Comme tout le monde, Dany Boon a été fortement marqué par la pandémie et le confinement très strict auquel les Français ont dû se soumettre l’an dernier. Il en a tiré un film dont le titre fait justement écho aux qualités humanistes d’un groupe de locataires dans un immeuble parisien. Entretien.

Dany Boon est un peu angoissé de nature. Pour quelqu’un ayant déjà écrit et réalisé une comédie ayant pour titre Supercondriaque, une pandémie mondiale provoquée par l’arrivée, l’an dernier, d’un virus dont les scientifiques ne savaient encore rien revêtait forcément un caractère très anxiogène. Confiné alors chez lui avec sa famille, le comédien a cependant pu observer les liens de solidarité qui se sont créés dans son voisinage.

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Cette scène de 8 Rue de l’Humanité fait écho au rituel qu’ont emprunté les Parisiens pendant le confinement en sortant tous les soirs sur leur balcon pour applaudir les intervenants de première ligne.

« Au début, nous étions sidérés par ce qui se passait et, comme tout le monde, nous étions accrochés aux chaînes d’info pour essayer de trouver des réponses que personne ne pouvait donner, confie Dany Boon au cours d’un entretien accordé à La Presse. Tout était très sombre, mais on a progressivement cherché des façons de se rassurer un peu. Puis, on m’a appris que les assurances ne pouvaient plus couvrir le film que je devais tourner en août 2020 et j’ai dû prévenir toute mon équipe. C’est là que je me suis tourné vers Laurence [Arné, comédienne, coscénariste et compagne] en lui disant que plutôt que de subir cette situation, il vaudrait peut-être mieux écrire quelque chose. »

Révélateur de la nature humaine

Reconnu grâce à ses tendres comédies, dont le titre emblématique reste Bienvenue chez les Ch’tis (toujours le plus grand succès de l’histoire du cinéma français), Dany Boon a ainsi dû trouver une façon de tirer des traits humoristiques de ce chapitre très dramatique de l’histoire de l’humanité. Débutant par la « déclaration de guerre » du président Emmanuel Macron, le récit de 8 Rue de l’Humanité suit ainsi les vies de différents locataires d’un immeuble parisien devant désormais composer avec les nouvelles règles de distanciation, le couvre-feu, les permis requis pour se déplacer hors des heures prescrites, ces éléments agissant comme autant de révélateurs de la nature humaine.

L’humour que j’aime est celui qui véhicule de l’humanité en prenant sa source dans des choses souvent désespérées. C’est une manière de répondre au désespoir, à l’inévitable, à l’inéluctable.

Dany Boon

« Ce film n’est pas vraiment sur la COVID ni le confinement, mais plutôt sur une situation faisant en sorte que les personnages doivent révéler leur vraie nature et se mettre en contact avec leur humanité, même si, au départ, ils ne sont pas partis pour faire ça du tout ! »

Un fond de vérité

Mettant en outre en vedette, en plus de l’auteur et cinéaste lui-même, François Damiens, Laurence Arné, Tom Leeb, Liliane Rovère et Yvan Attal, ce dernier incarnant une espèce de savant fou, obsédé par la recherche d’un vaccin, 8 Rue de l’Humanité explore ainsi les rapports parfois conflictuels entre des locataires qui, paradoxalement, doivent maintenant interagir alors qu’auparavant, dans un monde prépandémique, tout le monde s’ignorait. Bien entendu, le trait est souvent grossi, mais le récit puise néanmoins dans un fond de vérité. Le personnage qu’incarne Dany Boon, très intense, est directement inspiré de ses propres obsessions.

J’ai fait partie de ceux qui prenaient la température de tout le monde, tout le temps. Ça a beaucoup énervé Laurence, d’ailleurs. Mais au lieu d’arrêter, j’ai enlevé le bip et je prenais la température des enfants quand ils dormaient !

Dany Boon

« À cette époque, on ne savait même pas s’il y aurait un vaccin un jour. Le personnage de scientifique que joue Yvan Attal est un peu le résultat de tous les spécialistes qu’on a vus à la télé, forcés par les chaînes d’info à faire toutes sortes de suppositions et d’avancer des hypothèses. Il suffisait que l’un d’eux dise que le virus tient 4 heures sur du carton, 12 heures sur du plastique et 15 heures sur du métal pour qu’on passe notre temps à tout désinfecter ! »

PHOTO DENIS CHARLET, AGENCE FRANCE-PRESSE

Laurence Arné et Dany Boon, photographiés lors d’une avant-première de leur film à Vitry-en-Artois, ont écrit ensemble le scénario de 8 Rue de l’Humanité.

Contrairement à plusieurs longs métrages français qui prennent l’affiche en salle dans l’Hexagone et sont ensuite achetés par Netflix pour une distribution mondiale (ADN de Maïwenn, par exemple), 8 Rue de l’Humanité est une production du géant de la diffusion en ligne.

« Mes liens avec Netflix ont d’abord été établis grâce à Murder Mystery, un film anglophone dans lequel j’ai joué avec Jennifer Aniston et Adam Sandler, indique Dany Boon. Mon dernier spectacle a aussi été diffusé par Netflix. Je trouvais que le sujet se prêtait bien à une plateforme. À mes yeux, la cohabitation entre le grand écran et les diffuseurs en ligne n’est pas incompatible, même si elle n’est pas encore permise en France. Ça viendra sans doute un jour. La question est plus de voir des cinéastes travailler pendant des années sur des séries qui, du coup, n’ont plus de temps pour le cinéma. »

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Dans la cour d’un immeuble situé au 8 rue de l’Humanité…

Même s’il s’est souvent fait offrir d’écrire et de réaliser des séries, notamment sur les Ch’tis, Dany Boon préfère se concentrer sur le cinéma.

« J’aime bien l’idée d’avoir l’occasion de travailler un peu différemment et de prendre plus de temps pour raconter une histoire, mais pour l’instant, je préfère le format cinéma, avec un début et une fin en deux heures. Cela dit, je m’intéresse aux séries aussi. Je les regarde en tout cas ! »

Un homme aimé des Français

Figurant régulièrement sur la liste des personnalités les plus aimées des Français, Dany Boon a dû apprendre à composer avec la notoriété — surtout dans la foulée de Bienvenue chez les Ch’tis —, mais a quand même vite trouvé un équilibre entre vie publique et vie privée.

« Je suis très heureux d’être aimé des Français, d’abord parce que je n’ai pas cherché à l’être, dit-il. C’est peut-être pour ça que c’est arrivé. L’affection que les gens me portent est bienveillante. Cela dit, j’essaie de protéger aussi mes enfants et ma famille. Parce qu’en contrepoint de cette notoriété, je suis devenu un produit qui nourrissait une certaine presse, surtout à l’époque des Ch’tis. Tout à coup, la moindre chose devenait un évènement et il m’a fallu faire très attention à tout ce que je disais, à tout ce que je faisais, à ce à quoi je réagissais. Or, je n’en avais pas conscience à cette époque. Je ne mets rien de personnel sur mes réseaux sociaux, car j’essaie de garder une part de mystère ! »

8 Rue de l’Humanité est offert sur Netflix.