Reconnue tant pour sa poésie que pour son travail de préservation de la langue innue, Joséphine Bacon est aussi un personnage lumineux. Ce que rappelle la cinéaste Kim O’Bomsawin, dont le documentaire, présenté au festival Cinemania, a aussi l’essentielle qualité de situer la poétesse dans son territoire. Entrevue.

Elle est née à Pessamit, a vécu une quinzaine d’années en pensionnat autochtone à Maliotenam, a créé des liens étroits avec des gens de Natashquan, vit à Montréal et est inspirée par la région de Mushuau-nipi dans le Grand Nord québécois. Question : quel est le vrai territoire de la poétesse Joséphine Bacon ? Et si ce territoire était… le bonheur ?

Car le bonheur transpire, suinte, jaillit de partout dans le documentaire que la cinéaste abénaquise Kim O’Bomsawin consacre à la plus connue des poètes innus. Dire que le bonheur définit ce film n’est pas exagéré.

C’est sans doute imputable au regard d’enfant que porte Mme Bacon sur la vie et le monde, peu importe la situation.

« Joséphine a 12 ans dans sa tête et dans son cœur », dit en entrevue Kim O’Bomsawin, qui compte plusieurs documentaires à son actif.

Tout le monde l’aime. Elle est incapable de voir la vie autrement qu’avec des lunettes roses. Elle va toujours trouver une façon de trouver du beau dans du laid. Elle m’a appris énormément sur le sens de la vie. Elle constitue le plus grand exemple de résilience que je connaisse.

Kim O’Bomsawin, cinéaste

Il est vrai qu’à 73 ans, Mme Bacon a vécu le cinquième de sa vie dans les pensionnats autochtones, de 5 à 19 ans, période où l’on forge sa personnalité. Il est vrai aussi qu’après son arrivée à Montréal, elle a été itinérante. Encore aujourd’hui, en dépit d’une reconnaissance internationale de son œuvre, elle vit très modestement.

« Elle a vraiment eu une vie tough », ajoute Mme O’Bomsawin.

Et pourtant ! Joséphine Bacon sourit, encore et toujours. Elle communique. Elle travaille. Elle s’émerveille. Elle met son cœur et son âme à préserver et diffuser sa langue, comme l’explique le documentaire.

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4 : 3

Joséphine Bacon, sur les épaules de son amie, la poétesse Marie-Andrée Gill, dans une scène de Je m’appelle humain

Le territoire

Son travail, comme sa curiosité insatiable, a conduit la poétesse un peu partout sur la planète. « Joséphine est une éternelle nomade, dit Kim O’Bomsawin. En général dans la vie, elle est tout le temps un peu partout. »

Mais elle a un attachement profond au territoire, ce qui est une façon de voir la vie très typique aux Premières Nations, nous explique la cinéaste.

Nos aînés nous ont toujours enseigné que c’est le territoire qui nous définit et non l’inverse. C’est ce que Joséphine porte dans sa poésie. Elle montre que le territoire est toujours à la source de la manière dont on se définit comme personne sur cette terre.

Kim O’Bomsawin, cinéaste

Or, s’il y a un territoire qu’elle affectionne particulièrement, c’est celui de Mushuau-nipi, campé à mi-chemin entre Schefferville et les monts Torngat, pour aller, dit la poétesse dans le film, « danser avec les aurores boréales ».

« Mushuau-nipi est un lieu encore vierge, précise Mme O’Bomsawin. Les Innus y allaient, car la rivière devient très étroite et forme une pointe. C’est désigné comme l’autoroute des caribous qui traversent à cet endroit. Joséphine y est déjà allée il y a une dizaine d’années et a commencé à écrire son deuxième recueil de poésie, Un thé dans la toundra. »

Dans une scène mémorable du film, Mme Bacon se laisse porter sur le dos de son amie, la poétesse Marie-Andrée Gill, alors qu’elles se trouvent au cœur du Mushuau-nipi. Autour d’elles, le paysage est spectaculaire, immense, plus coloré qu’on ne l’aurait cru.

Dans l’œuvre documentaire de Kim O’Bomsawin (La ligne rouge, Ce silence qui tue), Je m’appelle humain s’inscrit dans la continuité. « Je viens de la sociologie et je détiens une maîtrise dans ce domaine, dit-elle. Et mon but a toujours été de créer des rapprochements entre les peuples. »

Tourner un documentaire sur Joséphine Bacon allait parfaitement dans cette optique. « À travers un portrait positif et intime, nous sommes capables d’aller vers la source de ce que nous sommes : des humains avec de belles histoires à raconter. »

Je m’appelle humain sort en salle et en vidéo sur demande le 13 novembre.

Consultez la fiche du film