Cinq mois jour pour jour après une sortie en force brusquement avortée, le film La déesse des mouches à feu nous revient enfin ces jours-ci. Le premier ministre François Legault lui-même a invité les Québécois à aller le visionner. Pour le plus grand bonheur de la principale intéressée. Entretien sans filtre avec une jeune femme solide, quoiqu’écorchée, et lumineuse malgré ses zones d’obscurité, bref, manifestement éclatée. Pas bien loin de son personnage, en fait.

Assise dans ce qu’on devine être son salon, dans son appartement du Plateau, Kelly Depeault, 18 ans, alias Catherine ou la déesse pour les intimes, se confie avec une transparence désarmante. Il faut dire qu’elle revient de loin. Et que ce premier grand rôle au cinéma lui a fait le plus grand bien. « Anaïs ? Elle m’a tellement aidée, sourit-elle à la caméra. C’est une sauveuse ! »

Elle n’a effectivement que de bons mots pour la production, et notamment sa réalisatrice, Anaïs Barbeau-Lavalette. Rappelons que La déesse des mouches à feu, long métrage adapté du roman du même nom (signé Geneviève Pettersen), est sorti brièvement (quoique de manière fracassante, en tête du box-office dès son premier week-end à l’affiche), le 25 septembre dernier, six jours seulement avant la (re)fermeture des salles, pour les raisons que l’on sait. Sorte de polaroïd cru et violent de l’adolescence, le film propose un plongeon frontal dans les années 90, au sein de la vie tumultueuse d’une adolescente. Au menu : divorce de ses parents, mescaline et Dr. Martens (rouges). Partys, crises et autres folies.

Pour l’actrice principale, l’engouement suscité par cette résurrection n’a pas de prix. « Je suis vraiment contente qu’il ressorte et que les gens soient intéressés à le voir, dit-elle en souriant, un sourire qui ne la quittera pas de l’entretien (virtuel). En plus le printemps arrive, avec le soleil, et moi je suis quelqu’un qui refleurit au printemps. »

La fermeture soudaine des salles ne l’a étonnamment pas trop chamboulée. « Je suis quelqu’un qui va avec le flow, dans la vie. Quand on n’a pas le contrôle [comme avec la COVID-19, ou les cinémas fermés, je ne vais pas pleurer, ce film-là, je l’ai vu !], à la place d’aller dans le négatif, soyons dans le calme. Travaillons le présent pour apprivoiser le futur », nous dit la jeune femme, que l’on peut également voir dans la série L’échappée.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Kelly Depeault

Moi, j’ai que du bonheur dans ma vie en ce moment !

Kelly Depeault, interprète de Catherine, personnage principal de La déesse des mouches à feu

Il faut dire qu’elle a trouvé son truc : couvre-feu oblige, Kelly Depeault s’entraîne désormais « comme une folle », s’adonnant religieusement au yoga. « Le couvre-feu me permet de me coucher super tôt, et de me lever super tôt pour faire ma routine. » Et, de toute évidence, ça lui fait le plus grand bien.

Parce que c’est une évidence, le personnage de Catherine, jeune femme à l’adolescence, disons, explosive, ne lui est pas étranger. Exception faite de sa frénétique consommation de mescaline (« la drogue, moi, j’en fais vraiment pas […], je suis vraiment sage dans la vie ! »), l’actrice a elle aussi des parents séparés (à l’adolescence), une mère poule un brin maladroite (et les « moments crunchy » qui vont avec) et une bonne et solide « gang d’amis » (« fondamentale »). D’ailleurs, en audition pour le rôle, Kelly Depeault a craqué et littéralement fui le plateau, tellement ça venait la chercher. « J’étais tellement dans les émotions ! Vous voulez vraiment quelqu’un qui vit ses émotions [comme moi] ? » Mais Anaïs Barbeau-Lavalette a cru en elle, et Kelly lui en est à ce jour archi-reconnaissante. « Anaïs, elle m’a dit : ‟Toi, t’as besoin d’amour. On va t’en donner.” C’est ça, Anaïs Barbeau-Lavalette… »

Parenthèse : sans filtre, Kelly Depeault confie ici qu’elle est « bordeline », souffrant du trouble de la personnalité limite, ayant vécu son lot de dépressions en prime. « Mais ça se guérit ! Je suis suivie depuis que j’ai 5 ans, dit-elle, et là, je vais tellement bien ! […] À Berlin [à la première mondiale l’an dernier], j’ai tellement pleuré, mais c’était des pleurs de joie, des pleurs de guérison ! […] Quand je reçois de l’amour, résume-t-elle, c’est cool et douloureux. Mais ça se guérit, sais-tu quoi, plus t’en reçois ! » Ce film, elle le compare d’ailleurs à « une grosse bombe d’amour tombée du ciel ». Thérapeutique à souhait. Fin de la parenthèse.

« Catherine [son personnage], je suis tellement contente de ce qu’elle m’a apporté. Elle m’a appris à rire ! Je ne riais pas avec mes broches, avant ! », confie l’actrice en éclatant de rire, justement, pour nous montrer ses belles dents (désormais toutes blanches et surtout parfaitement alignées).

Elle ne doute pas un instant que le personnage, avec ses hauts, ses bas et son univers (Discman et pré-Instagram), résonne très fort chez bien des jeunes d’aujourd’hui. « Je pense que oui, la majorité de jeunes que j’entends le disent : on n’est pas nés dans les bonnes années. » En témoignent l’intérêt renouvelé pour les vinyles, et un certain regard critique face aux réseaux sociaux. « Être en gang et voir tout le monde avoir son moment cellulaire, c’est vraiment pas ma tasse de thé ! »

S’il ne faut retenir qu’une chose de son film, c’est celle-ci : « Fais ton chemin, mais garde tes valeurs, conclut la jeune femme. Vis tes expériences (avec modération !), mais n’oublie pas qu’il y a de l’aide autour. » Ah oui, et : « Écoute-toi, et fais attention à toi… »

> (Re)lisez la critique du film La déesse des mouches à feu par Émilie Côté