avait acheté toutes les places pour les offrir à ses employés et les gens pensaient aller voir Claudine Mercier ! Ils sont donc sortis et j’ai fini mon spectacle toute seule… ! Les journaux avaient écrit : “À guichets fermés pour 15 minutes seulement”. C’est vrai, il n’y avait plus personne dans la salle à la fin ! J’étais traumatisée, mais vraiment traumatisée. Alors chaque fois qu’on m’a invitée au Québec pour présenter les films Les visiteurs ou Palais royal, je disais : je vais où vous voulez, mais pas au Québec ! »

J’étais meurtrie, tellement blessée par cette soirée, je m’en souviendrais toute ma vie et je n’y étais jamais retournée.

Valérie Lemercier

Elle voulait revenir ici, mais attendait d’avoir un beau projet. C’est ce qu’elle a fait avec Aline. « J’y suis allée au moins une dizaine de fois et j’y suis retournée virtuellement pendant le confinement : j’ai passé tout le premier confinement avec ma nièce de 14 ans à manger du pop corn et à regarder de vieux épisodes d’Occupation double ! », dit-elle en riant.

Les comédiens, sa « famille »

La réalisatrice parle avec grand plaisir des comédiens québécois qu’elle a découverts pour Aline. « Ils sont géniaux. Sylvain Marcel, Danielle Fichaud, Roc Lafortune, Pascale Desrochers et Antoine Vézina, je lui ai même ajouté des scènes tellement il est bon », s’amuse Valérie Lemercier. Elle a d’ailleurs développé des liens très forts avec eux. « C’est devenu ma famille ! On s’écrit tout le temps ! Danielle Fichaud, je l’appelle encore maman, et elle “mon gros bébé !”. »

PHOTO JEAN-MARIE LEROY, FOURNIE PAR MAISON 4:3

La jeune Aline Dieu (Valérie Lemercier) avec sa mère (Danielle Fichaud) et Guy-Claude Kamar (Sylvain Marcel), lors de leur passage à Paris

D’ailleurs, elle a trouvé Sylvain Marcel, qui interprète le personnage de Guy-Claude Karmar, inspiré de René Angélil, en faisant des recherches sur l’internet. « J’ai regardé tous les acteurs possibles pour jouer le rôle, j’ai même pensé à Dan Aykroyd, mais il est anglophone, ça n’allait pas. J’ai cherché des acteurs, des chanteurs, des animateurs et finalement j’ai tapé “comique québécois” sur l’internet et je suis tombée sur une photo de Sylvain Marcel ! Il y avait quelque chose de très doux dans son regard et d’enfantin et, en plus, il est de Charlemagne ! Il est venu à Paris passer des essais filmés, et c’était clair que notre couple marchait. »

Quant à Danielle Fichaud, qui joue la mère d’Aline/Céline, il s’agit d’un véritable coup de cœur, en raison, notamment, de son grand sens de l’humour. « J’aurais pris Josiane Balasko si on avait eu besoin d’une Française. Quatre comédiennes sont venues, et quand j’ai vu Danielle Fichaud, j’ai su tout de suite que c’était elle. Elle m’a tellement fait rire. Elle y allait à fond dans l’émotion. Je l’ai appelée moi-même pour lui annoncer que c’était elle. Je lui ai dit : “Allô maman”, elle pleurait au téléphone. »

PHOTO SARAH MEYSSONNIER, ARCHIVES REUTERS

Danielle Fichaud, Valérie Lemercier et Sylvain Marcel

Le plaisir de tourner ici

Le tournage d’Aline a duré 17 semaines, en France, en Espagne, à Las Vegas et bien sûr en grande partie au Québec, une expérience dont elle garde un excellent souvenir.

« L’univers du cinéma en France est beaucoup plus macho. En tant que réalisatrice en France, quand on exige certaines choses, on est considérée comme chiante. Au Québec, il n’y a pas de misogynie, c’était formidable, avec toute l’équipe québécoise, on sent leur habitude de faire des gros films. C’est la première fois de ma vie que je trouve ça plus facile. Tout était possible. Le tournage s’est passé dans la plus grande joie et l’allégresse, il y avait beaucoup de décors fabriqués sur mesure, complètement dingues et sublimes, et on a tous des perruques, et c’est très bien fait. »